Die Welt : « Une figure culte doit avoir des défauts, elle ne peut pas être parfaite. Dans ce sens, les erreurs peuvent aider. Le week-end dernier, vous en avez commis une. »
Manuel Neuer : « Croyez-moi, j’aurais préféré éviter ça. Commettre des erreurs est humain, mais parfois il y en certaines qui continuent de me déranger. Cependant, je ne serai pas le gardien que je suis sans ces erreurs. Prendre des risques fait parti de mon boulot. À cause de ça, j’aurais l’air ridicule par moment, mais souvent, c’est grâce à ça que je fais beaucoup d’autres arrêts. »
Et des arrêts, il en aura fait. Aujourd’hui au crépuscule de sa carrière, nul doute que le nom de Manuel Neuer traversera les âges, et résonnera pour toujours dans les mémoires. Parfait sur sa ligne, dans ses sorties, son jeu au pied, Neuer représente le gardien ultime du 21ème siècle. Un humain qui, pendant de brefs instants, a semblé infranchissable.
Né d’un père policier et d’une mère femme de ménage le 27 mars 1986, Manuel Neuer grandit dans le Gelsenkirchen, l’ancien bassin minier de la Ruhr, et se passionne très rapidement pour le football.
Premier ballon à 2 ans, Neuer jouera son premier match 21 jours avant son cinquième anniversaire. Une précocité qui s’explique par une passion familiale pour le football et pour le club de sa ville, Schalke 04. Il intègre Gesamtschule Berger Feld, une école de sport étude basé à Gelsenkirchen, aux abords de la Veltins Arena, et dans laquelle il côtoie notamment deux de ses futurs coéquipiers en sélection nationale, Mesut Ozil et Benedikt Howedes.
Son parcours au sein des sections juvéniles du FC Schalke n’a pas été un long fleuve tranquille, notamment en raison de sa petite taille jusqu’en catégorie U17. Le club songe même à s’en séparer. Un épisode synonyme de déclic durant sa jeunesse. Il intègrera progressivement l’équipe première lors de la saison 2006-2007, faisant ses débuts et terminant la saison numéro 1 de la hiérarchie. Une première saison chez les professionnels idyllique qui s’achèvera par le titre de meilleur gardien du championnat.
« J’étais juste heureux d’entendre le coup de sifflet final, j’ai couru vers les supporters et le poteau de corner était là. J’étais au Park Stadium en 2001, et j’ai vécu ce moment horrible où on a été champion pendant quatre minutes et demi et cette célébration d’Oliver Kahn à la fin du match. Je pense que c’est une petite compensation pour tous les fans de Schalke »
Une image qui reflète à merveille ce que cela peut représenter pour Manuel Neuer de porter les couleurs de ce club. Lui qui a eu son premier abonnement à 13 ans, lui qui a chanté avec les fans dans le virage, aujourd’hui c’était son nom que l’on scandait.
Il aura porté les couleurs du club 203 matchs durant, remportant une coupe d’Allemagne en 2011. Cette même saison, où il atteignit les demi-finales de la Champions League, Manuel Neuer fera dire à Sir Alex Ferguson en conférence de presse d’après-match : « C’est peut-être la meilleure prestation d’un gardien de but que j’ai vu de ma carrière. »
À la fin de la saison, Manuel Neuer se décide à franchir le cap, et signe au Bayern Munich contre un chèque de 25 millions.
Son transfert ne passe pas inaperçu, les supporters de Schalke ne lui pardonnent pas l’affront et il n’est pas très bien accueilli en Bavière. Il aura besoin de moins de quatre mois pour remettre les choses à l’endroit, franchissant la barre des 1000 minutes sans encaisser de but, battant le record d’invincibilité d’Oliver Kahn.
Avec le Bayern, Neuer remplira son armoire à trophées avec notamment le triplé Championnat-Coupe-LDC en 2013, mais profitera surtout de l’arrivée de Pep Guardiola sur le banc du Bayern pour devenir la référence qu’il est, intronisant l’ère des nouveaux gardiens : le Sweeper-Keeper.
Après avoir remporté en 2009 le championnat d’Europe espoirs, il obtient sa première sélection le 2 juin 2009 contre l’équipe des Emirats Arabes Unies et se voit propulser numéro 1 par Joachim Low lors de la coupe du monde 2010. Demi-finaliste malheureux lors de cette même coupe du monde ainsi que lors de l’Euro suivant, Neuer arrive au Brésil en 2014 au sommet de sa forme. Il est l’homme fort de l’Allemagne championne du monde, enchaînant les prestations de haut vol, faisant même croire à Bixente Lizarazu et Hervé Mathoux que c’est le poteau qui a arrêté la frappe de Benzema.
Meilleur gardien de football de l’année en 2013, 2014 et 2015, Neuer aura marché sur la lune, mais n’aura pas réussi à succéder à Lev Yachin au panthéon, finissant 3ème au Ballon d’or en 2014 derrière les ogres Messi et Ronaldo.
« Depuis tout petit, mes entraîneurs m’en parlaient (Nervenstärke) et ce que cela représente pour un gardien. C’est un truc mental, à n’importe quel moment, peu importe ce qui s’est passé, tu repars de zéro. Tu restes calme. Tu ne ressasses pas les erreurs. »
Pour Neuer, Nervenstärke est une qualité que le gardien possède mais peut aussi dégager, dans deux cas de figures. Une partie étant réservée à ses coéquipiers : « Nervenstärke signifie que peu importe la situation, je dois montrer à mes coéquipiers que je reste prêt et confiant. »
Et puis il y a l’autre partie, celle réservée à ses rivaux, avant un penalty par exemple : «Le plus important, c’est que je dois être confiant et le montrer à mon adversaire. Je dois lui montrer qu’avant même qu’il ait tiré son penalty que j’attraperai la balle, que je l’ai déjà. »
Le secret de la réussite, tout dans la tête, le mental. Manuel Neuer connaît une période moins faste, avec une saison 2017-2018 plombé par les blessures et une coupe du monde 2018 à l’image de sa sélection, décevante. Nul doute que Neuer aura besoin de son Nervenstärke pour reprendre des couleurs et reconfirmer à ses détracteurs qu’il est probablement, bien qu’il soit toujours difficile de comparer les époques et que ce titre honorifique dépende bien évidemment des critères de chacun, le meilleur gardien de tous les temps.
Photo de couverture : Paris Match