Ce dimanche 7 janvier à 14h30, Lucas Buisson (CA Pontarlier), opérateur en horlogerie, et Théo Junker (US Thionville), responsable Nike, tous les deux gardiens en N3, affronteront respectivement l’Olympique Lyonnais et l’Olympique de Marseille qui cumulent 15 titres en Coupe de France. Préparation, parcours de carrière, approche du match, les deux portiers se sont confiés à Main Opposée juste avant cette rencontre de gala.
Main Opposée : Salut les gars, comment vous vous sentez avant de vous mesurer à un géant du football français ?
Lucas Buisson : Je me sens particulièrement bien. Je suis prêt, impatient aussi et concentré. Ce qui est sûr, c’est que j’ai hâte de jouer, parce que l’attente commence à être un peu longue.
Théo Junker : Ça motive, on ne se rend même pas compte. C’est de la fierté et du plaisir, même avant de jouer. On essaye de ne pas se mettre trop de pression, même si je pense qu’on l’aura en entrant dans le stade, ce sera naturel.
MO : La période des fêtes a dû être particulière avec ce match en tête. Avez-vous modifié quelque chose dans votre préparation ?
LB : Pas du tout ! Je me dis que ça a bien marché jusque-là donc je ne vois pas pourquoi je changerai. Mon approche est la même, la seule différence, c’est que j’ai regardé un peu plus de vidéos de Lyon pour analyser leurs forces et leurs faiblesses, étant donné qu’on a plus d’images que face à une équipe de N3. Je sais que je vais regarder aussi les penalties parce qu’on espère les emmener jusqu’aux tirs au but, donc je vais chercher certaines failles dans leur façon de tirer.
TJ : D’un point de vue sportif, le coach nous a fait reprendre avant, avec notamment du physique le 26. J’étais malade personnellement, une intoxication alimentaire, donc pas top. On garde une forme physique, plus que d’habitude.
Ce qui est spécial c’est qu’on n’a pas joué notre dernier match de championnat donc ça fait un mois qu’on n’a pas eu de rencontre officielle.
On a travaillé un peu plus à la vidéo, d’habitude on a une séance vidéo par semaine avant le match, là on en a fait deux ou trois. On essaie de pas tout changer, mais le contexte fait qu’on peut avoir plus d’images et que c’est un match tellement important qu’on essaie de le bosser au maximum.
MO : Pontarlier va jouer devant plus de 10 000 personnes à Besançon, pour Thionville ce sera au stade Saint-Symphorien à Metz. Est-ce que jouer dans un grand stade modifie votre approche ?
LB : Ça modifie positivement parce que j’ai hâte de rentrer sur la pelouse une heure avant le coup d’envoi et de voir le stade se remplir tout en bleu avec des banderoles, un tambour. Quand on a joué contre Colmar au 7e tour, il y avait une centaine de supporters et un petit kop d’une vingtaine de personnes avec une trompette et je me suis senti galvanisé, poussé des ailes, donc là, je n’imagine pas à presque 11 000.
TJ : Je me mentalise pour que ça ne change pas, mais je sais que ça va forcément changer. On a fait une opposition samedi dernier avec un arbitre de Ligue 1 au centre et j’ai parlé avec lui du bruit, du fait que tout va aller plus vite et de réussir à faire abstraction de ce qu’il y a autour pour rester dans ce que je sais faire d’habitude. De toute façon, avec 30 000 personnes autour on sera forcément impactés, mais il faut que ce soit positivement, dans l’engagement.
MO : Après avoir exulté au moment du tirage, l’excitation a-t-elle laissé place à l’appréhension près d’un mois plus tard ?
LB : Ça travaille un peu parce que tout le monde t’en parle tout le temps et plus le temps passe, plus l’on t’en parle. Ce n’est pas du stress, mais je cogite un peu. C’est une approche différente, parce qu’on se sent aussi redevables des bénévoles qui font un travail monstrueux pour remplir le stade et tout préparer. Ce n’est pas de l’appréhension, mais c’est un sentiment de vouloir rendre fiers les gens.
TJ : Pas encore ! Mes collègues me demandent, mais ça vient pas. Je pense qu’on va se poser des questions avant le match, mais le plus important c’est d’avoir conscience de nos qualités et avoir confiance en nous. Ça passe ou ça casse, on verra bien.
