Lucas Mocio, gardien du FC Annecy (National 2) formé à l’Olympique Lyonnais, a accepté de répondre aux questions de Main Opposée. Sans détour, il revient sur sur ses années lyonnaises, son admiration pour Joël Bats et sa nouvelle vie dans les buts du FC Annecy. Entretien.
Main Opposée : Bonjour Lucas, peux-tu nous raconter ton parcours ?
Lucas Mocio : Le parcours est classique. J’ai commencé dans un club de village quand j’avais 5 ans, à Liergues. C’est vraiment un club de village, mon père y jouait en Vétérans ; il joue encore en plus ! J’ai joué la-bas 3 ans, après je suis parti à Villefranche, le club le plus côté du coin. J’ai encore pas mal d’amis là-bas, c’était un bon petit tremplin. La 4ème saison que je fais, un gardien se blesse au-dessus, je me retrouve à être surclassé en 13 ans et je fais une bonne saison. On a joué contre Lyon cette année-là, un match où on n’a pas dépassé le milieu de terrain donc j’ai eu pas mal de boulot. Au final on ne perd que 1-0, c’était presque miraculeux. La semaine d’après, l’entraîneur vient me voir et me dit : « Lucas, il y a Lyon qui veut que tu fasses des essais ».
Je pars faire des essais à Lyon, il y avait Saint-Etienne aussi, Rennes, Auxerre, il y avait du beau monde. C’était très flatteur à l’époque, quand on est petit on est content. Lyon m’a dit: “si tu veux signer chez nous, c’est avec plaisir”. Quand tu es supporter de l’OL depuis tout petit, tu ne te vois pas aller autre part. Quand on est jeune, on fait des essais de partout donc on voit plein de trucs. À Sochaux, il y avait un château qui était magnifique, des infrastructures qui étaient intéressantes aussi, mais on n’est pas supporter des autres clubs. Je suis arrivé à Lyon en 13 ans 2ème année, et j’ai fait, jusqu’à la saison dernière, 11 ans là-bas.
MO : Pourquoi un départ de Lyon ?
LM : Lyon voulait me garder, mais plus en tant que gardien d’entraînement donc il manque la pression du match, et mine de rien c’est ce qui fait le plus. C’est bien d’être bon à l’entraînement, mais ça ne sert à rien si on ne joue pas le week-end. Il n’y a pas d’utilité, je ne me sentais pas pleinement heureux dans le foot, je n’avais pas d’intérêt à rester dans un club qui ne comptait pas sur moi. J’avais fait le choix avec ma famille et ma femme de partir, même de changer de conditions de vie, de cadre de vie, même de pays s’il le fallait.
C’est vrai qu’en ayant pas trop joué la saison dernière, voire pas du tout en match officiel, c’était plus difficile de trouver un club. J’ai aussi été blessé en début de saison dernière. Je me suis fait opérer du ménisque, ça m’a fait louper 4 mois de compétition, juste après la préparation. C’était vraiment une période où j’étais en pleine bourre, j’avais fait une très bonne préparation. Ça m’a stoppé net et obligé à reprendre début novembre. Il faut refaire une préparation et on réintègre une équipe qui tourne bien, c’est toujours difficile. Je n’ai pas eu l’opportunité de jouer en réserve. Après, c’est le foot. Je suis très heureux à Annecy.
MO : Pourquoi avoir choisi Annecy ?
LM : C’est un club qui est fait intelligemment. Ce n’est pas un club de National 2 “normal”. Il y a vraiment des personnes qui font tout pour l’objectif : la montée. Il y a du talent dans l’équipe avec Morgane Kamin qui a joué à Monaco et à l’ETG (Evian Thonon Gaillard), Yoan Betsch qui a joué en ligue 2 aussi, Nassim Akrour qui a été international algérien. Ce sont tous des joueurs qui ont de l’expérience, qui ont un vécu.
On a tous des histoires qui se ressemblent au final pour la plupart des jeunes. On n’a pas eu notre chance dans notre club formateur, donc on se retrouve là un peu revanchard. On a envie de prouver que nous aussi on a le niveau d’aller plus haut. Je pense que cela peut faire des belles choses, on a un gros groupe. Après on est dans le foot, rien n’est écrit d’avance, c’est toujours difficile.
