Nov 19, 1995: Parma 'keeper Gianluigi Buffon (17) marks senior debut against Capello's all-conquering Milan with an impressive clean sheet pic.twitter.com/85UoSRBk22
— Mohamed Moallim (@iammoallim) November 19, 2016
Le 19 novembre 1995, un gamin de 17 ans débute sa carrière professionnelle lors d’un Parme-Milan AC, bénéficiant du forfait du titulaire parmesan, Luca Bucci. Le 24 mars 2017, un gamin de 39 ans achève son 1000ème match professionnel sur un clean sheet face à l’Albanie. Le 23 octobre 2017, un gamin de 39 ans est élu meilleur gardien FIFA de l’année et annonce dans la foulée sa retraite à la fin de la saison. Entre ces trois dates, beaucoup d’autres. Beaucoup de dates et d’histoires qui ont forgé la Légende de Gigi.
Voilà, c’est officiel et pour terminer sur une note positive, tout le monde espère qu’en mai, il remportera le titre qui lui manque, la Ligue des Champions et que son dernier match professionnel sera une finale de Coupe du Monde à la fin de laquelle il soulèvera le trophée avec le brassard accroché au bras. On pourrait alors espérer un Ballon d’Or pour lui. Finir là-dessus pour que Buffon soit définitivement à la place qu’il mérite. Dans les cages de la meilleure équipe de tous les temps.
Son palmarès, en quelques chiffres, donne le tournis. Une Coupe d’Italie en 1999 avec Parme. La même année, une C3, toujours avec le club parmesan. La Serie A, il l’a remporté à 7 reprises, 5 fois la Supercoupe d’Italie, 3 autres Coupe d’Italie, un championnat de Serie B et une Coupe du Monde en 2006. Voilà pour les titres collectifs. Au rayon des distinctions personnelles, il en a remporté des tonnes: Prix Lev Yachine en 2006, meilleur gardien du monde IFFHS en 2003, 2004, 2006 et 2007, gardien européen de l’année pour les mêmes années, meilleur joueur UEFA de l’année en 2003, meilleur gardien UEFA en 2003 et 2017, meilleur gardien de Serie A en 1999, 2001, 2002, 2003, 2004, 2005, 2006, 2008, 2012, 2014 et 2015, le Trophée Bravo du meilleur jeune joueur européen en 1999, meilleur gardien de la décennie 2001-2010 attribué par l’IFFHS, meilleur gardien au monde du 21ème siècle attribué par l’IFFHS, meilleur gardien au monde pour la période 1997 – 2011 attribué par l’IFFHS, membre de l’équipe type monde 2007 de L’Équipe, membre de l’équipe type de l’Euro 2008 et 2012, membre de l’équipe type de la Coupe du monde 2006, membre de l’équipe type de FIFPro World XI en 2006 et 2007, membre de l’équipe type de l’année UEFA en 2003, 2004, 2006 et 2016, membre de l’équipe type de la Ligue des champions de l’UEFA en 2015 et 2017 et pour finir, il est meilleur gardien de but de l’année 2017 par la FIFA. Une liste interminable.
Au-delà de ses performances, qui ne peuvent être ignorées par les fans de football, celui que tout le monde surnomme Gigi est un personnage à part. En 2016, l’Italie affronte la France à Bari. Dès les premières notes de l’hymne français, les supporters présents dans le stade se mettent à siffler La Marseillaise. Outré par ces agissements, le capitaine transalpin décide alors d’applaudir le chant français. Il sera suivi par ses coéquipiers et finalement, par les supporters italiens présents dans le stade. À la fin du match, Gianni Infantino, le président de la FIFA le qualifiera “d’exemple” avant d’ajouter: “Je viens de le remercier. Il est grand, c’est un exemple de culture. Quelques idiots ont sifflé, lui a applaudi et tout le monde a suivi“.
Alors qu’il est au sommet depuis longtemps, le portier italien n’est pas épargné par ses tourments intérieurs. En 2003, alors que la Juve ne laisse que les miettes à ses poursuivants sur son sol, un évènement sportif va plonger Gigi dans une dépression dont il mettra du temps à sortir.
Au sortir de la finale de Champion’s League perdue en 2003 face au Milan AC, Gianluigi est brisé. Il lui faudra un an pour relever la tête. Dans un entretien accordé à nos confrères de La Stampa, il déclare: “Les gens, les supporters, s’en fichent de savoir comment tu vas. Tu es vu comme le footballeur, l’idole, et personne ne te demande comment tu vas. Il arrive que tu deviennes l’esclave de ta propre image“. S’en suivra un livre, Numero 1, dans lequel il explique que c’est l’EURO 2004 qui lui a permis de s’en sortir.