MO : Vous êtes tous les deux nés en 1996 et avez connu de nombreuses expériences. Pour nos lecteurs, pouvez-vous résumer, dans les grandes lignes, votre carrière dans le football ?
LB : Je suis originaire de Dole dans le Jura, j’ai commencé dans le club de la ville et j’ai connu le pôle espoirs de Dijon entre 12 et 14/15 ans. Après, je suis parti une année en U17 National à Jura Sud, avant de passer 4 ans à Évian Thonon-Gaillard, dont une année seniors. À la suite de la liquidation du club, je suis retourné chez mes parents et ai passé une année à Besançon Foot, avant de rejoindre Pontarlier où j’évolue depuis 7 ans.
TJ : J’ai commencé le foot tard, à 14 ans au FC Trémery, je faisais du basket. J’ai toujours été bon en sports, surtout avec les mains. Je me suis rapidement adapté et j’ai été détecté par l’ASNL. J’ai passé deux ans à Nancy, mais j’ai arrêté parce que l’internat ne me plaisait plus pour retourner à Trémery. J’ai été surclassé en seniors et on est montés en R1.
À 17 ans, j’ai été repéré par Metz où je suis resté un an en réserve avec plusieurs entraînements en pro, mais j’ai pas signé.
Je suis parti au Luxembourg un an, avant d’encore revenir à Trémery pour jouer en R1, mais le club est finalement monté en N3, après un problème pour le club qui devait monter initialement. Je suis resté quelques années là-bas, avant de découvrir le projet de Thionville où je suis depuis un an et demi.
MO : Diriez-vous que cette rencontre de dimanche est le match de votre vie ?
LB : Oui et non, parce que j’ai joué des matchs avec moins de public, mais tout aussi importants. En Coupe de France, on a déjà rencontré Montpellier il y a 6 ans. On avait réussi à les amener aux tirs au but (1-1 dans le temps réglementaire, pas de but en prolongation, NDLR), mais on avait perdu.
Ce sont des beaux souvenirs parce que le stade était rempli, mais je suis encore frustré parce que j’estime que j’avais mieux à faire, je n’ai pas arrêté de penalty ce jour-là, donc je m’en veux toujours un peu.
Mais c’est vrai que là, c’est un match particulier contre Lyon, il y a des champions du monde, des champions d’Europe, on espère d’ailleurs qu’ils vont jouer. Au final, je pense que c’est le match d’une carrière.
TJ : Ça l’est, mais je ne le me dis pas, je préférerai me le dire après (rires). C’est le match d’une vie, après il faut faire tout pour qu’il se passe bien. De base je disais que j’aurai bien aimé jouer le PSG, mais en termes de club populaire, Marseille c’est quelque chose.
MO : Ton idole ?
LB : Hugo Lloris
TJ : Manuel Neuer
MO : Le meilleur gardien du monde actuellement ?
LB : Jan Oblak
TJ : Marc-André Ter Stegen
MO : Le plus bel arrêt que tu as réalisé ?
LB : Contre Jura Sud en Coupe de France, lorsque je jouais au Besançon Foot, une claquette main opposée sur un retourné acrobatique entre les six mètres et le point de penalty.
TJ : Une parade sur un coup franc lointain pour la montée avec Trémery contre Rombas en seniors quand j’avais 17 ans.
MO : Ton pire souvenir en tant que footballeur ?
LB : Quand ça s’est arrêté avec Évian, il a fallu tout recommencer en perdant le cadre de vie et les copains. Il y a aussi la désillusion du rêve qui s’échappe.
TJ : Les descentes avec Trémery, mon club de coeur, c’est jamais facile à gérer.
MO : Et le meilleur ?
LB : La victoire aux penalties contre Sarre-Union, c’était chouette, il y a aussi le 32e de finale contre Montpellier, ou lorsque j’ai fait un banc en Ligue 2, c’était incroyable. Mais si je dois n’en garder qu’un, je dirai la victoire au tour précédent aux tirs au but, c’était la folie !
TJ : Mis à part ce qu’on a fait cette année avec le déplacement en Nouvelle-Calédonie et l’élimination d’Annecy, ce serait mon année en N3 avec Trémery. On a fait une saison de malades, malgré la descente, avec un club de village de 1500 habitants entre potes où on bat notamment la réserve de Metz.