Main Opposée vous propose de revenir sur la carrière de légendes et artistes du poste de gardien. Aujourd’hui, le colosse allemand Sepp Maier.
Il n’est pas inconnu du grand public que l’Allemagne est une fabrique à gardiens de but, chacun d’entre eux a marqué sa génération. Pour les plus jeunes, Marc-André ter Stegen et Manuel Neuer sont forcément des noms retentissants. Comment ne pas évoquer Oliver Kahn, considéré comme un titan à son poste ou encore Harald Schumacher, grand artisan de la réussite de la RFA sur la scène mondiale.
Puis il y a celui qui a tout gagné, la respiration manque à la lecture de son palmarès : Championnat allemand, Coupe d’Allemagne, Coupe du monde, Coupe d’Europe, vainqueur à plusieurs reprises de la C1 et de la C2. Il s’agit bel et bien de Sepp Maier, surnommé “le chat” par ses pairs. Sa réactivité féline sur chaque ballon et son charisme sur le terrain lui permettront de figurer parmi les meilleurs gardiens de but que ce sport ait connu.
De son rêve de devenir acteur jusqu’à son terrible accident de voiture, voici l’histoire d’un monument du sport allemand.
(1944-1958)
Josef Dieter Maier est né le 28 février 1944 à Metten, commune de Bavière située au sud-est de l’Allemagne à 12km de Munich. Il est le fils de Josef et Maria Maier, tout deux travaillent dans le même hôpital (spécialisé psychatrie). Lui est commis de bureaux quand il ne s’abandonne pas à son principal loisir, le football. Quant à Maria, sa profession d’infirmière ne lui permet plus d’avoir l’énergie suffisante pour retrouver les terrains de handball qu’elle affectionnait tant dans sa jeunesse.
Dès son plus jeune âge, Sepp Maier se passionne pour le football et la gymnastique, discipline dans laquelle il excelle grâce sa souplesse avec notamment 2 titres régionaux. Dès l’âge de 7 ans, lassé de taper le ballon dans les champs avec Horst, son petit frère, Sepp signe sa première licence au TSV Haar Fussball, club où évoluait son père.
Je ne dormais pas avec un ours en peluche, mais avec un ballon. J’avais un rapport privilégié avec lui, j’en étais amoureux.
L’aisance de ce jeune garçon balle au pied est déjà décelable, il sera d’ailleurs surclassé dès la saison suivante avec des joueurs âgées de 2 à 3 ans de plus que lui. Maier enchaîne les buts et les performances mais parfois, par plaisir, le garçon s’amuse à enfiler les gants (cela n’existait pas à l’époque mais faisons tout comme) pour démontrer toute l’utilité de son élasticité acquise durant ses années de gymnastique.
Malgré ses désirs de faire carrière dans la comédie, Sepp commence une formation de machiniste à Haar. Quand il n’échange pas quelques passes avec ses collègues pendant la pause déjeuner, l’adolescent de 14 ans rejoint ses coéquipiers du TSV Haar où ses qualités sont désormais reconnues par l’ensemble du club.
Nous sommes à présent en novembre 1958 à la veille d’un match de coupe opposant le club local au Bayern Munich, et c’est à ce moment précis que le destin de Sepp Maier va basculer. Le gardien habituellement titularisé s’est fracturé le bras lors du dernier match. Contre sa volonté, Sepp est réquisitionné pour garder les buts : “Tu es le plus fainéant et le plus costaud, tu vas dans le but”.
Vous pensez à une belle histoire ? À une victoire sur le fil du TSV Haar avec un Maier intraitable ? Non, le TSV va littéralement se faire étriller, 9 buts à 1. Malgré la déroute subie par son équipe, le jeune portier improvisé réalise des prouesses et étonne par son explosivité qui ne va pas laisser insensible les dirigeants du Bayern, désireux d’enrôler le néo-gardien de but. Un essai lui est proposé, Sepp accepte. Il n’enlèvera plus jamais les gants.
Lors de sa première titularisation avec les jeunes munichois, il se montre décisif en stoppant 2 penalties face à Salzbourg, son équipe l’emporte 2-1. L’histoire est belle, l’avenir est radieux.
