Valentin Prévost, portier de l’US Maubeuge en Nationale 3 et habitué de Main Opposée, revient sur son parcours depuis notre dernière rencontre, en 2017. Il évoque son ambition, sa perception du poste, son rôle d’éducateur et le futur de l’entraînement du gardien de but. Entretien.
Main Opposée : Salut Valentin, tout d’abord comment vas-tu en cette période d’après-confinement ? Quelles sont tes occupations ?
Valentin Prévost : Tout va bien au vu de la période, la santé est là donc c’est le principal. Forcément, le foot me manque mais ce n’est pas la priorité actuellement. On s’occupe en s’entretenant physiquement du mieux possible pour être prêt lorsque l’on aura le feu vert pour reprendre. Ma principale occupation, c’est l’entretien physique en respectant les restrictions, le tout à domicile.
MO : Ton club de l’US Maubeuge a publié une vidéo sur ses réseaux sociaux où tu relèves le défi du jonglage avec le papier toilette. Peux-tu nous en dire plus ?
VP : Ça permet de garder un contact avec tous les acteurs du club, nous sommes plusieurs à s’y être essayé, de l’équipe première jusqu’aux U8-U9. Malgré le confinement cela permet de garder une certaine proximité et une identité au sein du club.
MO : Lors de notre dernière interview en 2017, tu jouais aux Voltigeurs de Châteaubriant. Tu as depuis connu deux clubs, l’Olympique Saint Quentin puis l’US Maubeuge. Peux-tu nous raconter ton départ de Châteaubriant à Saint Quentin ?
VP : Mon départ s’est un peu fait de façon précipitée. J’ai eu des discussions avec les dirigeants qui m’ont indiqué que mon statut de salarié du club (Valentin était éducateur et membre du bureau des Voltigeurs de Châteaubriant) ne pouvait être reconduit. Je me retrouvais dans une situation un peu compliquée, il faut bien payer les factures et manger donc j’ai eu une opportunité à Saint Quentin.
J’ai tenté l’aventure pour voir autre chose aussi. Je n’ai pas longtemps hésité lorsqu’on m’a présenté le projet du club. Je ne le regrette pas puisque la saison a été fructueuse, avec un titre de champion de France de Nationale 3 et un beau parcours en Coupe de France avec notamment notre 32ème de finale face au FC Metz.
MO : Tu viens de l’évoquer, avec Saint Quentin vous obtenez l’accession en N2, mais durant cette saison tu joues en Coupe de France contre le FC Metz. Quel souvenir as-tu de ce match ?
VP : Beaucoup , beaucoup de souvenirs. Au-delà du match en lui-même, ce sont les jours et les semaines qui ont précédées : on a repris l’entraînement le 26 décembre, j’ai dû écourter les fêtes de Noël en famille pour rentrer dans le nord, j’étais tout seul pour les fêtes de fin d’année… C’était un contexte particulier certes, mais c’était génial à vivre sur le plan sportif.
Ensuite, lors du match, les supporters avaient joué le jeu, en nous réservant un accueil incroyable. L’image que je retiens, c’est l’avant-match notamment lorsque les deux gardiens rentrent en premier sur le terrain pour l’échauffement. Les tribunes étaient déjà remplies, on sent que l’atmosphère est différente, il y a du monde, des caméras, c’est un match spécial. Le match en lui-même, le scénario est beau, on accroche les prolongations, on aurait même pu l’emporter avant celles-ci. Le regret, c’est de ne pas avoir accrocher les tirs aux buts, qui auraient été magiques à vivre d’autant plus que nous nous étions qualifiés à deux reprises via les tirs aux buts durant notre parcours. Et quand on est gardien, c’est un exercice qu’on adore.
MO : As-tu préparé cette rencontre différemment étant donné que tu rencontrais une équipe professionnelle ?
VP : Non. Forcément on est plus exigeant dans la préparation, mais à notre niveau on ambitionne surtout d’aller plus haut. Dès lors, ce genre de matchs est l’une des raisons pour lesquelles on s’entraîne. La préparation est « facile », la concentration on sait qu’on l’aura, la motivation si on ne l’a pas lors de ces matchs prestigieux, à quoi bon jouer au foot ? Il ne faut pas changer les habitudes et faire ce que l’on sait faire.
MO : À l’issue de la saison 2018-2019, tu décides de partir de Saint Quentin pour rejoindre l’US Maubeuge. Pour quelles raisons ?
