L’Olympique Lyonnais, Albi, Grenoble, Montpellier, Guingamp ou encore l’équipe de France jeunes. À 26 ans, Cindy Perrault a déjà vécu de nombreuses situations et acquis beaucoup d’expérience. Des titres en Ligue des Champions et en Coupe du Monde U17 vécus sur le banc à des batailles pour le maintien ou la montée, la gardienne guingampaise revient pour Main Opposée sur son début de carrière, ce qu’elle a appris au fil du temps et nous livre quelques réflexions sur le poste de gardien de but et le football féminin.
MO : Salut Cindy, comment se passe ton début de saison dans ton nouveau club ?
Cindy Perrault : Collectivement, on a une belle équipe qui est jeune. On apprend de nos erreurs au fur et à mesure des matchs, mais il y a beaucoup de remise en question donc c’est plaisant dans un groupe. Tout le monde accepte la critique donc c’est un bon point pour avancer. Personnellement, c’est un plaisir de pouvoir jouer, de retrouver la sensation du terrain. Il m’a fallu un peu de temps pour me remettre dedans car ça faisait longtemps que je n’avais pas joué. Je suis vraiment satisfaite de la confiance du club, du staff et de l’équipe.
MO : Qu’est-ce qui t’a poussé à venir t’installer à Guingamp ?
C.P : Je suis surtout venue car on m’a proposé le poste de numéro 1. Après je sais très bien à quoi m’attendre : si tu ne montres pas, que tu ne fais pas les efforts en match et aux entrainements, bien sûr que tu passes derrière. Il n’y a pas de place acquise, il faut aller les chercher.
MO : Tu as commencé le premier match de la saison sur le banc, c’était prévu ?
C.P : Oui, j’ai eu une entorse des cervicales une semaine avant la reprise donc je n’avais pas vraiment l’autorisation de jouer, ils préféraient me mettre au repos ! Du coup Manon (Le Page) a commencé le match mais elle est très jeune (18 ans au moment du match, ndlr) et ça n’a pas été évident pour elle. Je l’ai remplacé et c’est vrai que ça m’a fait un peu de peine parce que j’ai connu ça et je sais que ce n’est pas évident. Je lui ai dit que c’était ce genre de match qui font apprendre le plus.
Pendant un tournoi de fin d’année, quand j’avais 12 ans, le gardien n’était pas là et je me suis essayée dans les buts. J’ai été élue meilleur gardien du tournoi.
MO : C’est déjà ton cinquième club, comment on s’adapte à tous ces changements ?
C.P : A vrai dire, j’aimerais bien m’installer dans un club. Malheureusement, je n’ai jamais vraiment eu la confiance nécessaire de la part du staff, à part à Grenoble (en D2, ndlr). Cette fois-là c’est moi qui ai fait le choix de ne pas rester dans le fauteuil dans lequel j’étais et de partir à l’aventure, de me mettre en danger pour passer un pallier. J’ai des objectifs d’aller un peu plus loin. A Guingamp, on m’a super bien intégrée, c’est un club très familial qui a les pieds sur terre et qui ne se prend pas pour un autre. Les dirigeants savent que ce n’est pas un gros club avec un gros budget mais par contre, c’est un gros club niveau cohésion. C’est ce qui fait notre force sur le terrain et ça m’a aidé dans l’intégration. Bien sûr, il y a du talent aussi mais cette cohésion je ne l’avais pas, par exemple, à Montpellier et ça manquait. C’est différent quand on sait communiquer, que tout le monde accepte et se remet en question. Les autres matchs peuvent être complètement différents à jouer donc c’est hyper intéressant.
MO : Mais avant ces aventures, il t’a fallu devenir gardienne, comment est-ce que ça s’est passé pour toi ?
C.P : Au début, j’étais attaquante (rires). J’ai commencé le foot à l’âge de 5 ans dans le Maine-et-Loire, à Montreuil-Juigné. J’étais la seule fille au début, puis j’ai une copine qui m’a rejoint. Ça se passait hyper bien. J’avais déjà été dans les buts une fois en poussin, sauf que j’avais pris onze buts dans le match, donc je n’y suis pas retournée. A un tournoi en fin d’année, quand j’avais douze ans, le gardien n’était pas là donc je me suis essayé dans les buts sur toute une journée et j’avais adoré ça. J’avais même été élu meilleur gardien du tournoi alors que ce n’était pas du tout mon poste. Je n’ai plus jamais lâché les gants.
