Postérisé. En France, genou à terre, il est le gardien qui regarde le dernier but de Petit entré dans son petit filet un soir de Juillet 98. Au Brésil, genoux à terre également mais regard vers le ciel, il est le portier qui offre aux Auriverdes leur 4ème coupe du Monde en 1994. Quelque soit le pays, Taffarel est une figure majeure des gardiens avec ses 3 coupes du monde disputées et son étiquette de plus grand gardien brésilien du XXème siècle. 30 ans avant Alisson (Liverpool) et Ederson (Manchester City), plongeons dans la hype Cláudio Taffarel.
Enfant, le petit Cláudio Andre Mergen Taffarel a deux passions : le football et l’armée. Il rêve de devenir militaire comme ses six oncles engagés dans l’armée. Cependant, dans cette famille descendante d’immigrés italiens et allemands, le football n’est jamais loin. Il joue pour le club de sa ville Crissiumal, de l’état du Rio Do Sul à la frontière avec l’argentine. Dans ce club, il est intégré à deux équipes : l’une comme attaquant et l’autre comme gardien de but, “pour se reposer” selon son coach. Il est repéré en tant que dernier rempart à l’âge de 18 ans par l’un des plus grands clubs de la région : le SC International de Porto Alegre. Il intégre l’équipe U20 pour la saison 1984-85.
Très vite, son calme et son charisme impressionnent au sein du club et au sein de la Fédération. Il est convoqué en 1985 pour la coupe du monde des moins de 20 ans que le Brésil remporte. Dans le même temps, il devient numéro 1 de l’équipe première à l’aube de la saison 85 – 86, à l’âge de 19 ans.
Il joue titulaire pendant 4 ans au SC Internacional. Il dispute deux finales du championnat brésilien, qu’il perd. Malgré ces défaites, il est considéré comme un crack. Il gagne 2 trophées de meilleur gardien et remporte même le ballon d’or brésilien en 1988, trophée habituellement promis aux joueurs offensifs. Ses longs bras et ses réflexes lui permettent de faire des arrêts spectaculaires sous la barre ou au coin du poteau. De plus, sa bonne technique de gardien donne confiance à ses entraîneurs.
C’est naturellement qu’il intègre comme gardien remplaçant la Seleção et qu’il dispute les Jeux Olympiques de Séoul en 1988. C’est lors de ces JO que Taffarel va commencer à écrire sa légende de sauveur de la Seleção. En demi-finales, face à l’Allemagne de l’Ouest, il sort 3 pénalties. Le premier en prolongations, puis les 2 autres lors de la séance de tirs au but qui envoie le Brésil en finale (oui eux savaient battre les allemands en demies dans les 80’s…).
Les brésiliens perdront en finale contre l’URSS. Néanmoins, c’est après ce tournoi que Taffarel devient numéro 1 incontesté en sélection et jouera la Copa Amrica 89 et la Coupe du Monde 1990 en Italie. Une place qu’il gardera 10 ans.
Après sa première coupe du monde, il s’engage en Italie avec Parme dans le championnat le plus relevé de l’époque. Pour les deux parties, c’est un gros pari. D’une part, pour le club, à l’époque pré-arrêt Bosman où les clubs n’ont le droit qu’à 3 étrangers par équipe, engager un gardien “bloque” une place pour un joueur de champ. D’autre part, Taffarel est le tout premier gardien brésilien à jouer dans le Calcio. Il ouvrira la voie pour d’autres illustres brésiliens comme Dida ou Alisson par exemple. Taffarel remporte en 3 ans la coupe d’Italie 92 et la coupe des coupes 93. Il réalise également un grand geste avec sa femme. Lors d’une tournée avec Parme dans le nord du Brésil, il adopte 15 enfants pauvres, en plus des deux qu’il a. Cette générosité s’exprime aussi dans sa foi en tant qu'”Athlète du Christ” qui le pousse à reverser une partie de ses revenus à l’Eglise.
Malgré ces titres, en 92-93 Taffarel joue moins. L’arrivée de plusieurs joueurs de champ étrangers dans l’équipe comme le suédois Brolin pousse les entraîneurs à privilégier un gardien italien. Sa place de titulaire en Seleção pour le Mondial 94 en péril, Taffarel, en toute intelligence et humilité, demande à être prêté au promu Regianna pour la saison 93/94. “Cela m’a permis d’être mis en danger tous les week-ends afin de montrer mon talent et d’arriver prêt pour la coupe du monde” explique-t-il. Regianna obtient son maintien en Série A lors de la dernière journée sur la pelouse du Milan AC en gagnant 0-1. Taffarel sort même un missile de Massaro à la 87ème minute, arguant l’intervention d’une “main de Dieu”. Beau prémisse de la Coupe du Monde 94.
Suite à son titre de champion du monde 94, Taffarel rompt son contrat avec Parme, qui lui préfère un certain Gianluigi Buffon dans l’effectif. Il reste 6 mois sans club et joue des matchs pour l’équipe de sa paroisse en Italie, comme libéro. Suite à cette pause, il retourne au Brésil en Janvier 95 pour s’engager avec l’Atlético Mineiro. Accueilli comme une idole, il défile pendant 3 heures dans la ville. Il reste 3 ans et retrouve la forme pour la coupe du monde 98. Au moment de son départ, il écrit lui-même une lettre aux supporters pour expliquer les raisons de son départ : ses envies d’Europe et un conflit avec la nouvelle direction.