VP : Lors de ma saison à Saint Quentin, on se partageait les compétitions avec l’autre gardien, il a joué plus de matchs que moi en championnat. Après la montée, les dirigeants et le coach m’ont indiqué qu’ils étaient satisfaits et voulaient que je reste. Cependant, ils m’ont dit que je ne commencerai pas comme titulaire la saison. J’avais l’intime conviction que je méritais de jouer et d’avoir du temps de jeu chaque week-end à partir de ce moment là, j’ai privilégié le temps de jeu vis-à-vis du niveau, mais également du salaire.
Maubeuge s’est présenté avec un bon projet, j’ai eu de bons échos sur le club, sur le coach, un très bon contact avec lui. Cela a été facile de se décider et c’est un choix que je ne regrette absolument pas puisque je me suis épanoui chaque week-end sur le terrain. C’est ce que je recherchais.
MO : Comment s’est passé ton intégration dans ton nouveau club?
VP : Encore une fois très facile, comme partout où je suis passé. Je suis toujours parvenu à m’intégrer dans les vestiaires, je garde des contacts dans les différents clubs où j’ai joué. Mon intégration a été d’autant plus facile que les mecs ont été simples, très accueillants, et j’en connaissais quelques uns de près ou de loin grâce à des connaissances interposées. Les résultats ont été positifs ce qui a contribué à faciliter mon intégration.
MO : Compte tenu de la situation actuelle, les championnats ont été arrêtés , avec la mise en place du quotient nombre de points obtenus/nombre de matchs joués. Maubeuge termine à la 6ème place. Comment résumerais-tu cette saison si particulière ?
VP : C’est un peu particulier oui, on finit 6ème. Avant le confinement, nous étions 3ème certes avec un match d’avance, à trois points du premier, et si au début de saison on nous auraient dit notre classement, le club aurait été certainement satisfait. Maintenant, il y a quelques regrets parce qu’on pouvait défendre nos chances jusqu’au bout bien que nous étions pas programmés pour jouer les premiers rôles au début de saison. Mais lorsque nous nous retrouvons à cette position à moins de dix journées de la fin, ce n’est pas un hasard non plus.
Lors des deux derniers matchs, nous devions rencontrer les deux premiers, il y a donc une petite frustration de ne pas être allé au bout, mais on ne criera pas au scandale et nous ne ferons pas de recours comme certains clubs peuvent le faire. Je pense que la décision d’arrêter les championnats est la plus raisonnable.
MO : Comment se déroule les séances spécifiques à l’US Maubeuge ? Quelle est la méthodologie ? Qu’est-ce que tu apprécies ?
VP : Avant que j’arrive, on m’avait dit le plus grand bien de Daïf Benguesmi et cela s’est confirmé. C’était une superbe saison à travailler avec lui puisqu’il était à l’écoute et très proche de ses gardiens, c’est quelqu’un de très compétent avant tout. Pour un club de Nationale 3, il était présent deux à trois fois par semaine, voire quatre, c’est un vrai luxe pour notre niveau.
À propos des séances, on était dans l’échange. Si je ressentais le besoin de travailler quelque chose, il s’arrangeait toujours pour répondre à ces besoins. Il arrivait à nous faire progresser tout en préservant nos qualités dans un climat de confiance. Il nous préparait au match du week-end, notamment sur les conditions de match, les qualités de l’adversaire. Lorsqu’il était là le samedi, je me retrouvais dans une « bulle » où rien ne pouvait m’atteindre. On avait le sentiment d’être prêt pour le match car on avait bien bossé la semaine.
MO : Tu as participé en novembre dernier à la formation RTM Goalkeeper, en partenariat avec Main Opposée et animée par Thierry Barnerat. Qu’en as-tu pensé ?
VP : J’ai été pleinement satisfait ! J’ai décidé de participer à cette formation pour deux raisons. La première, parce que je suis éducateur des jeunes gardiens depuis plusieurs années, et qu’il est toujours enrichissant de découvrir de nouvelles méthodes et de nouveaux outils pour construire mes séances.
Je voulais aussi participer avec mon expérience de gardien en tant que joueur, pour observer l’exigence et la vision partagée par Thierry Barnerat qui représente le très haut niveau et qui représente pour moi le futur de l’entraînement des gardiens de but.C’est quelqu’un que je suivais sur les réseaux sociaux depuis un petit moment, j’adhérais à sa vision, donc c’était le moment d’y participer, c’était un réel plaisir.
De par les rencontres et les échanges qu’on a pu avoir en comité restreint, être sur le terrain tout le week-end, discuter avec quelqu’un qui est dans la recherche de la perfection et du détail, c’était enrichissant. À travers cette formation, j’ai progressé en tant qu’éducateur mais je suis persuadé que j’ai également progressé en tant que gardien de but.
MO : Cette formation et les réflexions de Thierry Barnerat ont-elles fait évoluer ta perception du poste de gardien de but ?