(1959-1967)
Preuve de régularité, Sepp intègre en 1959 la section junior de la Mannschaft à la demande de Helmut Schön, futur entraîneur de la RFA championne du monde 74. Le jeune portier bavarois impressionne tant sur le terrain que dans la vie active. Il parvient à terminer son apprentissage professionnel et travaille comme ajusteur de machines tout en répétant quotidiennement ses gammes sur les terrains d’entraînement.
En 1962, Sepp Maier (18 ans) signe son premier contrat professionnel avec le Bayern. Il sera titularisé pour la première fois le 14 août 1965 face au TSV Munich 1860 (défaite 1-0), club phare des années 60 (vainqueur de la C2 en 65 et champion d’Allemagne en 66). Fraîchement promu en Bundesliga, le club munichois décide d’accorder sa confiance à la génération naissante, celle de Beckenbauer, de Gerd Müller et bien évidemment de Sepp Maier. Une véritable ossature est sur le point de se former.
La saison du promu munichois dans l’élite est une réussite avec une 3ème place significative et une coupe d’Allemagne acquise aux dépens du MSV Duisbourg (4-2). Le jeune portier bavarois sera d’ailleurs récompensé de ses performances en étant sélectionné pour la première fois en équipe nationale le 4 mai 1966 face à l’Irlande (victoire 4-0). Helmut Schön, alors sélectionneur de la RFA, décide d’emmener à la Coupe du Monde le prometteur Sepp en qualité de numéro 2. La suite appartient à l’histoire, l’Angleterre sera sacrée sur ses terres face à la RFA au terme d’une finale controversée (4-2).
La saison 66-67 est un véritable tournant pour Sepp et son équipe. Le club vient de remporter pour la seconde fois consécutive la coupe d’Allemagne et l’Europe n’est plus considérée comme un rêve lointain. Qualifié grâce à sa coupe d’Allemagne remportée lors de l’édition précédente, le Bayern Munich accède à la Coupe d’Europe des vainqueurs de Coupe (C2) et réalise un quasi-sans-faute en remportant son premier trophée européen face au Glasgow Rangers (1-0 a.p.).
Héroïque sur sa ligne de but et décisif lors de la finale, Sepp Maier va rapidement devenir l’une des coqueluches du stade Grunwalder (enceinte du Bayern Munich de 1925 à 1972) et s’installer comme un titulaire indéboulonnable, un rouage essentiel au rouleau-compresseur que le Bayern s’apprête à devenir. Le petit garçon d’Anzin n’est plus, l’Europe connaît désormais son nom.
(1969-1973)
Âgé de 25 ans, Sepp remporte en 1969 sa troisième coupe d’Allemagne et la Bundesliga (deuxième titre de champion d’Allemagne pour le club). La réputation de la solidité défensive du Bayern n’est plus à faire avec un Maier souvent impérial dans ses buts, en témoigne ses 31 buts encaissés durant la saison, meilleure performance du championnat.
En 1970, Sepp s’apprête à disputer son premier mondial en tant que titulaire. L’édition se déroule au Mexique et la RFA est l’un des principaux favoris de la compétition avec l’Angleterre de Gordon Banks et le Brésil du roi Pelé. Honorable troisième de la compétition, l’Allemagne sera éliminée par l’Italie au terme d’un match fou où pas moins de cinq buts seront inscrits durant la prolongation.
L’international allemand comptabilise en 1971 son sixième trophée personnel à l’issue de la coupe d’Allemagne qu’il va remporter pour la quatrième fois. Un engouement certain est en train de se créer autour de cette équipe réunissant les meilleurs joueurs d’Outre-Rhin. La saison 71-72 est également synonyme de sacre, le Bayern termine champion de Bundesliga, l’Europe n’a qu’à bien se tenir.
Toujours en quête d’un titre en sélection, Sepp Maier (28 ans) décroche en 1972 son premier trophée avec la RFA, victorieuse de l’URSS en finale de l’Euro (3-0). Pas moins de de six joueurs du club munichois seront alignés face aux soviétiques, illustration de l’importance du vivier bavarois (Sepp Maier, Paul Breitner, Franz Beckenbauer, Uli Hoeness, Gerd Muller, Georg Schwarzenbeck).