MO : L’objectif, c’est la montée ?
LM : C’est un objectif qui n’est pas caché. On fait partie des favoris, on a 25 joueurs qui ont le niveau pour aller au-dessus. On a un objectif élevé, c’est normal. Tout le monde essaye de se mettre au service du collectif pour jouer cette montée. Si on monte d’un cran, on sera déjà heureux de jouer plus haut, dans un championnat plus médiatisé, et pourquoi pas, atteindre le monde professionnel avec le club.
Le club d’Annecy est aussi très ambitieux, il y a un très beau stade, des infrastructures. Je pense qu’il y aussi des dirigeants très intelligents qui sont ambitieux qui ne veulent pas s’arrêter au niveau National.
MO : Une montée à Annecy ferait aussi beaucoup de bien pour la région et les alentours après l’ETG…
LM : On sait qu’il y a des centres de formation autour qui tournent avec notamment celui de Lyon. Tous leurs joueurs ne réussissent pas forcément, donc ça peut toujours faire des joueurs pas loin qui peuvent venir compléter l’effectif. La réserve de Lyon est 3ème si je ne dis pas de bêtises. Il y a de très bons joueurs et tous les joueurs n’arriveront pas à jouer avec les pros, donc c’est vrai que dans le coin ce serait bien d’avoir un club pour eux, pour jouer plus haut et aussi aider l’équipe.
Avec toutes les équipes de la région à un bon niveau, ça éviterait les longs déplacement. Cette année, on a Nice et Monaco où tu fais 5 heures de trajet ; les déplacements on les comprend vite. Avec Lyon, les déplacements, dès que ça dépasse une heure et demi, deux heures de route, on les faisait en avion. Pour Nantes, on prenait l’avion le matin : on arrive à 11h à l’hôtel, on passe y la journée et on joue le soir. Ce n’était pas la même fatigue. Avec Annecy, quand on arrive un jour avant, on a 7 heures de route à digérer. Les premières minutes sont difficiles, il n’y a pas les jambes ni le mental.
MO : Ton objectif personnel serait de retrouver un club professionnel ?
LM : J’aimerais remonter de quelques divisions, c’est assez logique. J’ai eu l’opportunité de connaître avec Lyon des matchs de Ligue 1 sur le banc, j’ai fait des matchs amicaux face à Sion notamment, une équipe qui jouait la coupe d’Europe à l’époque. J’ai fait quelques matchs de préparation, jouer avec le groupe pro, ça donne juste envie de remonter à ce niveau là. Tous mes copains m’ont envoyé des messages quand j’ai joué contre Sion, j’avais fait un bel arrêt en fin de match et tout le monde m’avait envoyé la vidéo. Je l’avais reçu 50 fois cette vidéo ! Pour le moral c’est très bon, même pour son égo personnel ; c’est bête à dire mais tu es super heureux. Ça donne envie de rejouer.
À Lyon, c’était bloqué devant depuis que je suis arrivé numéro 3. J’ai fait 4 ans dans cette situation, mais j’ai toujours su qu’il n’y avait pas de concurrence réelle, c’était plus ou moins bloqué. Je n’ai pas eu l’opportunité ou peut-être pas le courage de partir en prêt, ou de vraiment chercher un opportunité de prêt. Est-ce que le club m’aurait laissé partir ? Ce n’est pas sûr. Je sais que je faisais du bon boulot au club, tout le monde me l’a dit et tout le monde me le dit encore. J’étais apprécié des joueurs, j’ai l’avantage de parler anglais plus ou moins couramment et je me débrouille bien en espagnol, je pouvais aller vers les joueurs étrangers et les intégrer par rapport au groupe.
Dans le vestiaire, il y a peu de gens qui parlent autre chose que le français. Les joueurs brésiliens qui arrivent, ou Mariano qui ne parlait qu’espagnol, je n’avais pas peur d’aller vers eux et de discuter en espagnol ou en anglais avec eux, et ça permettait de les ramener vers le groupe. C’était un boulot que j’étais content de faire un peu parce que je faisais parti du groupe. Après, on ne fait pas du foot que pour s’entraîner.
MO : Comment es-tu passé au poste de gardien de but ?