VP : Bien sûr, et c’était déjà le cas auparavant en suivant ses analyses sur les réseaux sociaux. Comme je l’ai dit tout à l’heure, j’ai un entraîneur des gardiens qui est l’écoute donc on a pu mettre certaines choses en place lors de séances alors inspirées de cette vision du poste. Personnellement, j’ai eu la chance d’avoir un retour vidéo de tous nos matchs joués. Dans l’analyse post-match, j’étais dans la recherche du meilleur placement, de la prise d’informations tous ces éléments sont des pistes que Thierry Barnerat a pu nous apporter.
MO : Penses-tu que la méthodologie de l’entraînement spécifique en France doit évoluer ?
VP : Je pense qu’elle a déjà évoluée, qu’elle est en train d’évoluer. C’est comme pour tout, il faut du temps pour que les idées touchent tout le monde et élargissent les visions. Je pense que cette approche qui part du jeu avec une dominante tactique assez importante est dans le vrai. Certes, les qualités techniques sont importantes, mais plus vite on intègre les notions tactiques, plus on entraîne nos jeunes à des situations de match, plus on les rendra performants. Qu’elle ait besoin d’évoluer ? Je ne sais pas parce que je pense que la vision de l’entraînement des gardiens évolue. Bien évidemment, il faut qu’il y ait des personnes qui soient à l’écoute comme les jeunes gardiens que j’entraîne cette saison.
MO : Dans les médias de façon générale, on évoque la prestation du gardien du but sans évoquer son rôle tactique. Que penses-tu du rôle tactique du gardien de but ?
VP : À mon goût, on dissocie trop le rôle tactique du gardien du but du rôle tactique de l’équipe, c’est à dire que le rôle du gardien de but est primordial aussi bien sur le plan défensif qu’offensif.
Offensivement, il a un rôle de premier relanceur, il devient onzième joueur de champ, il doit relancer son équipe, casser des lignes avec ses passes, par ses déplacements. Défensivement, les connaissances tactiques du gardien de but devraient être connues et enseignées également aux joueurs de champ.
Je prends un exemple tout bête. Un jouer déborde, arrive dans la surface et s’apprête à centrer en retrait. Le positionnement du gardien de but ne va plus être le même dès lors qu’il défend une nouvelle ligne de but, donc le placement de ses défenseurs est important. Même chose sur un centre aérien, le gardien va défendre une zone, les joueurs doivent connaître celle-ci donc leur placement ne sera pas le même, le déplacement du bloc ce n’est pas le bloc se déplace et le gardien suit, non. Le gardien fait partie du bloc pour la gestion de la profondeur, la lecture des trajectoires, la communication.
Aujourd’hui le gardien doit être plus inclus dans les tactiques défensives et offensives de l’équipe. Même s’il y a des spécificités au poste, les joueurs doivent en avoir conscience et savoir quand il va sortir, quand il ne va pas sortir… Travailler la cohésion et la connaissance tactique fait la différence entre une équipe et dix joueurs de champ plus un gardien.
MO : Ce que tu soulignes, c’est un axe de progression pour le futur, c’est-à-dire intégrer les joueurs au processus tactique du gardien de but…
VP : Oui exactement, et inversement inclure les gardiens de but au processus tactique des joueurs de champ. Le gardien doit savoir quand se déplacer avec son bloc, comment son bloc va se déplacer, quelles intervalles vont être libérées en fonction des déplacements des joueurs.
C’est très important tout d’abord pour commander. Si on ne connaît pas le positionnement que doit avoir son coéquipier on ne peut pas le replacer. Cela doit être une démarche importante, tout comme le joueur doit savoir quand son gardien va sortir, dans quelle situation, comment son gardien va être orienté. Je pense que tout le monde peut y gagner, c’est un axe de progression pour la formation des gardiens de but mais aussi des joueurs de champ.
MO : Tu as évoqué le fait que tu étais éducateur. Est-ce que tu t’inspires des enseignements de Thierry Barnerat reçus lors de la formation RTM au-delà de ta propre expérience pour construire tes séances ?
VP : Oui, clairement ! Dépuisé la formation, j’ai essayé de mettre des choses en place au niveau de la structure de la séance ainsi que de la logique des exercices. Je m’en inspire car il y a des choses très intéressantes et le retour que j’ai eu des jeunes était plutôt positif donc c’était assez plaisant, tout comme la construction et l’animation de mes séances.
MO : Peux-tu nous donner un exemple d’exercice que tu proposes à tes jeunes ?