Sans surprise, le Bayern va littéralement rouler sur la Bundesliga lors de la saison 72-73. Sepp n’a maintenant plus loupé un match depuis la 34ème journée de championnat.. 1966 !
(1974-1978)
Le football allemand s’apprête à vivre ses plus belles années. Sur le fil (1 point d’avance sur son dauphin, Mönchengladbach), le Bayern de Sepp Maier parvient à enchaîner un 4ème titre national consécutif. La finale de la Coupe des Clubs Champions 73-74 voit également le club munichois remporter sa première C1 face à l’Atlético Madrid lors de la seule finale rejouée de l’Histoire (1-1 a.p / 0-4), la première dite des 3 glorieuses.
Puis vint le sacre ultime. Le mondial 74 est organisé en Allemagne de l’Ouest et Sepp Maier (30 ans) va réaliser une Coupe du Monde de haute volée. Le chat d’Anzin va notamment s’illustrer lors de la demi-finale en se montrant impitoyable face aux offensives polonaises. La pluie battante de Francfort va transformer le terrain en véritable bourbier, mais les tentatives de faire plier Maier sont vaines et son but va lui, rester inviolé (1-0).
Sans Sepp, nous ne serions pas devenus champions du monde.
-Franz Benckenbauer-
Le 7 juillet 1974, la RFA voit se dresser devant elle la redoutable Hollande de Johan Cruyff. Les Oranjes vont d’ailleurs ouvrir la marque dès la 3ème minute mais la partie va totalement s’inverser avec deux buts allemands inscrits avant la mi-temps. En seconde période, Sepp Maier est galvanisé, certains se souviendront de sa parade sur une volée à bout portant de Johan Neeskens ou de leur joute verbale suite à une sortie aérienne pleine d’autorité du portier allemand. Le coup de sifflet final retentit, Sepp est sur le toit du monde.
Surclassé en championnat, le Bayern va paradoxalement assommer l’Europe en ne laissant que des miettes à ses poursuivants. Les Coupes d’Europe des Clubs Champions 75 et 76 seront remportés par les bavarois (contre Leeds et Saint-Etienne) malgré une importante contre-performance en Bundesliga (10ème puis 3ème).
Âgé de 32 ans, Sepp Maier va un peu plus rentrer dans l’histoire lors de l’Euro 76 mais pas de la manière dont on peut l’espérer. Durant la finale opposant la RFA à la Tchécoslovaquie, la séance de tirs au but sera fatale au portier munichois qui va être la malheureuse victime d’un certain Antonín Panenka (lui-même). Le champion en titre n’est plus, les tchèques seront sacrés à Belgrade.
Inconstant en championnat et en baisse de régime sur la scène internationale, le Bayern n’est plus ce club tant redouté durant ses années d’or. L’efficacité de Sepp Maier ne sera jamais remise en doute, en témoigne ses distinctions personnelles acquisent en 75, 77 et 78 où il sera élu footballeur allemand de l’année.
La Coupe du Monde 78 viendra clôturer la domination mondiale du champion en titre. Éliminé dès le second tour dans un groupe composé de l’Italie de Dino Zoff et du rival hollandais, ce sera la dernière grande compétition disputée par Sepp Maier, malgré lui puisque sa fin de carrière surviendra de manière prématurée…
(1979)
Avec 95 sélections à son actif, le gardien le plus capé de l’histoire de la Mannschaft et ses 422 matchs d’affilée en 13 ans de Bundesliga (447 matchs au total sur le site officiel de Sepp Maier et 442 d’après le Hall Of Fame allemand) va voir sa fin de carrière basculer de façon très brutale.
En juillet 1979, le dernier rempart bavarois va être victime d’un terrible accident de voiture. Le bilan est lourd : rupture du diaphragme, commotion cérébrale, fracture du bras et des côtes. Pourtant déterminé à retrouver les terrains, la réalité va rapidement rattraper l’entrain de Sepp (35 ans). La sentence est sans-appel : il doit mettre un terme à sa carrière sportive.
