Portier de l’AJ Auxerre pour la 3e saison consécutive, Zacharie Boucher, 25 ans, a vécu de nombreuses expériences au cours de sa jeune, mais déjà riche carrière. À son compteur, pas moins de 156 matchs joués en Ligue 2, 32 en Ligue 1 et 29 en équipe de France jeunes (des U16 aux Espoirs). Sacré meilleur gardien de Ligue 2 en 2013, Zacharie Boucher s’est confié à Main Opposée et revient sans langue de bois sur ses expériences et sa carrière, faite de hauts et de bas.
Main Opposée : Bonjour Zacharie, tu es parti de la Réunion assez jeune, vers 15 ans, pour te retrouver en centre de formation au Havre, à près de 10.000 kilomètres de chez toi. Comment as-tu vécu cette arrivée sur le continent, synonyme d’entrée dans le monde professionnel, mais aussi d’éloignement de tes proches ?
Zacharie Boucher : “Au départ, je n’ai pas trop calculé ça parce que je suis arrivé jeune. Je n’avais qu’une idée en tête : gravir les échelons et faire de mon rêve une réalité donc je ne savais pas vraiment ce qui allait se passer. Mais quand je suis arrivé, la première année, ça a été dur. Il n’y avait plus les proches, plus la famille. Même s’il y avait pas mal de réunionnais au Havre à ce moment là, je me suis retrouvé un peu tout seul. La première année était donc vraiment dure, non pas sur le terrain mais en dehors. C’était compliqué de rester dedans sans l’aide de mes proches.”
MO : Tu commences donc ta carrière professionnelle au Havre, le 29 juillet 2011, en remplacement de Johny Placide, et tu sors 2 pénaltys, dont 1 dans les arrêts de jeu qui vous permet de gagner 2-1 contre Angers. Avais-tu déjà rêvé meilleur scénario ?
Z.B : “Non, surtout qu’à ce moment là, je savais que Johny avait quelques petits pépins physiques mais rien ne présageait du fait que j’allais rentrer et faire ce super match. En plus, je ne le savais pas mais il y avait ma famille dans les tribunes qui était venue voir le match, donc ça c’était du bonus. C’est mon premier match, je rentre sans que ce soit prévu, je fais un bon match et ma famille est là. C’était juste parfait.”
MO : Dans le même temps, tu joues en équipe de France jeunes. Qu’est-ce que cela t’a apporté ?
Z.B : “Avec la sélection de jeunes, tu apprends en accéléré, donc ça t’apprends à appréhender au mieux les matchs avec l’équipe première.”
MO : En 2013, c’est la consécration pour toi. À tout juste 21 ans, tu es élu meilleur gardien de L2 et meilleur gardien du tournoi de Toulon avec l’équipe de France. Tu es ensuite transféré à Toulouse, en L1, début 2014. Tu te rends compte de ce que tu viens de réaliser à ce moment là ?
Z.B : “Non, pas forcément. J’étais vraiment à chaud. Après les trophées UNFP, il y a toujours une petite fête. Avec mon agent, on devait rester, mais je lui ai dit que j’avais encore le tournoi de Toulon à faire, que je devais continuer à m’entrainer et que c’était hors de question de faire la fête. Après, on fait le tournoi de Toulon avec l’équipe de France, on fait un bon parcours (3e) et je remporte ce trophée, mais je ne me rends pas compte. Je me dis que j’ai des vacances, mais aussi que j’ai encore la saison suivante à préparer. Je vais avoir une semaine de vacances et après je vais reprendre ma préparation. Je pense que ce n’est que maintenant que je me rends compte de ce que j’ai fait. Pour moi, c’était juste une récompense pour mon travail, mais j’avais encore des trucs à faire. Il fallait que je continue.”
MO : En Ligue 1, tu disputes 32 matchs en 2 saisons. Quel souvenir en gardes-tu ?
Z.B : “J’en garde un souvenir mitigé. J’ai été confronté à pas mal de soucis à Toulouse, je n’ai pas forcément fait les performances que je voulais faire. Ça a aussi été une bonne expérience parce que ça m’a fait grandir et découvrir ce qu’était le plus haut niveau français, mais j’ai un souvenir un peu mitigé, je ne vais pas le cacher.”
MO : À l’été 2015, tu retrouves la Ligue 2 avec Auxerre, en remplacement de Donovan Léon. Un choix pour retrouver plus de temps de jeu ou parce que cela s’est mal passé avec Toulouse ?