Il est contacté par le PSG mais le retour de Bernard Lama d’Angleterre fait échouer le deal. Il s’engage alors à Galatasaray, en Turquie. Il évolue dans une équipe talentueuse (Hakan Sukur, Hagi, Popescu) qui gagnent 2 championnats mais surtout la Coupe de l’UEFA 2000.
Galatasaray gagne la finale face au grand Arsenal (époque Henry, Vieira, Petit) à l’issue la séance de tirs au but. Taffarel est élu homme du match pour son réflexe exceptionnel au second poteau sur une tête d’Henry lors des prolongations. La lecture du jeu est le secret de Taffarel pour rester au top à 34 ans.
Suite à cette expérience en Turquie, il finit sa carrière en Italie. Il revient à Parme et remporte la coupe d’Italie en 2002 puis finit sa carrière à Empoli.
Comme nombre de ses confrères sud-américains, sa carrière de club en Europe a été bonne sans être exceptionnelle. Tout le contraire de sa carrière avec la Seleçao.
Suite à son installation comme numéro 1 des Auriverdes en 1988, Taffarel remporte la Copa America 1989 à domicile contre…l’Uruguay. Cette victoire 1-0 efface un peu le traumatisme de 1950 du Maracana. Malgré cette victoire, un an plus tard, le Mondiale italien 1990 est vécu comme un échec. Le Brésil est stoppé dès les huitièmes de finale par la doublette argentine magique Maradonna – Caniggia. La Seleção doit se reconstruire, Taffarel sera un pilier de cette reconstruction.
Pour la World Cup 94 aux Etats-Unis, fini le romantisme, le Brésil de Carlos Alberto Parreira s’appuie sur une défense solide commandée par Taffarel, un milieu cohérent avec Dunga et surtout sur 2 flèches de devant : Romario et Bebeto. A 28 ans, Taffarel est en pleine force de l’âge et son bon jeu au pied le fait briller suite à l’interdiction de prendre à la main sur les passes en retrait. Il ne prend que 3 buts lors de la compétition et le Brésil accède à la finale.
C’est lors de cette finale que le portier brésilien connaît son plus grand moment de gloire. C’est une finale fermée (0-0) qui se termine aux tirs aux buts sous le soleil de plomb de Los Angeles. Taffarel détourne le penalty de Massaro (comme on se retrouve) et les deux stars italiennes Baggio et Baresi envoient leurs penaltys au-dessus. Son image agenouillée sur la pelouse les doigts vers le ciel à la fin de la séance reste l’une des images fortes du sacre brésilien.
4 ans plus tard les champions en titre arrivent grandissime favoris en France avec l’émergence d’une équipe offensive autour d’un mutant : Ronaldo. L’année précédente ils remportent la Copa America 97. Lors de la compétition la Seleção prend beaucoup de buts, 10 au total. Elle perd même un match en poules contre la Norvège. Taffarel commence à faire ses 32 ans et est moins explosif.
Cependant c’est face aux Pays-Bas de Van Der Sar en demi-finale que Taffarel va réaliser son meilleur match. Dans un vélodrome bouillant, le match est accroché. Taffarel sort un réflexe exceptionnel main droite sur une frappe puissante de Kluivert en deuxième mi-temps. Cependant c’est encore aux tirs au but que le match va se jouer et que la légende du portier brésilien va s’écrire.
Il sort tout d’abord sur sa gauche le penalty de Cocu. Cet arrêt fait bondir la voix du commentateur brésilien Galvão Bueno durant 30 secondes avec un célèbre “Sai, sai, sai que é sua TA-FFA-REL !”, littéralement “il la sort, ça c’est mon Taffarel !”. Un peu le “Second poteau Pavard” brésilien. Enfin, il détourne encore le dernier penalty d’Overmars pour envoyer le Brésil en finale.
Quel était son secret sur les pénaltys alors qu’il était “le moins bon à l’entraînement”? Peut-être le sens des responsabilité mais surtout du rythme. Contrairement à beaucoup de gardiens qui plongent avant la frappe ou même un peu après, Taffarel est toujours dans le bon tempo. En voici une compilation :
Malheureusement en finale, la gestion désastreuse des corners des brésiliens et le très bon match des Bleus, empêche un deuxième sacre d’affilé. Suite à ce match, Taffarel prend sa retraite internationale après 103 sélections et surtout 18 matchs de Coupe du Monde joués.
Etre un exemple et transmettre
A la fin de sa carrière Taffarel refuse d’organiser son jubilé car ce serait “trop clinquant” pour lui. Il devient agent de joueurs pendant 8 ans. Cependant l’appel du terrain et sa volonté de transmettre l’emportent. Il devient entraîneur des gardiens à Galatasaray en 2012 et du Brésil en 2014. Son principal poulain est Alisson Becker le gardien de Liverpool dont il était l’idole.
Que retenir de Cláudio Taffarel ? Un style fait de légèreté et de technique mais surtout un exemple pour beaucoup de gardiens évoluant aujourd’hui dans le monde du football. Il restera à jamais le gardien mythique de la belle Seleção des années 90 sur tous nos posters d’enfants.
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