MO : Et tu as finalement rejoins l’OL seulement 3/4 ans après avoir enfilé les gants pour de vrai. Comment ça s’est passé et qu’est-ce que ça change ?
C.P : Tu peux jouer jusqu’à un certain âge avec les garçons, 15 ans je crois. A partir de là, tu dois intégrer obligatoirement un club féminin et à ce moment-là, j’ai rejoint l’Olympique Lyonnais. On faisait des coupes nationales avec l’équipe de la Ligue Atlantique et lors de ces tournois, il y a pas mal d’entraineurs de grands clubs qui viennent et c’est là que j’ai été repérée.
Lyon, c’était un rêve, c’était mon équipe préférée. J’étais la petite chouchoute de mon club au milieu des garçons, là je me retrouve avec les filles sur le même piédestal donc c’est complètement différent. Au niveau des infrastructures, ça n’a évidemment rien à voir non plus. C’était grandiose d’avoir ces équipements et des entrainements tous les jours.
MO : Et qu’est-ce que tu retires de cette expérience chez les Fenottes ?
C.P : C’est une fierté d’avoir été formée par ce grand club. Ça a une identité aussi. Avoir pu côtoyer des aussi grandes joueuses qui avaient gagné la Ligue des Champions, c’est énorme. J’ai fait plusieurs bancs parce que Sarah Bouaddhi devait se faire opérer de la main, donc j’étais deuxième gardienne derrière Méline Gérard. Je les ai accompagnées tout le long de la Ligue des Champions, j’étais en tribunes pour la finale et c’était des expériences inoubliables.
S’entrainer au quotidien avec des grandes joueuses, c’était quasiment comme être en équipe de France à l’époque. Il y avait les plus grandes joueuses du monde dans l’effectif. C’était un niveau au-dessus.
MO : Tu parles d’équipe de France, tu l’as connu étant jeune pendant ta formation à Lyon et tu as vécu deux championnats du monde. Un remporté en 2012 en Azerbaïdjan avec les U17 et un en 2016 en Papouasie Nouvelle-Guinée où vous étiez finalistes. Est-ce que tu penses parfois au maillot bleu, à essayer d’y retourner ?
C.P : C’est sûr que c’est un objectif, que je l’ai dans un coin de ma tête mais ma priorité là, c’est de me caler dans un club, de me faire une place et qu’il y ait une confiance avec le club, le staff, tout l’effectif et laisser une empreinte. Je travaille tous les jours pour mon club, mais dans un coin de ma tête j’ai l’équipe de France. Après les deux sont liés, il faut être performant et bon en club pour y prétendre.
MO : Tu as toujours été dans l’optique de jouer le plus possible quitte à descendre d’un échelon en passant d’Albi (D1) à Grenoble (D2) ?
C.P : Je pensais avoir grillé une étape en passant de troisième gardienne à Lyon où je jouais en R1 et où on survolait le championnat. Je n’avais pas l’expérience requise pour une gardienne de haut-niveau. Ça m’a appris, je ne regrette pas du tout. Ça m’a permis de voir ce que c’était et de me rendre compte qu’il fallait encore bosser, et peut-être descendre d’un échelon comme je l’ai fait pour reprendre confiance et après revenir en D1. Après c’est vrai que c’est super dur mentalement. T’as l’impression de ne pas progresser, que tu n’y arriveras pas, il y a vraiment des moments durs. Il faut se remettre au travail, savoir ce qu’on veut. Cela dure un certain moment et puis on s’y remet pour que cet échec nous serve plus tard.
MO : Et tu as noté des grosses différences entre les clubs bien développés comme Lyon et la D2 ?
C.P : Il y a des énormes différences. Ce qui m’a le plus choquée, c’est à Grenoble. Si on compare aux garçons ou même ce qui se fait dans d’autres clubs de D2… Il y a des filles qui travaillaient la journée, on s’entrainait à 19h00. Elles quittaient leur travail pour venir et certaines ont même dû prendre des RTT pour venir jouer au foot. Je me sentais chanceuse parce que j’avais un double projet, je travaillais au sein du club. On se rend compte de la chance qu’on a de pouvoir vivre de sa passion alors qu’à l’intérieur même de l’équipe certaines travaillaient. Personnellement, j’arrive à gagner ma vie en D1 mais si t’as des projets d’achats, tu ne peux pas forcément parce que le salaire c’est un CDD, donc ce n’est pas facile avec les banques. J’espère qu’il y aura une évolution pour plus tard. Les salaires varient énormément selon les clubs. Nous, à Guingamp, il y en a qui ne sont pas payées et le plus haut c’est 3000€. Lyon, ça va de 2000 à 45000€.