LM : Au début j’ai commencé attaquant, mais ça ne me plaisait pas forcément. Je ne me voyais pas jouer attaquant toute ma vie, marquer des buts ne m’intéressait pas plus que cela, j’étais content mais sans plus. Je suis vite passé défenseur, et défenseur je me faisais déjà plaisir. Je savais qu’on comptait sur moi derrière, j’étais heureux mais il me manquait quelque chose. Un jour, le gardien s’est blessé et j’avais envie d’essayer. Ça m’a vraiment plu, ce n’est pas le même boulot que les autres. S’il n’y a pas de gardien dans une équipe, il n’y a pas de match. Le gardien, c’est un joueur indispensable. C’est aussi un poste différent des autres. On joue au foot mais sans être comme les autres, c’est atypique.
MO : Qu’est ce qui te plaît à l’heure actuelle dans le poste ?
LM : La pression différente, la responsabilité. On sait qu’on n’a pas le droit à l’erreur. On peut aussi faire gagner l’équipe. Pour un gardien de but qui est dans une équipe qui a de l’ambition ou même une équipe de bas de tableau, son objectif, c’est de faire gagner des points, de soulager son équipe quand elle en a besoin. C’est un vrai rôle important dans une équipe.
MO : Revenons à ta période lyonnaise. À quel âge as-tu débuté dans le groupe professionnel de l’OL ?
LM : Les premiers entraînements, j’avais 17 ans, j’étais encore au centre de formation. À l’époque, c’était encore Hugo Lloris dans la cage à Lyon. Il y avait aussi Vercoutre, Antho Lopes qui allait en sélection portugaise et Mathieu Gorgelin devait être en prêt au Red Star. J’ai eu l’opportunité de faire 5-6 entraînements à 17 ans. C’était vraiment un rêve, parce que je devais aller au lycée le matin et le soir ou le midi, on m’appelait et on me disait “Lucas on a besoin de toi à l’entraînement cet après midi”. On loupait des cours, sur le coup on était heureux. En plus de ça, on se retrouvait à s’entraîner avec Bafé Gomis, Cris, Bastos, Licha (Lisandro Lopez, Ndlr), c’est vrai que c’était autre chose.
Pour le premier déplacement avec le groupe pro, je devais avoir 19 ans. C’est au Grasshopper Zurich, on avait réussi à se qualifier et après on s’était fait éliminer par la Real Sociedad. C’était mon premier déplacement, j’avais chanté… ça m’avait fait un petit truc au milieu de joueurs comme Yo Gourcuff, Clément Grenier, Maxime Gonalons, Milan Bisevac et derrière, il y avait beaucoup de jeunes.
MO : Dans quelles mesures ces joueurs d’expérience t’ont-ils aidé à progresser ?
LM : Milan Besivac, la première fois que j’ai repris avec le groupe pro, on était allé à Tignes. C’était un ancien du groupe, il devait avoir 28-29 ans et il voyait les jeunes qui ne travaillaient pas, et moi je lui disais que j’avais envie de travailler. Mais c’est vrai que c’est compliqué à te motiver quand tu es jeune. Du coup, il m’avait pris avec lui car il travaillait énormément. Il était beaucoup plus gainé, beaucoup plus assidu au travail.
En arrivant de chez les jeunes, on pense qu’on sait faire, qu’on travaille bien mais on est loin, on est a des années lumières du niveau professionnel. D’avoir travailler avec lui, ça m’a fait du bien. J’ai vu ce que c’était le monde pro, j’avais 18 ans, j’étais heureux de l’entrainement avec des mecs comme ça qui avaient l’expérience et qui ont connu des très grands clubs.
MO : Que retiens-tu de cette expérience lyonnaise ?
LM : Plein de choses ! Je me suis malheureusement blessé deux fois au ménisque. À chaque fois, j’étais pris en charge assez vite et super bien. Je me blesse le vendredi après-midi, je savais que je me faisais opérer le lundi, alors que pour une personne lambda, c’est quasiment un mois pour se faire opérer. J’avais un suivi médical qui était largement au-dessus de la normale : j’avais un kiné pour moi tout seul l’après-midi, une chambre de cryothérapie, j’avais des préparateurs physiques qui m’étaient dédiés aussi pour la reprise. Et puis après j’ai travaillé avec Joël Bats…
MO : Quel souvenir en gardes-tu ?
