Au milieu de cette foule de joie, d’exhaltation que sont les joueurs du Real Madrid, l’un d’eux se distingue étrangement. Vêtu d’un verdâtre vif, il véhicule une joie supérieure à tous ses camarades. Déjà, il semble apprécier cette victoire plus que les autres. Pourtant, cette C1, il l’avait déjà gagnée deux fois. Non, cette C1, elle est unique. Plus qu’un titre, c’est toute un exode qu’elle vient achever. Le parcours d’un gardien déchu, autrefois meilleur gardien au monde, puis raillé pour ses piètres performances. Le jour et la nuit pour Keylor, qui a décidemment tout connu cette année. Pendant 6 mois, il fut l’ange déchu, celui qui avait tout perdu, et celui qui devait tout affronter seul. Car le poste de portier est cruel, il peut vous porter en héros un jour, puis vous maudire le lendemain. Keylor, c’est ce héros qui se rebella contre le sort, qui encaissa les coups sans broncher, jusqu’à répondre sèchement. Un crochet du droit pour une Liga, un uppercut du gauche pour la C1. Une fin de saison aux antipodes du cauchemar qu’a été son début de saison, et une rédemption méritée. Keylor Navas, contre vents et marées, est revenu.
Comme un signe, l’infaillible Navas se blesse au talon d’Achille avant le début de la saison. Un symbole, pour celui dont la saison 2015-2016 a été tout simplement héroïque. À force de trop forcer, dans une saison où les débuts sous Benitez étaient tout simplement catastrophiques, le costaricien s’est démené pour sauver son équipe. Trop peut-être, il est en tout cas absent de ce début de saison 2017, ratant les six premières hostilités. Surtout, cette blessure laisse en lui une profonde cicatrice. Douteux, inquiétant, voire même passif, Navas est méconnaissable. Peur de reblesser, de rechuter et d’abandonner encore ses coéquipiers ? Peut être. Mais au-delà de cela, c’est l’essence même du portier qu’il est qu’on avait perdu. Regarder jouer Navas, c’était regarder un félin, explosant d’aggressivité, impressionnant de bravoure, mais surtout réactif à chaque ballon. Qu’est-il arrivé au lion dont le commentateur anglais Ray Hudson (génie du genre si vous ne le connaissiez pas) louait à chaque match l’explosivité, allant même jusqu’à l’appeller la panthère noire (surnom jusqu’à lors réservé à Eusebio) ?
Le poste de gardien est unique dans le sens où la confiance est tout simplement primordiale. Elle est, telles les étoiles guidant le naviguateur, la seule chose sur laquelle il peut se reposer. Mais la confiance est cruelle, presque sadique, car il suffit d’une seule erreur pour la perdre durant tout un match. Et le doute, Keylor va l’adopter. Durant 6 mois, il jouera seul, se trompera seul, rentrera seul, travaillera seul. Un nombre astronomique d’erreurs, qui coutèrent pour la plupart des points au Real. Surtout, pour tout fan du Real, voir Keylor comme ça, c’est comme voir Carthage tomber. Autrefois rayonnant, aujourd’hui en ruines, méconnaissable, presque barbare, et condamnée à sombrer.
Qu’est ce que la foi ? Comment l’expliquer ? Est-ce réellement quelque chose, ou simplement une croyance en un être qui veillerait sur nous, comme pour nous rassurer, qu’un jour, tout ira mieux ? Voltaire disait : “Un jour, tout sera bien, voilà notre espérance“. Et Keylor crut, Keylor fut, tout va mieux. Comme une rupture, le costaricien a tout oublié, et est redevenu lui même. À quand situer cette renaissance ? Difficile à dire, mais le match contre Bilbao a sûrement été un premier déclencheur, avec un Madrid qui s’impose par un but d’écart, en terre basque. Pour en arriver là, Keylor a tout oublié. Exit les gloires de la saison passée et les exploits de 2016, le costaricien a travaillé sans relâche pour revenir à son meilleur niveau. Le travail pour le gardien peut paraître cruellement difficile et ingrat, car il est détruit à chaque match par le moindre but, quelque soit votre responsabilité dans ce dernier. Mais Keylor crut, Keylor fut, tout va vraiment mieux.
Le portier costaricien est un homme de foi, en témoigne ce poing levé vers Dieu à chacun de ses arrêts. Et quoi de plus biblique qu’une renaissance ? Comme un chemin de croix, cette saison s’est achevée par une canonisation du gardien merengue. Homme du match lors de la dernière journée à Malaga, il s’est distinguée par une superbe performance là encore. Loin des doutes, San Keylor reprend la tradition d’Iker, et s’en va faire des miracles. Si cette saison était un test de foi, le portier l’a réussi avec brio. Surtout, il rajoute à son temple deux trophées des plus importants, qui témoignent de sa force mentale. Le costaricien semble prêt à tout affronter, et même l’arrivée de l’apôtre De Gea ne lui fait plus peur.
Non, Navas restera, Navas combattra, Navas vaincra. Il n’est plus du château des doutes que les ruines de sa mort.
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