MO : La professionnalisation du championnat comme nos voisins européens pourrait être une solution ?
C.P : C’est clair que la professionnalisation du championnat ce serait hyper bien. On voit qu’en Espagne ils viennent de le faire, en Italie bientôt. On avait pris de l’avance sur ces championnats là mais ils nous ont doublé et on stagne un petit peu. C’est dommage. Professionnaliser le championnat serait un gros pas vers l’avant pour nous aider. Sans ça, je pense qu’on n’avancera pas forcément.
MO : Tu es ensuite revenue en D1 à Montpellier sans être assurée d’être numéro 1, pourquoi ce choix ?
C.P : Quand je suis partie de Grenoble j’avais 22-23 ans c’était super, je faisais mes matchs mais j’étais en D2. Je n’avais pas forcément de propositions en étant titulaire, mais Montpellier proposait une très bonne structure et le coach a été honnête et m’a dit que je n’allais pas jouer, mais qu’au mérite j’allais peut-être avoir quelques matchs. Je me suis dit que c’était le moment, qu’il fallait y aller et j’ai pu au final avoir du temps de jeu du fait de blessures.
Il y a une grande différence entre les filles et les garçons au niveau de la progression musculaire. Du coup, il ne faut pas du tout travailler pareil.
MO : Comment se développe le football féminin ces dernières années ?
C.P : Il y avait une dynamique post-Coupe du Monde, mais depuis le Covid beaucoup de choses se sont stoppées. Je sais qu’il y avait beaucoup plus de sponsors, un nouveau public mais depuis le Covid, ça a ralenti, presque comme si on était revenu au point de départ donc c’est dommage parce que cette coupe du monde nous faisait du bien pour promouvoir le foot féminin, avoir un nouveau public, de nouvelles licenciées (ça par contre ça n’a pas bougé), il y a beaucoup plus de licenciées.
MO : Quelle est ta qualité principale dans les buts ?
C.P : Je suis quelqu’un d’explosive, c’est un bon atout parce que les gardiennes ont été beaucoup critiquées sur ça. Mais elles avaient pas du tout ce qu’on a aujourd’hui en termes de spécifiques, d’entraineurs de gardiens. On a beaucoup de choses mises en place pour nous, pour bien travailler. C’est vrai que ça reste un problème pour certaines gardiennes l’explosivité et la détente, et j’ai de la chance de l’avoir aujourd’hui.
MO : Et comment tu les vis ces critiques sur le niveau des gardiennes ?
C.P : C’est difficile parce que c’est mon poste. Je savais très bien, et je l’ai encore plus vu quand j’ai passé mes diplômes d’entraineur, qu’il y a une grande différence entre les filles et les garçons. On a un retard de progression au niveau musculaire, ils se développent plus rapidement à un certain âge. Du coup, il ne faut pas du tout travailler pareil. On voulait tout faire comme les garçons, avoir une grande explosivité rapidement alors qu’il faut sûrement nous faire travailler un peu plus light à certains moments et d’autres aspects. Personnellement, je fais pas mal de muscu à côté et je sais que ça m’a beaucoup aidé. C’est deux mondes différents.
MO : Un dernier mot pour les lecteurs de MO ?
CP : Croyez en vos rêves. Quand on veut, on peut !
MO : Ton idole ?
CP : Iker Casillas
MO : La meilleure gardienne du monde ?
CP : Sarah Bouaddhi
MO : Ton plus bel arrêt ?
CP : Cette année contre Lyon sur une frappe d’Amel Majri.
@CindyPerrault pic.twitter.com/bzpyzfk1yG
— FutFemdelMundo (@FutFemMundo) September 24, 2021
MO : Ton pire souvenir ?
CP : Mon premier match diffusé à la télé lors de la coupe du monde U17 en 2012 contre la Gambie.
MO : Ton meilleur souvenir ?
CP : La victoire finale lors de cette coupe du monde et le parcours en coupe de France avec Grenoble (jusqu’en demi-finale contre Lyon, ndlr).