Z.B : “C’est parce que ça s’est mal passé avec Toulouse. J’avais besoin de rebondir et de reprendre goût au football, mais aussi de me restructurer. Ça a été vraiment compliqué à Toulouse, j’avais besoin d’avoir un retour aux sources et de reprendre du plaisir.”
MO : L’année dernière, tu es à la tête de la 4e défense de Ligue 2, pourtant vous luttez pour le maintien et finissez 17e. N’est-ce pas trop frustrant d’avoir le sentiment de faire le boulot mais de jouer le maintien ?
Z.B : “Le problème de notre poste, c’est que tu as beau être aussi performant que tu le souhaites, ça reste une histoire d’équipe. Si toi tu fais tes performances mais que l’équipe ne fonctionne pas forcément comme elle doit ou comme elle devrait, tes performances restent en second plan. On a eu une saison très compliquée mais on finit quand même 4e meilleure défense, donc on a fait du bon boulot derrière. Je suis encore partagé sur cette saison, mais je ne peux pas dire que je suis satisfait de mon boulot parce que je me fonds dans l’équipe. Mes performances en seraient décuplées si on avait été classés dans la première partie de tableau.”
MO : Quels sont tes objectifs et ceux du club cette saison ?
Z.B : “Cette saison, c’était la remontée mais on n’a pas fait le début de saison souhaité. Aujourd’hui on est un peu dans le dur, on se serre les coudes et on va essayer de redresser la barre. On se concentre sur ça.”
MO : Et à titre personnel pour la suite de ta carrière ?
Z.B : “Mon objectif, ça a toujours été d’aller en Ligue 1 et de perdurer dans la première division française. J’essaie de performer avec mon équipe pour pouvoir retrouver la Ligue 1 avec elle. J’ai connu un moment compliqué à Toulouse qui m’a fait redescendre, mais j’aspire toujours à aller au plus haut. Mon objectif a toujours été le même : aller au plus haut et gravir les échelons.”
MO : Penses-tu encore à la possibilité de jouer en équipe de France ou as-tu tiré un trait sur la sélection ?
Z.B : “Forcément j’en rêve et j’y pense de temps en temps, surtout qu’à un moment donné j’étais vraiment pas loin de l’équipe de France A. On les côtoyait de temps en temps avec les espoirs. Je sais ce que c’est l’équipe de France. J’ai toujours été fier d’être français, fier de porter le maillot bleu. J’ai toujours envie d’y aller, je sais ce qu’il faut traverser et les étapes qu’il faut franchir, mais je sais aussi que j’en suis très loin pour le moment, mais pourquoi pas un jour.”
MO : Aujourd’hui, c’est Jérémie Janot qui coache les gardiens à Auxerre. Que t’a-t-il apporté en plus ?
Z.B : “Je n’enlève rien au travail effectué avec Attila Farkas qui est vraiment quelqu’un de bien, mais c’est clair qu’avec Jérém’, je progresse très bien. Il a connu le plus haut niveau et il sait ce que c’est. Dans son discours, il nous apporte toute cette expérience.”
MO : Que penses-tu de l’évolution du poste de gardien de but vers de grands gabarits ?
Z.B : “Ça pour moi, c’est un vrai faux débat. J’ai vu qu’avec Jérém’ vous en avez parlé (Interview de Jérémie Janot) et je partage à peu près les mêmes opinions que lui là-dessus. J’ai l’impression qu’aujourd’hui pour être gardien de très haut niveau, il faut faire 1m95/2m pour avoir une chance d’être vu, d’être jugé. Aujourd’hui, c’est vrai que le poste évolue, mais c’est le sport de haut niveau en général qui évolue. Mais aujourd’hui, pour moi, le meilleur joueur du monde c’est un mec qui fait 1m70 et il met la misère à des mecs qui font 2m, et même des gardiens qui font 2m. C’est un vrai faux débat parce que ça voudrait dire que des mecs comme Barthez ou Casillas, s’ils commençaient leur carrière aujourd’hui, n’auraient eu aucune chance. Or on a tous vu ce que ces gars là valaient. C’était, et c’est encore pour Casillas, l’un des meilleurs gardiens du monde. Mettre le plan physique et l’envergure en avant, ça me déplait un peu. Et si j’avais fait 2m, j’aurais dit pareil. Il y a tellement d’autres facteurs : l’explosivité, la lecture du jeu, le jeu au pied, l’anticipation et l’intelligence de jeu. Après, si un mec fait 2m et maîtrise tous les autres critères, ce sera sûrement le meilleur du monde.”
