Libéré de sa dernière année de contrat par Stoke City, Shay Given, 41 ans, est à un tournant de sa carrière. Prendre sa retraite ? Il y songe mais pas avant d’avoir relevé un dernier défi.
S’il n’aura jamais le palmarès d’un Buffon, d’un Santiago Canizares ou d’un Fabien Barthez, Shay Given est de la même génération. Si ses seuls trophées sont un titre de champion d’Angleterre de troisième division avec Sunderland en 1995/1996 et une coupe Intertoto avec Newcastle en 2006/2007, rappelons-nous qu’Hugo Lloris n’a gagné aucun titre majeur. Si son plus grand exploit en sélection nationale est un huitième de finale de Coupe du Monde avec l’Irlande en 2002, souvenons-nous que Georges Weah n’a jamais participé à une phase finale de Coupe du Monde. On dit que les joueurs sont grands par leur palmarès, qu’un joueur laisse une trace quand on se rappelle de tout ce qu’il a gagné. On dit aussi que les joueurs passent et que les titres restent. Certes. Mais même sans ça, messieurs, dames, Shay Given est une légende.
Depuis le début de sa carrière, il a disputé 663 matchs dont 134 en sélection et ne compte pas s’arrêter là. Lorsque son club de Stoke City a décidé de le laisser libre à la fin de cette saison, Shay a déclaré: « Oui, je suis âgé de 41 ans, mais je pense que je peux continuer une année encore, que ce soit en tant que numéro deux ou trois en Premier League ou en numéro un en Championship. Il y a peut-être un dernier succès ou une promotion à aller chercher si quelqu’un vient avec un projet intéressant. Je sais que je suis proche de la fin. Cela pourrait être cette année ou l’année prochaine mais une fois que vous prenez votre retraite, surtout à mon âge, vous ne pouvez pas revenir six mois après en disant : “j’ai changé d’avis” ».
La belle histoire serait qu’il signe dans un club aussi mythique que lui, un bon Leeds United par exemple. Et qu’il les fasse remonter en Premier League grâce à la meilleure saison de sa carrière, qui serait aussi sa dernière. Football fiction.
L’irlandais a joué à Blackburn, Sunderland, Swindon Town, Aston Villa, Middlesbrough et Manchester City mais c’est à Newcastle United qu’il a écrit ses plus belles années, où il a disputé 462 matchs et où il a découvert la Champions League.
À ses débuts au centre de formation du Celtic Glasgow, où il est recruté à 14 ans, il ne parvient pas à s’imposer en équipe première. Pourtant, un entraineur, qui deviendra son mentor, le repère.
Cet entraineur est né en Ecosse, a joué plus de 850 matchs en club dans sa carrière et a, par la suite, coaché les Reds de Liverpool. Oui, l’homme qui décèle le talent de Shay Given dans ses jeunes années est Kenny Dalglish. À ce moment de sa carrière, « King Kenny » dirige l’équipe de Blackburn et fait signer le jeune Shay pour parfaire sa formation. Nous sommes en 1995.
Lorsque Dalglish signe à Newcastle en 1997, sa première recrue s’appelle Given. Comme quoi, la rivalité Irlande/Ecosse, quand elle est mise de côté, donne une des belles histoires du football britannique. La carrière de l’irlandais est lancée, il a alors 21 ans.
Jusqu’en 2009, il arborera fièrement le blason de Newcastle sur la poitrine puis sera transféré à Manchester City à l’issue de la saison.
C’est en 2009 justement qu’un évènement marquera sa carrière à jamais. Si nous ne devions en retenir qu’une image, ce serait ce moment où Shay se rue sur un arbitre à la 103ème minute de jeu.
Petit retour en arrière. Barrage de qualification pour la Coupe du Monde 2010 en Afrique du Sud. L’Irlande affronte l’équipe de France à Saint-Denis pour le match retour. Robbie Keane ouvre le score à la 33ème minute et l’Irlande arrache la prolongation. À l’aller, Anelka avait offert le succès au Français (0-1). Tout bascule. Coup franc plein axe de Malouda pour Henry dans la surface qui s’emmène le ballon de la main pour ensuite centrer sur la tête de William Gallas. Le stade entier observe la scène et constate la triche de l’attaquant français. Tout le stade sauf Martin Hansson, l’arbitre suédois de la rencontre. La sélection irlandaise, alors entrainée par l’italien Giovanni Trapattoni, est éliminée. La carrière de Given, et ses coéquipiers, modifiée à jamais. La génération dorée irlandaise composée de O’Shea, Kevin Doyle, Damian Duff ou Robbie Keane ne participera pas à la phase finale de la compétition.
On apprendra plus tard que Sepp Blatter, alors président de FIFA, a grassement négocié l’erreur de l’arbitre avec Fédération de Football Irlandaise (FAI). Oui, la FAI s’était mise en tête de porter “l’affaire de la main de Thierry Henry” jusqu’aux plus hautes instances du sport mondial. Un chèque de 5 millions de dollars de dédommagement l’en a dissuadé. La légende résume cette affaire par : « un million par doigt ».
Dans le style, Shay Given a toujours adopté le look maillot à manches longues / short. Toujours. Et dans ses buts, un vrai gardien à l’ancienne. Monstrueux sur sa ligne et dans les face à face, avec quelques ballons pris en pleine poire, toujours bien placé. Reste en mémoire un légendaire triple arrêt face à Everton en Premier League (Voir à partir de 1m15s).
En 2013, il divorce de sa femme pour une serveuse de boite de nuit. Toujours bien placé on vous dit.
À part ça, il n’existe aucune trace d’une quelconque bagarre avec un coéquipier, aucune trace d’un cigare écrasé dans l’oeil d’un autre, pas de problème d’alcoolisme, pas non plus de coup de poing en plein match à un adversaire… Non Shay Given n’est pas un ange mais il a l’élégance des britanniques.
En 2009, son partenaire de sélection, le gardien de but de Scunthorpe, Joe Murphy, s’est fendu de plusieurs déclarations élogieuses au sujet de Given, dans le Telegraph : « Je peux dire sans aucun doute que Shay est le meilleur gardien du monde. Son attitude à l’égard de son travail est absolue, c’est un immense professionnel. C’est vrai que je n’ai pas travaillé avec des gens comme Casillas ou Cech mais je pense que personne au monde n’est meilleur que lui ».
Avec le poids des années et depuis son départ de Newcastle à la fin de la saison 2008/2009, il ne s’est plus réellement installé comme titulaire indiscutable dans un club. Une saison pleine en trois ans pendant son passage à Manchester City et sa dernière saison en tant que rempart numéro 1 à Aston Villa en 2011/2012.
Bien sûr, sa carrière est derrière lui mais quand on a été le coéquipier de Graeme Le Saux, Gary Speed, Alan Shearer, Michael Owen et Joey Barton à Newcastle ou Vincent Kompany, Patrick Vieira et Carlos Tevez à City, sans oublier Ron Vlaar à Aston Villa et celui de Roy Keane en sélection, pardon, mais on force le respect.
Alors non, il n’a jamais joué au Real Madrid, au Milan AC ou au Manchester United de la grande époque. Non, il n’a jamais brigué une place sur le podium du Ballon d’Or mais oui, Shay Given est une légende.
source photo: challenges/libération/dailymail/themag