LM : Il m’a peaufiner… Je ne pense pas qu’il y ait un seul gardien qui puisse dire du mal de Joël, ce n’est pas possible, c’est le meilleur entraîneur en France, il n’y avait pas mieux, c’est impossible de trouver mieux ! Il connaît les besoins d’un gardien, il sait mettre en condition un gardien, il sait faire travailler ses gardiens. Quand il est parti, ça m’a fait un pincement au cœur, parce que j’aurais aimé travailler encore avec lui.
MO : On sent qu’il a un lien assez fort avec ses gardiens…
LM : Je me souviens d’une interview de Fabien Barthez qui disait que son seul regret, c’est de ne jamais avoir eu Joël Bats à l’entraînement. Quand un gardien comme Barthez dit ça, ça montre déjà la personne, c’est un grand entraîneur. Quand on travaille avec lui, on ne peut que s’attacher. Il nous met minable, mais reste proche de nous. Quand on fait un truc de bien, il nous le dit, quand on fait un truc de mal aussi. Mais c’est toujours humain. Par contre, quand on fait un truc pas bien ou qu’on ne montre pas d’envie, il nous rentre dedans, mais c’est son boulot, ça nous a fait tous progresser.
Quand on commence avec le groupe professionnel, qu’on s’entraîne avec eux c’est difficile, on n’a pas le niveau, on n’a pas le cardio. Je sais que quand j’ai commencé les entraînements, il me manquait la vitesse de réaction, j’avais les mains qui étaient trop basses… tous des petits détails qui passent jusqu’au niveau 19 ans nationaux parce qu’on peut compenser, mais avec les pros, ça va beaucoup trop vite. C’est pour ça que prendre l’information avant, garder les mains prêtes à être sorties, toujours être sur les appuis, ce sont des choses que si on ne les a pas à ce niveau-là, on passe au travers. Il nous apprend à être vigilant constamment, être en lien avec sa défense… des petits détails mais qui, au final, font la différence entre un gardien moyen et un très bon gardien.
MO : Tu as également connu Greg Coupet comme entraîneur spécifique. Tu peux nous en dire un mot ?
LM : Greg Coupet, je l’ai cotoyé quelques fois au groupe pro2, mais j’ai surtout connu Sébastien Gérin qui m’a appris le foot. Il m’a fait venir à l’OL quand j’avais 12 ans. Il a été très franc avec moi, il m’avait dit que j’avais un certain niveau, mais que je pouvais faire beaucoup mieux en travaillant d’une certaine manière sur des aspects bien précis et il m’a fait progresser. Je suis arrivé à Lyon, peut-être en-dessous des autres gardiens de mon âge, et grâce à lui, je suis arrivé à la fin de ma formation à connaître l’équipe de France, et je lui en dois une bonne partie. Il m’avait mis en confiance, appris des choses et il m’avait fait travailler.
MO : Comment as-tu vécu la concurrence à Lyon ?
LM : Je l’ai vécu chez les jeunes, c’est une concurrence différente parce que jusqu’aux 16 ans nationaux, c’est plutôt une alternance, mais on se tire la bourre pour être le meilleur possible et ça fait des bonnes choses. J’ai pu grandir avec Gonalons qui, quand je suis arrivé à Lyon m’a appris les choses. Il avait l’expérience des entraînements, il connaissait l’exigence d’un club pro quand on est jeune. Avant d’arriver à Lyon, je m’entraînais 2 fois par semaine, 3 fois les 6 derniers mois, je ne connaissais pas le travail à fournir. À Lyon, c’était 5 fois par semaine avec l’école en plus, avec une exigence différente. En plus j’étais à l’internat donc on quitte ses parents, il y a plein de petits bouleversements. La concurrence au début, elle nous fait du bien, elle nous motive, ça nous montre nos objectifs aussi.
Quand je suis arrivé en 17 ans, il y avait une petite concurrence qui s’installait avec Jérémy Frick qui était international suisse et qui avait un an de plus que moi. Souvent à Lyon, celui qui à un an de plus à un contrat différent et il a souvent la priorité, donc c’était une concurrence qui a été difficile. Après, la concurrence a fait que j’ai réussi à passer devant lui et à aller dans le groupe pro et être numéro 3 rapidement, grâce à Hubert Fournier.