VP : Typiquement sur les dernière séances avant le confinement, on était sur des séances basées sur la technique du duel avec les notions de duel et de sortie en croix. C’était des U-12/U-13 donc on était aussi sur un travail d’appréhension des contacts avec le ballon, apprendre à ne pas avoir peur du ballon, comprendre dans quels espaces on réalise ce geste et dans quels espaces on ne doit pas le réaliser.
Progressivement, à travers des exercices, on essaye de faire en sorte qu’ils n’aient plus peur du ballon en me servant tout d’abord d’un ballon de plage au départ qui va heurter leur torse car il faut leur enlever l’appréhension car le ballon ne fait pas mal. Petit à petit on intègre des ballons toujours dans des espaces pour corriger la gestuelle, mettre ensuite le ballon en mouvement et enfin arriver à des situations de jeu où ils vont décider. Dès lors, on n’est plus dans l’analytique mais dans l’adaptatif pour les emmener dans des situations qu’ils vont retrouver en match.
MO : L’enjeu est donc de savoir comment se placer dans un espace, quels sont les repères cognitifs à l’entraînement pour les reproduire en match?
VP : Oui, la notion d’espace et de zones est très importante, que ce soit analyser où va se situer le ballon mais aussi analyser comment le joueur va manier le ballon. S’il entre dans une zone où il pousse son ballon trop loin, c’est peut-être à ce moment là que je vais avancer pour fermer mon angle, alors que si les repères cognitifs indiquent une frappe je ne plus être dans une logique d’avancer, mais je vais devoir réagir à une frappe.
Ce sont ces petites choses là qu’il faut leur inculquer et leur faire comprendre : les différentes zones, leur faire intégrer progressivement les repères cognitifs, repérer la gestuelle, l’orientation et le placement des joueurs. Mais aussi travailler sur l’orientation du gardien de but afin qu’il ne donne pas la solution à l’attaquant, c’est important aussi. J’ai utilisé la vidéo pour leur montrer leur comportement, c’était intéressant et ils étaient plutôt réceptifs, donc c’était cool.
MO : Quelle était leur réaction ?
VP : En fait, il y a eu plusieurs phases. Lorsque j’ai intégré un échauffement cognitif sans ballon, ils ont été perturbés, ils se demandaient pourquoi ils réagissaient à des couleurs en bougeant les bras, ils voulaient du ballon, en somme ils s’interrogeaient sur l’utilité de cet échauffement.
Une fois qu’on leur explique, que la séance avance en rajoutant des étapes petit à petit en les emmenant à des choses très concrètes, ils accrochent, ils adhèrent alors c’est du gâteau parce que ce mode de fonctionnement fait que pour n’importe quelle séance, geste technique, ils sont beaucoup plus à l’écoute dès le début même si on leur fait faire quelque chose sans ballon ou seulement de la gestuelle, car ils savent qu’on va les emmener vers quelque chose.
MO : Quelles sont tes objectifs pour le futur, à la fois en tant que joueur et en tant qu’éducateur ?
VP : Mon objectif principal en tant que gardien est de continuer à avoir du temps de jeu, à m’épanouir sur le terrain, progresser et travailler. Bien évidemment comme tout compétiteur, je souhaite accéder au plus haut niveau possible en continuant de franchir les paliers. En parallèle, avoir la possibilité de continuer ce métier d’éducateur qui me plaît, accompagner les jeunes et sans prétention les voir progresser et qu’ils me fassent progresser à la fois en tant qu’éducateur et en tant que joueur, car ils soulèvent et résolvent parfois des problèmes qu’on rencontre sur les pelouses.
En résumé, la priorité reste mon rôle de joueur, avoir du temps de jeu, atteindre le plus haut niveau possible, et en parallèle continuer à prendre du plaisir dans mon rôle d’éducateur et faire partager cela avec les jeunes.
MO : Un dernier mot pour les lecteurs de MO ?
VP : Déjà suivez Main Opposée qui est un très bon média pour notre poste. Continuez à chercher à vous améliorer comme gardien de but ou éducateur, c’est un poste qui est en pleine recherche. Avec les règles du football moderne le poste évolue, il faut sans cesse se mettre à la page, chercher les moyens pour progresser et surtout prendre du plaisir !
MO : Passons à présent à la séance de pénos…
MO : Ton idole de jeunesse ?
VP: Mickaël Landreau.
MO : Le meilleur gardien du monde ?
VP : Ter Stegen.
MO : Ton plus bel arrêt ?
VP : Cette année contre Chambly, triple parade.
MO : Ton pire souvenir en tant que gardien ?
VP : Ma blessure à l’épaule à Cholet.
MO : Le meilleur ?
VP : Mon titre de champion avec le Racing Club Besançon pour remonter en DH après le dépôt de bilan du club.
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Photo de couverture transmise par Valentin Prévost.