Deuxième gardien au Amiens SC, Jean-Christophe Bouet, 34 ans, vit une étape de sa carrière dont il avait à peine rêvé. Alors qu’il souhaitait simplement goûter au niveau national du football, il est aujourd’hui l’un des gardiens les plus aguerris à ce niveau. Passé par Bayonne (ex-N1), Villecombe (ex-N2), le Red Star et Dunkerque (N1), il évolue désormais en Ligue 1.
Main Opposée : Jean-Christophe, vous avez passé la majorité de votre carrière au niveau national entre N1 et N2, vous jouez maintenant en Ligue 1. A 34 ans, comment êtes-vous arrivé dans ce club, qu’est-ce que le club attend de vous?
Jean-Christophe Bouet : Le coach Christophe Pélissier voulait un gardien expérimenté au niveau National pour la montée en Ligue 1 cette saison. Ils étaient intéressés par mon profil, mon agent nous a mis en relation, on s’est rencontrés, le club m’a expliqué qu’il cherchait une doublure pour leur gardien titulaire Régis Gurtner et j’ai tout de suite accepté. A 34 ans, je me doutais que je n’aurais plus beaucoup de chances de jouer en Ligue 1 alors je l’ai saisie. Maintenant il n’y a pas de concurrence entre Régis et moi, je sais et il sait que je suis là pour être sa doublure, pour l’aider à progresser et l’accompagner tout au long de la saison en tant que numéro 2. Mais si au cour de la saison j’ai l’opportunité de jouer à ce niveau, je serai prêt et ce sera avec grand plaisir !
MO : Qu’est-ce qui vous a amené au poste de gardien de but, qu’est-ce qui vous y a plu?
JCB : J’ai joué joueur de champ quand j’ai commencé le foot, puis je me suis mis dans les buts à l’âge de neuf ans et n’en suis jamais ressorti. C’est l’aspect spectaculaire du poste, la responsabilité qui en ressort, son rôle important et différent au sein de l’équipe. J’aime le fait que le gardien doive maîtriser beaucoup de choses sur le terrain. Il doit diriger ses partenaires en leur parlant et en les plaçant, il doit contrôler les attaquants adverses en se positionnant par rapport à leurs attaques. Etre un gardien de but c’est être à un poste plus décisif que les autres. J’aime aussi les sensations uniques que procure ce poste, son côté athlétique, les actions du gardien sont plus spectaculaires.
MO : Il y a des gardiens qui vous ont inspiré ou que vous admiriez?
JCB : Oui, d’abord il y a eu Bernard Lama dans les années 90. Mais le gardien qui m’impressionnait le plus c’était Grégory Coupet, quand il était à Lyon et qu’ils ont enchaîné les titres de champion. C’était un très très grand gardien.
MO : De l’âge où vous vous êtes lancé au poste de gardien à votre arrivée à Bayonne au niveau national, quels ont été les ingrédients pour en arriver là?
JCB : Je n’ai pas fait de centre de formation. Quand je me suis mis à jouer dans les buts je me débrouillais bien dès le début et comme ce poste m’a beaucoup plu, j’ai tout fait pour progresser dedans. Etant jeune, j’étais souvent surclassé. A 16-17 ans je jouais en séniors au niveau régional, puis Bayonne m’a pris pour jouer au niveau national. A partir de là, j’avais atteint mon rêve de jouer à ce niveau et j’ai tout fait pour y rester, en travaillant à l’entraînement avant tout pour progresser et m’habituer aux exigences du National. J’ai rencontré les bonnes personnes qui m’ont permis de progresser, qui m’ont aidé à être constant dans mes efforts et devenir meilleur.
MO : Comment qualifiez-vous le championnat de National (N1)?
JCB : C’est un championnat très professionnel. En National, il y a peu de différences entre les équipes, on ne sait jamais qui va descendre, qui va monter, les clubs ont à peu près le même niveau. Une saison en National ne se joue pas à grand chose, en haut de tableau il n’y a jamais beaucoup de points qui séparent les leaders, contrairement à la Ligue 1. De plus, beaucoup de joueurs de ce niveau pourraient jouer en Ligue 1, les joueurs s’appliquent autant en National qu’aux niveaux supérieurs parce que ce championnat est un super tremplin pour être recruté en Ligue 1 ou en Ligue 2. De nombreux joueurs ont percé dans le football sans être passés par des centres de formation, mais parce qu’ils ont brillé dans des clubs de CFA-National et ont été remarqués par des clubs qui les ont amenés au niveau supérieur.
MO : Qu’avez vous découvert en Ligue 1, quelles sont les différences avec la N1?