MO : Quels sont tes inspirations en tant que gardiens ?
Z.B : “J’apprécie énormément de gardiens, mais pour son charisme, pour ses performances et tout ce qu’il dégage, c’est Buffon. Je suis un peu dégouté pour lui qu’il ne finisse pas sa carrière sur une Coupe du monde, il aurait mérité mieux.”
MO : Tu as sorti beaucoup de penaltys. Peut-on parler de point fort ?
Z.B : “Je sais pas si on peut considérer ça comme un point fort, mais j’aime bien ça. C’est vraiment un duel entre l’attaquant et le gardien. C’est celui qui va prendre le dessus sur l’autre qui gagnera le duel et j’apprécie pas mal ce duel là.”
MO : Que penses-tu des commentaires sur les gardiens ?
Z.B : “Aujourd’hui tout le monde parle des gardiens de but, que ce soit des connaisseurs ou pas. Surtout les non-connaisseurs qui m’énervent un peu, parce qu’au final, qui peut parler des gardiens de but à part les gardiens de but ? Il n’y a que les gardiens qui ont vécu ces choses là, ces situations là, qui eux-mêmes peuvent juger. Aujourd’hui, on tombe beaucoup sur le gardien de but dès qu’il y a une faute de main ou dès qu’il y a un problème dans une équipe.”
Les pénos de MO
MO : Quel est le meilleur souvenir de ta carrière ?
Z.B : “Mon premier match en pro, comme je l’ai dit : pour le match que j’ai fait, pour ce que ça impliquait, ce qu’il s’est passé autour avec ma famille. C’était LE moment magique.”
MO : Quel est le pire souvenir de ta carrière ?
Z.B : “J’en ai peut-être 2. Le match avec Toulouse où on perd 6-1, c’est un match à oublier sur le plan collectif et sur le plan perso. Prendre 6 buts à domicile, c’est dur pour une équipe et pour un gardien, c’est encore pire. Il y a aussi le match contre Lens à Lens, je crois que c’est le dernier match de Casa (Alain Casanova) sur le banc et, inconsciemment, je sais que mon aventure à Toulouse se finit là. Ça a été plus que compliqué derrière pour moi, je pense que c’est le déclic, la fin de l’aventure toulousaine. C’était là pour moi.”
MO : Quel est ton plus bel arrêt ?
Z.B : “J’en ai fait des beaux mais c’est difficile d’en sortir un. J’en ai un en Ligue 2, mon dernier match avec le Havre contre Clermont. C’est une frappe qui est déviée, je pars sur un coté mais dans mon élan, la frappe est contrée et va de l’autre. Je ne sais pas comment, j’arrive à me retourner et à sortir la balle. Derrière il y a un cafouillage et l’attaquant sort la balle. Il y en a un deuxième, en début de saison : un coup franc flottant que je sors d’une manchette alors qu’il a changé de direction. Enfin, les 2 pénos que j’arrête après la naissance de ma fille, même si c’est plus symbolique que spectaculaire.”
MO : Quel match aimerais-tu jouer si l’occasion se présentait ?
Z.B : “C’est un match de Ligue des champions ou de Coupe du monde. Un gros match de Ligue des champions, genre à Dortmund avec le mur jaune ou à Liverpool serait magique, ou encore un match Real – Barça en Ligue des champions. Ce serait le kif, mais j’en suis encore bien loin, j’en suis conscient.”
MO : Quel est le gardien contre lequel tu as joué et qui t’a le plus impressionné ?
Z.B : “Il y en a deux pour moi. Steve Mandanda, car c’est le top niveau français. Ce n’est pas pour rien s’il a fait cette carrière et qu’il est en équipe de France. Ça a été un de mes modèles vu qu’il a été formé au Havre. Après, il me semble avoir joué contre Ter Stegen au tournoi de Montaigu en U16. Il m’avait scotché.”
MO : Un dernier mot pour les lecteurs de MO ?
Z.B : “J’espère qu’ils apprécieront l’interview. En tout cas, j’adore ce que je fais. Je suis quelqu’un d’ouvert, on peut me contacter sur twitter. Je ne réponds pas toujours, mais je vois vos messages.”
Toute l’équipe de Main Opposée tient à remercier Zacharie Boucher pour sa disponibilité. Nous lui souhaitons le meilleur pour la suite de sa saison et de sa carrière.
photo de couverture : Actu AJA