La concurrence dans le groupe pro était compliquée parce qu’il y avait une hiérarchie qui était en place avec Antho Lopes en numéro 1, Mathieu (Gorgelin) en numéro 2, c’était compliqué de la bouger. Je jouais le match de CFA et c’était difficile de passer numéro 2.
MO : En parlant d’Hubert Fournier – qui t’a fait arriver dans le groupe professionnel – , comment le groupe a-t-il vécu son départ ?
LM : Ce n’est jamais facile d’avoir un entraîneur qui part parce qu’on a travaillé avec lui pendant quelques temps, on a des habitudes. Après c’est l’entraîneur adjoint qui est passé numéro 1. On connaissait Bruno, il n’y avait pas besoin d’adaptation, on connaissait sa manière de penser, sa manière d’être. La seule chose un peu difficile, c’est qu’on avait l’habitude de vouvoyer l’entraîneur et là, on était passé du vouvoiement au tutoiement, c’était un peu étrange. Mais il a prouvé qu’il avait le niveau, il a remis Lyon sur le podium en très peu de temps. C’est plus les supporters qui le critiquent. Quand on a été habitué à gagner des titres pendant longtemps et que maintenant c’est Paris qui réquisitionne tous les trophées, il y a forcément de la frustration.
Le problème pour les supporters lyonnais, c’est qu’ils n’ont pas encore fait le deuil des 7 années de titres. C’est compliqué d’être compétitif face à Paris en championnat. Ils ont 25 joueurs qui ont tous au moins le niveau pour être t en Ligue 1, dont des joueurs exceptionnels.
MO : On a entendu à une époque qu’il était difficile de s’intégrer à Lyon quand on arrivait de l’extérieur, on se souvient notamment de Claudio Beauvue. Tu peux nous en dire plus ?
LM : C’est ce qui était ressorti dans les journaux, que les joueurs qui étaient arrivés avaient du mal à s’intégrer. Je prends un exemple tout simple, Lindsay Rose, il était très intégré dans le groupe. Milan (Bisevac) qui était un ancien s’est très bien intégré, Christophe Jallet aussi. Des joueurs qui ont du mal à s’intégrer, cela arrive, et des fois quand on est attaquant, on peut avoir cette impression d’être moins décisif par rapport à son équipe et Claudio (Beauvue), c’était l’attaquant vedette de son équipe. Arrivé à Lyon, c’était plus la vedette parce qu’Alex Lacazette était la star de l’équipe. Ce changement de statut est difficile, passé de joueur-vedette à joueur, pas lambda, mais un bon joueur de l’équipe.
MO : Quel est à présent ton quotidien de joueur à Annecy ?
LM : Les avantages du club d’Annecy, c’est qu’il est structuré comme un club professionnel donc le foot reste une passion, mais c’est aussi mon boulot. On s’entraîne 5 fois par semaine, on a les mêmes exigences qu’en club pro. La seule différence, c’est que certains travaillent et loupent parfois des entraînements, ils sont aussi plus fatigués que nous. Moi cela ne me change pas beaucoup, j’ai l’avantage d’avoir un salaire similaire à ce que j’avais à Lyon, le club compte sur moi aussi donc il me le fait savoir. C’est à moi aussi de leur rendre, par exemple à l’entraînement, leur montrer que je viens d’un club pro et que je peux apporter quelque chose au club.
MO : Tu ressens l’apport de ton passif ?
LM : Je pense, ça se ressent tactiquement. J’en ai bouffé de la tactique depuis que je suis arrivé à Lyon, j’en avais minimum une par semaine. Arrivé dans le groupe pro, l’été, on revient tous les après-midi pour faire de la tactique. C’est vrai que tactiquement je peux apporter des choses en replaçant certains joueurs. Par contre l’exigence de travail, elle est là. Ça reste des joueurs qui ont un vécu, qui ont un certain niveau, donc l’exigence de travail on l’a tous. L’exigence va jusqu’à bosser un peu physiquement le soir avec un tapis, des poids, pour faire du gainage.
MO : En quoi consiste les séances tactiques à Lyon ?
