Une scène incompréhensible, voilà tout ce qu’il demeure de la saison de Sven Ulreich. Pendant un moment, chacun d’entre nous s’est demandé ce qu’il avait bien pu se passer dans la tête du vétéran allemand. La vérité, personne ne la connaîtra, et pas sûr que le principal intéressé lui-même puisse expliquer ce moment d’absence qui a anéanti les chances des siens. La cruauté du poste de portier illustrée, ou comment un instant peut anéantir l’oeuvre d’une vie. Pourtant, tout était si parfait. Cet instant cruel où le portier et son empire s’écroulent, comme impuissants devant l’erreur, restera sans aucun doute inscrit dans les mémoires de tous. Un déchirement pour celui qui vivait jusque-là un rêve éveillé.
Ulreich inconsolable à la suite du match. Une allégorie de la solitude.
Rien ne reste, excepté cet esprit désemparé. Des ballons comme ça, Ulreich en a négocié des milliers. Lui qui avait fait oublier le monstre Neuer, qui avait gardé les siens vivants à l’aller pendant que de l’autre côté du terrain, c’était Navas qui s’était troué. Que la planète gardien tourne vite, et qu’elle est impitoyable quand il s’agit de punir l’un des nôtres. Qu’il est dur de perdre des années de travail acharné en l’espace d’un instant. Là, sur cette vaste étendue de vert devenue infernale, Sven est seul. Il semble abattu, comme un soldat laissé pour mort au milieu de ce champ de bataille champêtre. Une simple balle, et le voilà condamné. Injuste, le mot est bien trop faible. Car qui n’a pas connu ce moment maudit où après tant de miracles performés, le portier succombe à son imperfection. Cette erreur qui survient tôt et tard et qui dévaste votre monde.
Comment ne pas se morfondre devant cette erreur que vous n’êtes jamais supposé commettre ? Le poste de portier n’est-il pas d’échapper continuellement à la mort ? Jusqu’au jour où cette fatalité vous rattrape, et c’est sans aucun doute le pire sentiment qui puisse exister. Celui d’avoir trahi les siens, d’avoir finalement pêché, vous qui étiez l’ange gardien. Ulreich regrettera sans doute à jamais cette erreur. Il vivra avec, comme un immense fardeau qu’il devra porter continuellement. Il y repensera encore et encore, elle le rongera probablement dans son sommeil longtemps. Les mots ne décrivent pas les sentiments que chacun d’entre nous éprouvons lorsque nous nous trompons, ils paraissent tous bien trop faibles pour exprimer ce mélange de dépit, dégoût et d’injustice qui nous habite.
Mais la réalité du football l’emporte bien assez vite. Si la planète des gardiens tourne si vite, c’est également pour oublier cette omniprésente cruauté. Navas l’a connu bien assez, lui qui s’était troué deux fois de suite contre la Juve puis le Bayern à l’aller, et qui ressort ce soir en héros, tant il a sauvé les siens à multiples reprises. Comme Navas, Ulreich se relèvera. Du temps, il lui en faudra certainement. Mais tel est le destin du portier : mourir pour les siens, se sacrifier continuellement et s’écrouler finalement sous les balles de l’injustice. Puis se relever, difficilement, et recommencer. Car tel est notre credo.
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