Gardien charismatique, colérique mais également remarquable tireur de coup franc, vous le reconnaissez ? Non ? Voici quelques indices pour vous aider : paraguayen, huitièmes de finale de Coupe du Monde en 1998 ? Vous avez trouvé ? Chilavert ? Bingo ! L’homme qui a effrayé tout un peuple en 1998, gardien génial au palmarès bien fourni avec 12 trophées également reconnu pour ses coups de gueule, son comportement qui intimidait les adversaires mais aussi ses déboires et un physique variable (85kg au summum de sa carrière, 115kg dans les moins bons, pour 1M88). Main Opposée vous propose de revenir sur la carrière de l’un des plus grands gardiens du XXème siècle, José Luis Chilavert.
Chilavert reste dans les mémoires pour sa réussite lors des coups de pieds arrêtés, et quand on lui demandait pourquoi il les tirait, la légende paraguayenne répondait qu’il fut marqué par la merveille de coup-franc du péruvien Cubillas lors de la Coupe du Monde 78 lors de la rencontre opposant le Pérou à l’Ecosse. “Quand j’ai vu ce but, j’ai décidé de tirer moi aussi les coup-francs ». Lors des rencontres entre copains au Paraguay, José Luis enfant jouait attaquant. C’est en jouant en compagnie de son grand frère qu’il occupa les cages. Son aîné l’obligea à jouer dans les buts pour le protéger : « Je ne veux pas qu’ils te cassent ». Par ces mots le destin de Chilavert fut bouleversé. Ce dernier ne quitta plus jamais ses cages chéries.
Une expérience d’attaquant qui lui fut utile lors de sa carrière : “Normalement, c’est le moins bon joueur, le plus gros ou alors celui qui apporte le ballon que l’on met entre les poteaux. Pour ma part, le fait d’avoir joué attaquant m’a beaucoup aidé, car j’étais capable de frapper la balle fort et des deux pieds.”concéda Chilavert.
Celui que l’on surnomme « El bulldog » justifia son jeu spectaculaire et notamment sa capacité à marquer sur les coups de pieds arrêtés. “Au début, beaucoup de gens étaient contre ma façon de jouer. Au Real Saragosse en 1988, quand les supporters me voyaient sortir balle au pied, ils me criaient de revenir vers mon but. Mais si vous avez un gardien qui a une bonne frappe, pourquoi ne pas vous en servir ? Un peu plus tard, j’ai commencé à vraiment travailler les penalties et les coup-francs, et on a fini par me les confier.” Résultat, il est le second gardien le plus prolifique de l’Histoire du football avec 62 buts en carrière (avec 8 buts en équipe nationale dont 4 lors des qualifications de la Coupe du Monde 2002). Il est seulement devancé par le légendaire portier brésilien Rogerio Ceni, auteur de 64 buts sur coup-franc (132 au total).
Après un court passage en Espagne au Real Saragosse, José Luis retourne en Amérique du Sud et rejoint le club argentin du Velez Sarsfield où il va devenir une légende du club. Il devient rapidement la coqueluche des supporters qui l’adulèrent alors pendant 9 saisons. Le portier paraguayen va garnir son palmarès chez les bleus et blancs. Sous les ordres de Carlos Bianchi, le club de Buenos Aires va remporter les trophées les plus prestigieux. Entre 1991 et 2000, Chilavert remporta 3 titres de champion d’Argentine, mais surtout la Copa Libertadores en 1994.
En effet, en finale de la ligue des champions sud-américaine, Velez est opposé au club brésilien de Sao Paulo. Après avoir disposé 1-0 des brésiliens lors de la finale aller, les coéquipiers de Chilavert s’inclinent sur le même score au Brésil. Dès lors, le titre se dispute aux tirs aux buts, un exercice qui va contribuer à faire la légende de Chila. Il parvient à stopper un penalty brésilien puis marque sa tentative, suffisant pour offrir au club argentin sa première Copa Libertadores. Forts de leur succès, les joueurs de Carlos Bianchi enchaînèrent avec une victoire en coupe intercontinentale face au Milan AC la même année.
Dès lors, Chila se révèle aux yeux du monde entier et est élu meilleur gardien par la FIFA en 1995, 1997 et 1998. Outre le fait d’être reconnu comme l’un des meilleurs gardiens du monde, Chilavert est élu meilleur joueur sud américain en 1996 succédant à Enzo Francescoli, l’idole d’un certain Zinedine Zidane.
Reconnu sous les couleurs de son club, Chilavert va devenir une star mondiale grâce à ses performances avec sa sélection nationale. En 1998, il participe pour la première fois à la Coupe du Monde organisée en France. Capitaine de sa sélection José Luis donna des sueurs froides à tout un pays.
Après avoir terminé deuxième d’une poule composée de l’Espagne, du Nigeria et la Bulgarie, les Paraguayens prennent la direction de Lens pour affronter le pays hôte en huitièmes de finale et Chilavert va hanter les esprits français. Au fil des arrêts du portier paraguayen, les supporters présents dans les tribunes de Bollaert commencent à imaginer le pire. À la 114ème minute, Laurent Blanc profite d’une déviation de Trezeguet pour pousser le ballon au fond des filets. Un but en or qui met fin au parcours héroïque des joueurs paraguayens effondrés sur la pelouse.