LM : C’était surtout de la mise en place, vraiment travailler défensivement, plein de situations. Comment réagir si le ballon va dans cette zone ou une autre ? Comment on réagit à la récupération du ballon ? C’était vraiment le placement des onze joueurs. Ça durait 20-25 minutes parfois. C’était intéressant, on travaillait avec un ballon, on travaillait des schémas préférentiels. Cela part du défenseur sur le côté, on repasse par le milieu, décalage et ainsi de suite.
Quand on regarde Lyon, quand on s’y est entraîné, on les voit ses schémas préférentiels ! Cette passe du défenseur central au latéral qui trouve le milieu qui renverse, on le travail à l’entraînement et on le retrouve en match. Quand on voit ça, c’est travaillé et ça se retrouve, ce n’est pas anodin.
MO : Lorsque tu regardes un match, tu analyses toujours ce que font les deux équipes ?
LM : C’est une déformation professionnelle. On voit beaucoup plus un joueur qui est mal placé, on le voit au début de l’action, et 2 min avant on peut dire que tel joueur est mal placé, que ça va aller dans son dos et qu’il y aura but. Après, tous les joueurs le voient, surtout quand on est au stade ou à la télé avec une vision du dessus, on arrive vraiment à voir le petit décalage.
L’année dernière, j’allais à tous les matchs. On était assez haut, on voyait les erreurs de placement des joueurs et il y a des choses qu’on voyait mieux. Souvent avec les gardiens, le lendemain du match, on débriefait ensemble et c’est vrai qu’ils aimaient bien avoir mon ressenti, car j’avais une vision totalement différente de la leur au bord du terrain. On ne voit pas forcément cette perspective. En mettant nos idées en commun, cela faisait un beau mélange.
MO : Il y avait une belle complémentarité avec Anthony Lopes et Mathieu Gorgelin ?
LM : On s’entendait bien, on travaillait bien ensemble. C’est souvent comme ça chez les gardiens, ça s’entend bien parce que ça travaille bien, on compte les uns sur les autres. L’entraîneur seul ne peut pas mettre 5 frappes, il y a souvent des déplacements avec un ballon donné par un autre gardien et il faut pouvoir compter sur ce gardien pour donner un bon ballon. Si tous les ballons sont mal donnés, tu ne travailles pas.
MO : Changer de contexte, cela n’a pas été trop compliqué pour ta famille ?
LM : Ma femme a fini ses études à Lyon et elle savait que c’était plus ou moins acté que je parte du club, donc elle avait pris un boulot qu’elle pouvait facilement quitter. Après on aimait bien la ville de Lyon, mais on avait besoin de changement parce que ça m’attachait trop à mon enfance. J’ai grandi dans la ville de Lyon, j’ai pas eu la chance de jouer plus haut. Donc rester, être un gardien d’entraînement… j’avais envie de changer d’air, et Annecy il n’y a rien de mieux. La ville est agréable, on peut aller se baigner dans le lac, on a eu la chance aussi de trouver un logement proche du centre ville, proche du lac pour se faire plaisir.
MO : Les bons gardiens jouent avec leurs qualités. Quelles sont les tiennes ?
LM : Il y en a une, c’est la qualité de tous les gardiens de l’OL, c’est d’avoir des réflexes sur sa ligne. Je vois Antho (Anthony Lopes, ndlr), c’est plus poussé. Tous les gardiens passés par Joël Bats, Hugo Lloris, Rémy Vercoutre, ont de très bons réflexes et c’est une qualité que j’ai, malgré mon physique qui n’est pas forcément adapté (1m97).
Je n’ai aussi pas trop de crainte à sortir sur les corners, d’aller m’imposer parce que je sais que je peux me permettre d’être un peu plus lent, car j’ai le gabarit pour soulager la défense. Le match contre Monaco avec Annecy, c’est un match où j’ai pu soulager à la fin mon équipe. Cela a fait du bien parce que les joueurs étaient fatigués avec les effort fournis. Quand on est gardien, on sait que ça aide.
Après j’aime bien les duels avec les attaquants, les face-à-face, les penalties. Joël nous avait dit que si on casse le processus de l’attaquant sur un penalty, il passe de 60% de chance de marquer à 45 si je ne dis pas de bêtises. Ce sont des choses qu’on essaye, ça ne marche pas à tous les coups.
MO : Quelles sont les qualités qu’un gardien a besoin pour percer ?
