Dans cette nouvelle série sur Main Opposée, nous partons à la recherche du Saint-Graal. Celui qui transcende l’homme, qui abasourdit le spectateur et fait frissonner le portier. Vous l’aurez compris, nous cherchons l’arrêt parfait. Une quête présomptueuse, mais une quête que nous poursuivrons sans relâche, car elle mène à notre paradis. Si l’homme cherche un sens à son existence, nous chercherons ici plus encore. Nous cherchons le surhumain, le divin, celui qui nous fera même croire aux beautés de l’enfer et aux horreurs du paradis. Une quête impossible sûrement, mais nous, portiers, domptons l’impossible. Et qui d’autre qu’un portier pour incarner la perfection que nous cherchons tous à atteindre ?
Le football est un sport qui requiert une cohésion hors normes afin de triompher. Si l’individualité crée souvent le but lors d’un match, c’est le collectif qui importe lorsque vient le temps de remporter des titres. Ainsi, il est rare de voir durant un match de football l’individualité s’illustrer, comme briller plus fort que toutes les autres étoiles d’une constellation si homogène. Le portier, dans cette optique, devient alors un élément primordial. Qui d’autre que le portier pour se transcender, lui, le dernier rempart, le numéro un ? Souvent, on résume le poste de portier à un sport individuel dans un sport collectif. Plus encore, parfois, le football propose au portier une adversité telle que le gardien semble presque jouer contre le monde entier. Cet arrêt de Julio Cesar est sûrement l’illustration même du portier qui se transcende face à l’adversité.
Car, en effet, si cet arrêt est si beau, c’est aussi grâce à Messi. Il existe une trempe de joueur contre qui l’arrêt acquiert une dimension supplémentaire, comme si le portier venait défier les dieux. Et qui d’autre que Messi pour représenter cette catégorie de joueurs. À lui seul, le lutin argentin est une ode à la prouesse et au talent. Un premier crochet, un second, et Messi vient d’éliminer toute la défense du futur champion européen. Une action presque anodine pour Messi, qui tant de fois verra le ballon terminer sa course dans le petit filet, tant la frappe est pure et soudaine. Mais ce jour-là, un certain Julio Cesar en décide autrement.
Nous parlions tout à l’heure d’adversité, d’une constante lutte contre le monde entier que mène le portier. Là encore, tout semble se liguer contre le brésilien. Plus que l’astre argentin qui traverse l’espace telle une comète, c’est le rôle de ses défenseurs qui rend cet arrêt si difficile. Lancé, Messi ajuste derrière le crâne chauve de Cambiasso cette frappe si sournoise. Un champ de vision masqué donc, mais qui n’empêche pas Julio Cesar de réagir à la vitesse de la lumière. Sur ses appuis, le portier interiste décolle. Une détente impressionante pour aller toucher du bout des gants le météore envoyé par Messi. En réalité, ce qui choque ici est cette capacité du portier brésilien à s’envoler si vite, malgré l’adversité, comme si le contexte transcendait le gardien. S’en suit une célébration digne d’un buteur pour celui qui vient de priver la Pulga d’un but somptueux. Paradoxalement, ce but est plus beau arrêté par Julio Cesar. Un élan de rage et de joie emportent le gardien transcendé qui se rend compte alors que son arrêt est décidément l’avènement d’une adversité qui l’a poussé dans ses derniers retranchements.
De cet arrêt demeure donc la capacité du portier à savoir parfois faire ce qu’il ne sait pas faire. L’adversité transcende le gardien, le mets sur orbite en direction de la perfection. Plus tard dans la saison, Cesar recevra les lauriers pour ses performances astronomiques qui ont su porter un Inter décimé vers un surprenant triplé historique. Et si le portier a été l’exemple d’une équipe sachant se transcender lorsqu’il le faut, il en a récolté tous les honneurs qu’il méritait. Henri François d’Aguesseau disait : “Une heureuse adversité a souvent fait éclater un mérite qui aurait vieilli sans elle dans le repos obscur d’une longue prospérité”. Grâce à cet arrêt, Julio Cesar a transcendé une carrière réussie en carrière historique. Une force certaine du portier, que de pouvoir puiser ses forces dans celle de ses ennemis.