Un point blanc à 11m du but, un gardien, un tireur: voilà les ingrédients d’un cocktail explosif qui provoque de grandes émotions. Les tirs au but sont dignes des scénarios des plus grands films du 7ème art. Un long métrage dramatique pour les uns, héroïques pour les autres où les gardiens de buts raflent la palme d’or. À l’heure des sagas d’été Main Opposée vous propose de revenir sur les penaltys et séance de tirs aux buts les plus mémorables dans l’Histoire du football.
Pour ce premier épisode, la rédaction de MO s’intéresse aux spécialistes de cet exercice, craints par leurs adversaires, ces gardiens se sont fait remarquer par des statistiques impressionnantes comme celles de Yashine avec près de 150 tirs aux buts arrêtés durant sa carrière. Ces portiers sont maîtres dans l’analyse de la course d’élan, dans l’interprétation de l’attitude du joueur adverse, ils sont capables de véritables coups de bluffs afin de déstabiliser le buteur. Voici deux des plus grands artistes dans l’exercice du penalty.
Spécialiste N°1 : Mickaël Landreau
Il est sans doute le meilleur gardien français dans ce redoutable exercice. Le recordman de matchs disputés en L1 (618 rencontres) est parvenu à arrêter 39 tentatives durant sa carrière professionnelle. Il a su par son observation minutieuse repousser les tirs aux buts de grands joueurs comme Pauleta, Juninho ou bien la fameuse tentative de Ronaldinho. Retour sur les penaltys qui ont construit la légende Landreau.
Péno N°1 : Saison 1996/97 Bastia-Nantes, Penalty de Moravcik
Le 2 octobre 1996, pour la 10ème journée de championnat, Nantes se déplace à Furiani pour affronter le SC Bastia. L’entraîneur nantais de l’époque, le célèbre Jean Claude Suaudeau décida de titulariser Mickaël Landreau alors âgé seulement de 17ans. Un baptême du feu pour le moins agité pour le jeune gardien Nantais. À la 36ème minute du match le jeune portier Canaris fauche Jézierski. L’arbitre de la rencontre désigne alors le point de penalty. Un premier face à face déterminant pour la suite du match (score de 0-0) qui va forger la force de caractère du gardien Nantais. Le coup de sifflet retentit, Landreau prend la décision de plonger sur sa droite et parvient à repousser la tentative de Moravcik. Un premier exploit retentissant pour le gardien originaire de Machecoul.
Premier match pro, premier penalty stoppé : une performance qui forgea sa réputation de spécialiste dans ce domaine.
Péno N°2: Saison 2002/2003, 16ème de finale de CDL, 8 décembre 2002, Landreau vs Ronaldinho un coup de bluff remarquable.
Nous sommes à la 82ème minute du match, le FC Nantes mène 3 buts à 2 face au Paris Saint Germain, les supporters du Parc des Princes craignent l’élimination mais reprennent espoir lorsque l’arbitre de la rencontre Bruno Coué siffle un penalty pour le PSG.
Dès lors, Ronaldinho la star brésilienne de l’effectif parisien s’empare du ballon et s’en va le placer sur le point de penalty. C’est à ce moment que le capitaine Nantais surprend tous les acteurs de la rencontre en se décalant sur sa droite laissant alors son côté gauche ouvert.
Une décision qui interloque ses coéquipiers notamment Olivier Quint. Interrogé par 20Minutes, il déclara : « On a tous été forcément surpris et on s’est dit : “mais qu’est-ce qu’il nous fait encore?!”».
Une prise d’initiative qui permet au gardien Nantais de dominer le rapport psychologique avec le brésilien. L’inquiétude peut se lire sur les visages des coéquipiers du parisien comme le raconte l’arbitre de la rencontre Bruno Coué: “Je n’avais encore jamais vu une telle intimidation. Quand Landreau s’est décalé à droite, il y avait de l’inquiétude chez les joueurs parisiens. Certains m’ont demandé s’il avait le droit. Je leur ai répondu qu’il pouvait se mettre où il voulait. Je pense qu’ils étaient même prêts à poser une réserve…”
En bon joueur de Poker qu’il est Mickaël Landreau prend un risque plein de culot face à l’un des meilleurs joueurs de l’époque. Un geste pour le moins osé mais bien réfléchit comme l’indique le principal intéressé lors d’un entretien avec le journal 20Minutes:
« J’y avais réfléchi dans l’après-midi. J’avais analysé les penaltys de Ronaldinho et surtout sa personnalité. Il était toujours très joueur. Pour rentrer dans ce défi, ça ne pouvait être qu’un penalty décisif. Je n’ai donc pas hésité quand l’arbitre a sifflé, il restait une dizaine de minutes. Je suis rentré dans son jeu… Lui, il fallait qu’il soit joueur, mais décisif aussi.»