LM : Un truc bête, mais c’est le mental. Quand on arrive en étant jeune, on a pas forcément le même niveau que certains joueurs. Quand je me suis entraîné avec Hugo Lloris, c’était ça. Tu peux vite être démoralisé, te dire que lui il fait ça, mais que toi tu ne peux pas le faire, c’est démoralisant. Quand on est dans les jeux, on sait qu’on va ne pas forcément être choisi, car on sait que les joueurs vont vouloir un gardien qui va les rassurer et on les comprend. Donc il faut garder le moral et faire au mieux. J’ai eu la chance de grandir avec des joueurs internationaux qui m’ont donné des bons conseils, qui m’ont dit que j’étais jeune, que j’étais là pour apprendre. C’est beaucoup dans la tête, de garder confiance en soi.
MO : Comment as-tu vécu cette coupe du monde ?
LM : Comme un supporter évidemment! Je regardais tous les matchs à la télé, on arrête de vivre pendant 2 heures. Je n’ai pas pu voir la finale sur l’écran à Lyon à cause de l’orage, mais j’étais devant ma télé.
MO : En plus de ça, tu as connu des champions du monde…
LM : J’étais avec Corentin Tolisso à l’internat au centre, je le connais depuis qu’on a 7 ans à peu près. Forcément ça fait bizarre, mais après ce sont des joueurs qui méritent. Corentin, il a été blessé à Lyon assez gravement à 17-18 ans, il a eu le moral pour ne pas lâcher, et ça à payer, maintenant il est champion du monde. Il y a Nabil aussi, qui n’a pas eu de chance non plus. Il aurait pu participer à l’euro, son genou l’a trahi… ça arrive, c’est toujours triste, et c’est toujours au mauvais moment. Tu es seul pour récupérer de ta blessure, tu vis des moments difficiles, mais on revient toujours plus fort d’une blessure au niveau mental. Nabil, c’est une personne extraordinaire et quand il se blesse au genou, ça touche beaucoup de gens, parce qu’on se dit qu’il ne le mérite pas. Des joueurs comme ça, il y en a pas des dizaines.
MO : Un dernier mot pour MO ?
LM : Gardien, c’est peut être le plus beau poste. Il faut toujours un gardien dans une équipe. Il peut faire gagner un match à lui tout seul.
MO : Quel est ton gardien modèle ?
LM : Quand j’étais plus jeune, c’était Van der Saar. Après, quand il a pris sa retraite, je suis passé à De Gea. Je suis resté très Manchester United.
MO : Ton plus beau moment en temps que joueur ?
LM : Premier match avec l’équipe professionnel contre Sion où j’ai la chance de faire 2-3 beaux arrêts, de faire un beau match et de ne pas encaissé de but. Mine de rien c’est gratifiant (rires). Et surtout c’est sur Canal+, il y a toute la famille qui regarde, tous les amis qui m’envoyaient des vidéos et photos. Il y a aussi la demi-finale de coupe d’Europe (Europa Ligue contre l’Ajax. J’étais avec l’équipe, j’ai fait tous les déplacements. C’est aussi une petite déception, parce que c’est une équipe qui était à notre portée.
MO : Ton plus mauvais souvenir en tant que joueur ?
LM : Les blessures… Toutes les blessures avec opération parce que ça t’empêche de faire 2-3 mois de compétition. Dès qu’il y a les blessures, c’est forcément un mauvais moment : on est à l’écart du groupe, on est seul. Quand on revient dans le groupe, on a toujours des petites lacunes parce qu’il manque des réflexes, le rythme… il faut retrouver tout ça. On a l’envie mais il manque des choses.
MO : Ton plus beau moment en tant que supporter ?
LM : C’était quand j’étais petit, les titres de champion forcément. Je pense que le plus beau ça doit être quand on était à 10 points derrière Monaco. Monaco perd la finale de champions league et le championnat dans les dernières journées. C’était l’un des plus beaux parce que le titre était à l’arraché.
MO : Pour tout supporter lyonnais qui a grandi avec les 7 titres, il y avait penalty sur Nilmar ?
LM : Il y a forcément penalty sur Nilmar, même l’arbitre aujourd’hui le reconnaîtrait !
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photo de couverture : olweb