En 2006, après la victoire de la Squadra Azzura en Coupe du Monde face à l’équipe de France de Raymond Domenech, Buffon est considéré comme le meilleur gardien du monde et la Juve, son club, est mêlé à des histoires de matchs truqués. Le fameux Calciopoli. En bref, Luciano Moggi, ancien directeur général de la Juventus est accusé, avec Pierluigi Pairetto, un ancien arbitre chargé par la Fédération Italienne de Football de sélectionner les arbitres pour les matchs de championnat, d’avoir réclamé certains arbitres en particulier pour arbitrer les rencontres de la Juve, et ce pendant six ans. Pendant ces six années, sept arbitres sont mis en cause pour des décisions litigieuses ayant permis d’avantager le club de Turin. Inculpé, Moggi est condamné à 5 ans de suspension de toute fonction sportive et la Juventus se voit déchue de deux titres de champion avant d’être rétrogradée en Serie B. Malgré de nombreuses sollicitations, Buffon, comme bon nombre de ses coéquipiers, reste au club.
Irréprochable sur le terrain, Buffon est pourtant au coeur d’une polémique. En 2000, il demande à porter le numéro 88. Éclate alors un scandale puisque le nombre 88 est considéré comme l’équivalent alphabétique de HH, initiales de “Heil Hitler“. Pour lui, cette polémique est absolument stérile, se défendant le plus simplement en expliquant que le nombre 88 lui faisait penser à deux paires de testicules, symbole de force et de détermination. Pour certains, le positionnement politique très à droite de Gianluigi Buffon laisserait planer un doute, mais comme le portier italien n’a jamais daigné répondre à ces allégations, il est aisé d’imaginer que cette polémique a pu être montée de toutes pièces. Pour d’autres, il suffit de connaitre l’admiration que peut avoir Buffon pour Nelson Mandela et l’amitié réciproque qu’il porte à Thomas N’Kono (il a d’ailleurs prénommé son fils Thomas en honneur de ce dernier) pour savoir que ce n’est qu’une cabale.
Outre le respect des supporters, Gigi Buffon a aussi celui de ses pairs. Lors d’un documentaire consacré à Iker Casillas et diffusé sur la chaine espagnole Cuatro, le portier espagnol aujourd’hui en difficultés à Porto, s’était confié: “Je dors avec le short de Buffon“.
Alors que San Iker a un palmarès davantage garni que Buffon, il reste quand même l’un de ses modèles. La réciproque vaut aussi. Dans ce même documentaire, Gianluigi se fend d’un: “Je ne sais pas si le Real Madrid s’est déjà intéressé à moi, mais quand un club a dans son effectif Iker Casillas, il n’a pas besoin d’en acheter un autre“.
Lorsque nos confrères de SoFoot avaient interviewé Thomas N’Kono, il avait pris le soin de parler du style Buffon. À la question, “qu’est-ce que ça vous fait de savoir que vous avez inspiré l’un des meilleurs gardiens de l’histoire ?”, N’Kono avait répondu: “C’est un honneur. Un honneur d’être l’idole d’une vedette comme Buffon. Et puis je crois que mon plus grand exploit, c’est quand même de l’avoir fait changer de poste. Ce n’est pas facile de passer du milieu de terrain au poste de gardien. Mais je me dis que ce passé de joueur ne l’a pas non plus totalement desservi. Il a gagné en perception et en connaissance du jeu. Ce que les autres gardiens n’ont pas forcément“. En revanche, le portier camerounais pense que même s’il a beaucoup inspiré Buffon, il n’a pas opté pour son style. N’Kono était en pantalon, sautillait de partout et ne tenait pas en place, tout le contraire de Gigi, qui lui est “Tranquille. Ça, c’est sa force“. Tranquille oui, à l’opposé des gardiens de sa génération tels que Barthez ou Chilavert, et surtout monstrueux sur sa ligne. C’est aussi ça, sa force.
En 2013, un autre gardien, cette fois-ci italien, dit tout le bien qu’il pense de Buffon. À l’époque, Walter Zenga s’était fendu d’une déclaration toute élogieuse envers son compatriote dans la Gazzetta : “J’ai été élu meilleur gardien du monde trois fois, mais Buffon est plus fort que moi. Il est techniquement complet, mais ses qualités morales vont encore plus loin. Cela ne m’étonnerait pas qu’il continue jusqu’à 45 ans“.
Raté pour les 45 ans, sauf énorme retournement de situation, car comme a dit le maestro cette semaine, “C’est ma dernière saison et je suis sûr des choix que je fais“. Alors, pour ne pas trop pleurer son départ, il ne nous reste qu’a prier pour un retour vers le futur. À l’époque où la France n’était pas encore championne du monde, à l’époque où Guy Roux faisait le doublé Coupe-Championnat avec l’AJA et surtout, à l’époque où Kylian Mbappé, Dele Alli et Donnarumma n’étaient pas nés…
Nov 19, 1995: Parma 'keeper Gianluigi Buffon (17) marks senior debut against Capello's all-conquering Milan with an impressive clean sheet pic.twitter.com/85UoSRBk22
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