Un jeu de poker menteur remporté par le portier des canaris qui parvient à capter la tentative du fantasque brésilien. Comme l’avait prévu Landreau, Ronaldinho tomba dans le piège tissé par le portier nantais, le brésilien frappa le ballon sur le côté droit de Landreau et non sur le côté gauche ouvert. Ce coup de génie démontre l’importance du rapport psychologique dans ce genre de face à face, Ronaldinho fut incité de tirer sur le côté choisit par Landreau, le tireur n’était pas maître de son choix.
Dans les tribunes les supporters parisiens sont médusés et assistent incrédules à l’élimination de leur équipe fétiche, un exploit qui accroît encore un peu plus la cote d’amour de Mickaël Landreau auprès des supporters nantais.
Péno N° 3 : Saison 2003/2004 demi finale CDL, NANTES VS AUXERRE
Mardi 3 février 2004, stade de la Beaujoire, Nantais et Auxerrois s’affrontent pour une place en finale de la coupe de la ligue. Les deux équipes ne sont pas parvenues à se départager au terme du temps réglementaire et des prolongations. C’est la fatidique séance des tirs au but qui va décider de l’issue de la rencontre.
Une nouvelle fois Landreau joue un rôle décisif et endosse le costume d’héros dans cette séance. Le deuxième tireur auxerrois Djibril Cissé s’élance et voit sa puissante frappe axiale repoussée par son coéquipier en équipe de France espoirs, la Beaujoire exulte. Toutefois un coup de sifflet retentit, penalty à retirer car Landreau avait quitté sa ligne avant la tentative de la star auxerroise. Ce dernier retente sa chance une seconde fois et place le ballon dans le petit filet droit de Mickaël Landreau qui ne peut qu’effleurer le ballon.
Philippe Violeau, alors troisième tireur auxerrois se présente face à un Mickaël Landreau revanchard. Le portier nantais se détend sur sa droite, repousse d’une main ferme la frappe du joueur auxerrois et fait lever la tribune Loire. Dans l’euphorie générale Landreau plonge sur sa gauche repousse la tentative de Radet mais bis repetita l’arbitre de touche lève son drapeau. Une fois de plus le corps arbitral sanctionne le gardien nantais pour ne pas être resté sur sa ligne, une décision jugée sévère par le principal intéressé, Radet parvient à réussir sa seconde tentative.
Le score est de 4 partout dans cette séance, c’est au tour du 5ème tireur nantais de s’élancer afin d’envoyer les jaunes et verts au stade de France. Le tireur désigné n’est rien autre que Mickaël Landreau, il s’élance et loge la balle dans la lucarne droite du portier auxerrois. Le peuple nantais exulte et fête son héros.
Le nouvel entraîneur de Lorient s’est distingué tout au long de sa carrière par de nombreux exploits dans l’exercice du penalty notamment sous le maillot Nantais. Toutefois les supporters Nantais se souviennent encore de la finale de la coupe de la Ligue en 2004 face à Sochaux avec la fameuse panenka manqué, armé vous de patience chers lecteurs nous développerons cet événement dans un prochain épisode.
Spécialiste N°2 : Diego Alves
Quel est le point commun entre Messi, Ronaldo, Griezmann, Mandzukic, Rakitic, Bacca et Diego Costa ? Ils ont tous vu leur penalty repoussé par Diego Alves, un tableau de chasse pour le moins prestigieux. Le portier brésilien est un véritable cauchemar pour les tireurs adverses, une réputation qui se traduit dans les chiffres. En effet, l’actuel gardien de Valence a réalisé 23 arrêts sur 50 penaltys depuis le début de sa carrière toutes compétitions confondues. En Liga il a stoppé 21 penaltys sur 46 tentatives soit un ratio de près de 45% de réussite ce qui fait de Diego Alves le recordman dans ce domaine dépassant Andoni Zubizarretta (16 arrêts sur 103 penaltys). Quel est le secret du portier brésilien?