Maier aura marqué l’histoire du football allemand avec 15 titres acquis dans sa carrière et 4 phases finales de Coupe du Monde dont une remportée. Historique.
(1987-2008)
Sepp Maier intègre en 1987 le staff de la Mannschaft alors sous la houlette de Franz Beckenbauer, un choix qui va s’avérer payant. Il serait en effet difficile d’envisager que la performance de Bodo Illgner lors du mondial 90 soit due au hasard, celui-ci deviendra d’ailleurs le premier portier à préserver son but durant une finale de Coupe du Monde et le plus jeune rempart à remporter le tournoi.
L’aura de l’ancien international allemand transcende. Inspirant, il sera également intronisé entraîneur des gardiens de but du Bayern Munich dès 1994 pour former l’un des meilleurs de la génération, Oliver Kahn. Là aussi, les titres vont s’enchaîner tant en sélection qu’en Bavière. De la C1 jusqu’en Coupe du Monde, Sepp Maier va voir son poulain s’imposer tel un titan.
Après avoir officié 21 ans en sélection dont 14 avec le Bayern, Sepp Maier s’éloignera définitivement des terrains en 2008 en même temps que Kahn, devenu lui aussi l’une des légendes du poste.
Complètement retiré du monde du football, l’ex-portier bavarois ne reste jamais loin de son club de coeur, le Bayern Munich, qu’il suit désormais loin des pelouses mais avec la plus grande rigueur.
– Ses idoles étant plus jeune ? Lev Yashin, emblématique gardien de l’URSS et Karl Valentin que l’on surnommait “Le Charlie Chaplin allemand”.
– L’ancien portier de la Mannschaft apprécie jouer la comédie. Invité plus d’une cinquantaine de fois sur le plateau TV d’une émission de divertissement allemande, il est courant que l’on retrouve le colosse allemand en duo avec la chanteuse norvégienne Wencke Myhre. Pour les besoins d’un show télévisé, Sepp Maier s’est également converti en David Copperfield faisant, entre autres, disparaître son assistante. Une anecdote pour le moins magique…
– Sur les 14 années qu’il a passé au Bayern Munich, Maier n’a manqué que trois journées de championnat, durant la saison 1965/66 : les 10ème, 11ème et 34ème journées. Maier a disputé 422 matches consécutifs avec le Bayern en 13 ans, un record en Bundesliga.
– Sepp Maier est l’un des premiers gardiens de but à avoir expérimenter les gants à base de mousse et de gomme, une innovation pour l’époque.
– Il a écrit plusieurs ouvrages auto-biographiques mais également sur le travail d’entraîneur : Artist der Nation (“Artiste de la nation”) en 1978, Ich bin doch kein Tor (“Je ne suis pas un but”) en 1980, Super-Torwart-Training (“Super entraînement pour les gardiens”) en 1990, Mit Spaß zum Erfolg. Torwart-Training (“Combiner plaisir et succès. Entraînement pour les gardiens”) en 2000, ou encore Wer mit dem Ball tanzt (“Danse avec la balle”) en 2000.
Palmarès
– Vainqueur de la Coupe du Monde avec la RFA (1974)
– Vainqueur du championnat d’Europe avec la RFA (1972)
– Vainqueur de la la coupe Intercontinentale avec le Bayern Munich (1976)
– Vainqueur de la C1 avec le Bayern Munich (1974, 1975 et 1976)
– Vainqueur de la C2 avec le Bayern Munich (1967)
– Champion d’Allemagne de l’ouest (1969, 1972, 1973, 1974)
– Vainqueur de la Coupe d’Allemagne de l’ouest (1966, 1967, 1969, 1971)
Distinctions personnelles
– Élu footballeur allemand de l’année à 3 reprises (1975, 1977, 1978)
– Élu meilleur gardien allemand du XXe siècle
– Nommé au FIFA 100
– Intronisé au Hall of Fame du sport allemand en 2014
Photo de couverture : FOCUS