JCB : Finalement, la Ligue 1 ressemble plus au National que je ne le pensais. Elle est plus médiatisée mais c’est un milieu moins différent de ce que j’attendais. Vu de l’intérieur ce sont deux univers pas si différents, dans les deux cas il faut donner le meilleur de soi-même la semaine à l’entrainement pour être plus performant le week-end. Mais sur le terrain, le National ou la Ligue 1 ça reste le même sport. C’est vrai qu’il y a plus de différences entre les équipes de haut et de bas de tableau en Ligue 1 car les grands clubs ont les moyens d’attirer des joueurs de classe mondiale. Mais sur une saison ce qui va faire la différence entre deux équipes plus ou moins similaires, ça reste l’investissement et la régularité des joueurs. Ce qui m’a surpris aussi en Ligue 1, c’est la mentalité des joueurs. Quand je jouais en National, j’avais un a priori des joueurs de L1, je m’imaginais des mecs qui se croyaient supérieurs en raison de leur statut. Mais maintenant je ne pense plus ça du tout. Cette année, il y a des joueurs expérimentés en Ligue 1 qui nous ont rejoint et ce sont vraiment de super gars, très professionnels, qui s’investissent à l’entraînement pour l’équipe et qui apportent leur expérience au groupe. Ils se comportent comme le reste des joueurs au sein du groupe, il n’y a aucune notion de statut entre les joueurs.
MO : Certains membres du club, comme le coach Christophe Pélissier, l’entraîneur des gardiens Olivier Lagarde ou le gardien titulaire Régis Gurtner, évoluaient à Luzenac en 2014, quand la montée du club de N1 à Ligue 2 a été avortée par la LFP. Aujourd’hui, ils sont passés de N1 à Ligue 1 en deux ans avec Amiens, sont-ils revanchards ? Apportent-ils quelque chose de particulier au groupe en raison de ce parcours particulier ?
JCB : Cette histoire avec Luzenac est derrière eux, mais c’est vrai que ça leur fait une drôle d’expérience. Comme moi et une bonne partie du groupe, ce sont des hommes qui viennent du football amateur et qui se sont hissés du foot amateur au foot professionnel, étape par étape, au long de leur carrière. Ces trois hommes correspondent bien au reste du groupe, beaucoup de joueurs du club sont montés du National à la Ligue 1 en deux saisons grâce aux résultats sportifs du club. On est un groupe très soudé, homogène, on vit tous un rêve et on a une saison pour tout donner et rester en Ligue 1.
MO : Quel est votre ressenti après les deux premiers matchs de Ligue 1? Vous vous êtes retrouvé sur le banc du Parc des Princes pour votre premier groupe dans un match de Ligue 1 alors que vous rêviez seulement de jouer un jour en N1.
JCB : (Rires) Oui, même si on s’est préparés tout l’été à jouer en Ligue 1, ça m’a fait un peu bizarre de me retrouver au Parc des Princes face au PSG pour le premier match. On perd 2-0 mais au final il n’y avait pas énormément d’écart entre eux et nous. Paris a été plus efficace et plus mordant en attaque, on n’a pas réussi à leur faire aussi mal mais on s’est battus. Pareil au deuxième match, on perd 2-0 mais il n’y avait pas autant d’écart, Angers a été plus efficace et plus réaliste. Il y a de la place pour que l’on fasse quelque chose cette saison en Ligue 1 mais on a encore beaucoup de travail à faire pour y arriver.
MO : Dans votre carrière au niveau national, quels sont vos plus beaux souvenirs?
JCB : Le match au Parc pour la première du club Ligue 1 était un très grand souvenir ! Mais le numéro un reste le 32ème de finale de Coupe de France contre Lyon avec Bayonne (en 2006-2007 ndlr). On perd 2-1 à domicile et Grégory Coupet était blessé donc je n’ai pas pu l’affronter, mais il est venu me voir à la fin du match et m’a offert une paire de gants. Ce match c’est le meilleur souvenir de ma carrière.
MO : Et les périodes difficiles, il y en a souvent dans une carrière. Si vous en avez connu, comment vous en êtes-vous sorti?
JCB : Oui, quand le Red Star a décidé de ne pas me garder à la fin de la saison 2012-2013. Je me suis retrouvé sans club, mais j’ai continué à travailler de mon côté, j’ai gardé le moral en sachant que continuer de m’entraîner me permettrait de retrouver un club à mon niveau et ça a payé. Deux mois plus tard, Dunkerque est venu me chercher pour jouer en National.
MO : Pour finir, quel est votre dernier mot pour Main Opposée et pour les jeunes qui espèrent devenir professionnels, qu’ils soient enfants ou jeunes adultes?
JCB : Pour devenir gardien professionnel, il faut toujours garder la motivation et l’envie de le devenir, croire en soi et toujours travailler pour y arriver. Travailler dès le début pour être à l’aise au poste, s’habituer à jouer pour être à l’aise car être gardien nous confie des responsabilités sur le terrain. Il faut travailler pour progresser, donner le meilleur de soi-même et franchir les étapes et les niveaux. Si un gardien n’a pas fait de centre de formation c’est pareil, il faut continuer à croire en soi et à travailler à l’entraînement pour jouer dans des niveaux de plus en plus élevés. Au football, le travail peut te faire progresser et te faire monter tous les échelons un à un.
MO remercie Jean-Christophe Bouet pour sa disponibilité afin de répondre à nos questions. Nous lui souhaitons une très bonne saison avec Amiens, afin de remplir tous ses objectifs.
Photo de couverture : La voix du Nord