La réussite de Diego Alves dans ce domaine réside principalement dans l’approche psychologique, mentale de l’exercice. En effet, le penalty est avant tout un dialogue entre deux protagonistes qui interprètent les faits et gestes de chacun. Le gardien avant tout interprète la prise d’élan et le langage corporel, puis il communique avec le tireur par son placement et sa posture. Diego Alves effectue cette démarche afin de prendre l’avantage sur son adversaire dans ce face à face. Palop ancien gardien de Valence et de Séville s’est exprimé sur cette facette de Diego Alves au média Valencian Super Deporte: « Alves essaye également de remporter ce duel. Il montre sa sécurité et sa tranquillité, il fait sentir à l’attaquant qu’il va arrêter son penalty, qu’il est conscient de sa qualité. Les penaltys sont un moment de responsabilité maximale pour le tireur, mais le gardien n’a pas cette pression. »
2 octobre 2016 : Diego Alves puissance 2
Valence reçoit l’Atlético Madrid au stade Mestalla pour la 7ème journée de championnat. Une nouvelle fois, le gardien brésilien démontre toute sa science et sa classe dans l’exercice des penaltys. A la 44ème minute de jeu les supporters valencians se lèvent une première fois pour acclamer leur héros brésilien qui vient de repousser la tentative d’Antoine Griezmann. Un arrêt pour le moins spectaculaire où le gardien du club “Ché” déploya son corps sur sa droite et sortit la frappe à Mi-hauteur de la star française avec une splendide main opposée.
A la 69ème minute de jeu l’arbitre de la rencontre indique une nouvelle fois le point de penalty sous les huées du stade Mestalla. Toutefois pas de panique, Diego Alves endosse son costume de Terminator des frappes à 11 mètres. C’est Gabi, le capitaine des Colchoneros qui se saisit du ballon pour défier le spécialiste brésilien. Le joueur de l’Atlético décida de tirer à proximité du poteau gauche de Diego Alves qui une nouvelle fois parvient à stopper en deux temps une frappe au sol. Les supporters et coéquipiers du gardien brésilien jubilent. Malgré cette prestation exceptionnelle l’international Brésilien (10 sélections) ne peut empêcher la défaite de son équipe.
2009- 2017: Diego Alves 3- 1 Cristiano Ronaldo
Diego Alves peut se targuer d’effrayer l’un des meilleurs joueurs du monde lorsqu’il faut botter un penalty. En 4 face-à-face le ballon d’or portugais a trompé seulement une fois le portier brésilien, soit un ratio famélique de 25%. Retour sur les 3 duels remportés par Diego Alves.
Duel N° 1, Real Madrid 4-2 Almeria, 5 décembre 2009:
Pour ce premier face à face, le gardien parvient à piéger la star madrilène. Comme nous pouvons le voir sur la vidéo ci-dessous, à partir de 20 secondes Diego Alves feinte de partir sur sa gauche et décide de plonger sur sa droite. L’attaquant portugais tombe dans le panneau et n’assure pas sa frappe ce qui permet au gardien de but d’Almeria d’intervenir. Malheureusement pour le portier brésilien, Karim Benzema est le plus prompt pour suivre le ballon qu’il pousse au fond des filets.
Duel N°2, Real Madrid 2- 2 Valence, 9 mai 2015:
Ce penalty démontre l’emprise psychologique de Diego Alves sur ses adversaires. Le portier cherche à déstabiliser le portugais mais les joueurs merengues s’interposent pour qu’il ne puisse pas s’approcher de Cristiano. Une tentative vaine car l’attroupement autour de Diego Alves déconcentre le ballon d’or portugais et le portier parvient à parler Ronaldo quand celui-ci place son ballon. Grâce à ce stratagème, Diego Alves est « entré dans l’esprit » du tireur qui subit la pression puisque le Real Madrid est alors mené deux buts à zéro. Cristiano envoie une balle à mi-hauteur sur la droite de Diego Alves qui s’étend et détourne la tentative du numéro 7 madrilène.
Duel N°3, Real Madrid 2-1 Valence, 29 avril 2017:
Ce nouveau face à face illustre l’impressionnante vista du gardien brésilien dans l’exercice des penaltys. Lors de leur précédent affrontement Cristiano Ronaldo avait choisi de placer son ballon sur la droite de Diego Alves. Le portugais décide alors de changer de côté pour tromper le redoutable gardien. Malheureusement pour le merengue, Diego Alves avait anticipé, le portier valencian jaillit vite au sol et parvient à stopper la tentative d’un Ronaldo médusé.
A l’heure actuelle, le gardien de Valence est indiscutablement le meilleur gardien de but de la spécialité. Une efficacité dans cet exercice qui peut s’expliquer par le fait qu’il reste le plus longtemps possible au milieu de son but avec les jambes légérement fléchies. Une réputation de spécialiste qui n’effraie pas l’expérimenté brésilien qui reste modeste : « Je l’ai toujours dit, quand j’arrête des penaltys qui permettent à l’équipe de gagner, ça me réjouit énormément. Mais quand nous perdons, je m’en fous totalement. ». A Valence le gardien ne porte ni costume ni masque, il lui suffit seulement de gants pour protéger los Chés des griffes adverses. Son super pouvoir ? Sauver le peuple valencian dans les 11 mètres des pelouses de Liga.