Enfant turbulent, il pratique tour à tour la boxe, la gym, puis le rugby en tant que demi-de-mêlée avant d’arrondir son ballon. De la boxe, il gardera la pugnacité; de la gymnastique, l’agilité. Du rugby, il conservera la puissance et le jeu au pied, aussi précis qu’une horloge suisse. André Dehaye, Président du Racing Club de France, dira de Vignal qu’il était capable d’envoyer le ballon directement dans la poche de son attaquant et ce, à 60 mètres et des deux pieds s’il vous plaît.
D’abord attaquant, il remplace le temps d’un match le gardien titulaire de son équipe, arrêté pour vol la veille de la rencontre: « C’est le destin. Si le gars n’avait pas volé du bois, je n’aurais pas fini dans les bois ! »
René Vignal possédait notamment une détente étonnante puisqu’il pouvait placer la tête au-dessus de la barre transversale d’un seul saut. Pour l’anecdote, il défia pour s’amuser les athlètes du Racing au saut en hauteur: il franchit 1m85, soit 9cm de plus que sa propre taille.
Sur le pré, René Vignal allie le spectaculaire à l’efficace n’hésitant pas, moustache bien taillée et casquette visée sur le front, à sortir tête et mains en avant dans les pieds des attaquants. André Dehaye, toujours lui, dira d’ailleurs que Vignal osait mettre la tête là où certains ne mettraient même pas les pieds, expression reprise depuis par le lyonnais Anthony Lopes lors d’une interview. Ce sens accru du sacrifice lui vaudra de nombreuses blessures, comme lors de ce match contre Bordeaux où un choc avec l’attaquant Ben Ali lui provoque un décollement de la rétine qui lui vaut de rester aveugle pendant 21 jours.
Le 27 avril 1949, Vignal honore à Glasgow et devant 120.000 personnes, sa 2e sélection. Malgré la défaite, le portier tricolore impressionne fans et experts en détournant notamment un penalty du géant Young. La lourde frappe de l’arrière latéral est si puissante que Vignal, ne pouvant la bloquer, opte pour une manchette dont lui seul à le secret et renvoie le ballon… jusqu’au rond central! L’anecdote, confirmée par Max Urbini journaliste de l’époque, vaut à Vignal d’être surnommé par les journalistes britanniques ‘The Flying Frenchman’ : Le Français Volant.
En avril 1954, alors qu’il s’apprête à disputer la Coupe du monde avec l’Equipe de France, il part disputer avec son club, relégué en 2e division la saison précédente, un match de barrage de montée afin de regagner la place du club dans l’élite. Lors d’un choc avec l’attaquant du Stade Français Casimir Hnatow, il se fracture le bras. Cette nouvelle fracture, la 19e, le contraint à abandonner le football professionnel, à 28 ans à peine.
Jeux d’argent et mauvaises fréquentations le conduiront quelques années plus tard devant la justice pour sa participation à une série de vols à mains armés. Le 7 octobre 1971, il est condamné à quinze ans de réclusion criminelle à l’issue d’un procès où des grands noms du football -Albert Batteux, Raymond Kopa, ou encore Just Fontaine– viennent temoigner en sa faveur. Il est finalement libéré en 1978, après dix années de détention.
René Vignal part alors vivre dans les Landes avant de déménager à Toulouse en 1999. Il y mena une vie paisible et continua à suivre l’actualité du Téfécé, le club de ses débuts. Il est considéré comme le premier grand gardien français et aura inspiré des générations entières de portiers, Pascal Olmeta notamment. Il s’est éteint lundi dernier, mais la Légende du Français Volant reste et perdurera au-delà des années.
René Vignal (1926 – 2016)
– 17 sélections en EDF
– Clubs: Toulouse (1945-1947), puis Racing Club de France (1947-1954, 200 matchs)
– Transfert: 1,5 million d’anciens francs, soit 2300€ environ. Plus ou moins le prix d’une Peugeot 404 de l’époque.
– Palmarès: 1 Coupe de France, 1 finale de Coupe de France
Photo de couverture : Ouest-France.fr