En capitaine exemplaire, José Luis va relever un à un ses coéquipiers terriblement déçus. Chilavert en profite pour leur glisser quelques mots : « Je leur disais que j’étais fier d’avoir des partenaires comme eux, tombés comme des guerriers. La France a eu sa dose de chance ce jour-là, mais ce fut un beau champion. Le football paraguayen a gagné, lui, un respect à l’international. À notre retour à Asunción, il y avait 40 000 personnes à l’aéroport, c’était merveilleux. Cette campagne a été la base d’une grande période, puisqu’on a disputé quatre mondiaux de suite [de 1998 à 2010]. »
Une belle prestation qui lui vaut l’admiration de ses homologues français. « Fabien [Barthez] est venu me prendre dans les bras et me féliciter pour mon match. Il m’a demandé mon maillot. Bernard Lama est venu ensuite me le demander également. Ils sont venus dans notre vestiaire pour que je leur en donne un chacun. Ce sont deux immenses gardiens. Fabien est gaucher tout comme moi et il avait aussi du ballon. C’est l’un des meilleurs gardiens au monde. Bernard était un guépard, un lynx, très agile.»
Les prestations de Chilavert crèvent l’écran en France. Dès lors, il rejoint l’hexagone en 2000 en signant au Racing Club de Strasbourg.
Incontournable en Amérique du sud, il cède aux sirènes européennes et rejoint le club alsacien en 2000 pour une somme conséquente (5 millions d’euros, ndlr) pour un portier de 35 ans. Il est alors le plus gros salaire du club alsacien. Une arrivée qui n’est pas vue d’un bon œil par le vestiaire strasbourgeois. En effet, il n’est pas apprécié par une partie de ses coéquipiers alsaciens qui n’ont pas digéré l’éviction de Thierry Debès. Il enchaîne les excès, sa forme physique laisse à désirer pour un sportif de haut niveau. Conséquence, il ne parvient pas à reproduire ses exploits de 98 sous la tunique strasbourgeoise, ses interventions sont plus lentes, plus difficile de bouger quand on pèse plus de 100 kilos.
Toutefois, Chila reste Chila, et malgré des prestations décevantes, le dernier rempart paraguayen contribue à la victoire strasbourgeoise en Coupe de France face à Amiens aux tirs aux buts, en 2001, finale durant laquelle son charisme joue incontestablement sur le mental des tireurs amiénois. Une nouvelle fois il offre un trophée à son club après de nouvelles prouesses dans l’exercice. Il marque le tir décisif et arrête plusieurs tentatives.
Une victoire en Coupe de France qui resta malheureusement son unique coup d’éclat de sa carrière strasbourgeoise avant son licenciement lors de la saison 2001/2002.
Afin d’oublier son aventure strasbourgeoise avec ses compatriotes paraguayens, Chilavert rejoint le Japon et la Corée du Sud pour disputer la Coupe du Monde 2002. Il connaît plus de difficultés que lors du mondial français. Lors de la phase de poule, il manque une sortie et Fernando Morientes en profite pour marquer. En huitièmes, il est éliminé par l’Allemagne malgré une grosse performance
Malheureusement le Chila du XXIème siècle n’a plus rien à voir avec le merveilleux Chila des années 90.
Après le mondial 2002, le portier paraguayen rentre en Amérique du Sud et rejoint le club uruguayen du Penarol Montevideo pour une seule saison durant laquelle il glane un titre de champion d’Uruguay. Alors âgé de 38 ans, il repose ses bagages du côté de l’Argentine sous les couleurs du Velez Sarsfield, pour une ultime saison. Malgré sa fin de carrière passé dans l’anonymat, le dernier rempart de la sélection paraguayenne continue de faire parler de lui en extra-sportif.
Gardien spectaculaire, “El Buldog” reste un personnage pour le moins excentrique avec des anecdotes pour le moins farfelues. Il organise en effet un match d’adresse et de puissance sur un ring. Original, non ? Mais quand on connaît le spécimen on est pas vraiment étonné. Le Paraguayen invite 3 champions de sports de combat: la légende britannique Lennox Lewis, le Kickboxer Ernesto Hoost et le champion français de Taekwendo Pascal Gentil. Les règles sont originales : chaque individu à son tour frappe le ballon, de la main ou du pied, afin de mettre KO son adversaire. Devinez qui élimine ses adversaires les uns après les autres ? Bien évidemment, c’est ce bon vieux Chilavert qui, grâce à ses réflexes de gardien de but, repousse toutes les tentatives de ses adversaires.
Lorsqu’il revient au pays, Chilavert ne cesse de provoquer, faire des déclarations misogynes. Au-delà de ce comportement sulfureux, il enchaîne les déboires, démêlés avec la justice ou autres amendes et accrochages sur le terrain avec ses adversaires.
Désormais, l’ancien portier de la sélection paraguayenne rêve de devenir président de son pays. Ses modèles sont Bolsonaro (récemment élu à la tête du Brésil) et Trump. Pas vraiment des équivalents de Gandhi et Martin Luther King. Auteurs de quelques coups de gueule mémorables à l’encontre des dirigeants du football mondial, Chila ne laisse personne indifférent. Tantôt adulé, tantôt craint, tantôt détesté, sa personnalité et son parcours en font l’un des plus grands gardiens du continent sud-américain.
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Photo de couverture: Foxsports