Enquête de perfection : EP.3 : Szczesny vs Sampodria

Dans cette nouvelle série sur Main Opposée, nous partons à la recherche du Saint-Graal. Celui qui transcende l’homme, qui abasourdit le spectateur et fait frissonner le portier. Vous l’aurez compris, nous cherchons l’arrêt parfait. Une quête présomptueuse, mais une quête que nous poursuivrons sans relâche, car elle mène à notre paradis. Si l’homme cherche un sens à son existence, nous chercherons ici plus encore. Nous cherchons le surhumain, le divin, celui qui nous fera même croire aux beautés de l’enfer et aux horreurs du paradis. Une quête impossible sûrement, mais nous, portiers, domptons l’impossible. Et qui d’autre qu’un portier pour incarner la perfection que nous cherchons tous à atteindre ?

Difficulté motrice

Si le monde du portier devait être résumé par un seul mot, quel serait-il ? Passion, abnégation, perfection sont bien évidemment des mots qui viennent à l’esprit, néanmoins, le mot difficulté est tout aussi pertinent. L’omniprésente opposition, celle qui vous pousse à bout, celle qui vous terasse, celle qui vous transcende. Car si la difficulté du portier est évidente, elle n’en reste pas moins complexe. Puisque nous portiers, aimons le défi et le surpassement, nous acceptons cette difficulté comme celle qui nous mènera aux cieux. Cette difficulté se présente au portier par plusieurs portes, et entre en vous comme l’essence du métier, jusqu’à ce que le moindre obstacle devienne muraille. Difficulté physique, tu nous éprouves chaque instant. Difficulté mentale, tu nous provoques mille tourments. Et cet arrêt de Szczesny est peut-être une allégorie de cette difficulté dont nous seuls connaissons sa grandeur.

Car ce genre d’arrêt est typiquement celui qui nous assome, nous rends impuissants, car le ballon à ras de terre est l’antéchrist de nos vies. Fusant sur la pelouse, la vision de cette affreuse abomination nous tourmente tous. Car si le spectacle de la main opposée est notre douce récompense, celui du portier devant aller chercher le ballon à ras de terre est atroce. Ni la splendeur, ni la beauté, ni la grâce ne se dégage de ce geste. Non, ce geste n’est que difficulté, où le portier se surpasse pour s’allonger le plus vite, et retombe violemment sur le sol comme la première pierre lancée.

Un autre angle : (Vidéo à 2m38s.)

Là où la difficulté est cruelle, elle est également bénéfique. De son caractère froid et vigoureux, notre caractère s’améliore. L’opposition est alors pour le portier une cruelle damnation qu’il se doit de vénérer. Aussi, il se crée alors un amour presque malsain du sacrifice et de l’opposition, comme si elle n’était plus que la seule chose que l’on recherche. Lorsque Szczesny se couche pour sortir du bout des doigts la puissante frappe, il est exténué. Las de tout l’effort qu’il a fallu pour aller chercher ce ballon si compliqué, il se relève difficilement, bien trop fatigué pour subir un autre affront comme celui-ci, mais beaucoup trop respectueux de ce filet blanc pour le laisser se faire salir. Ce sentiment de prouesse accomplie, d’avoir vaincu votre pire ennemi, le portier l’estime bien plus que toute autre chose.

Aussi, si la perfection n’est peut-être pas évidente dans cet arrêt, elle est décidemment présente. La perfection de surpasser l’opposition, dégoûter l’adversaire incrédule et ébahir le spectateur. Le sentiment de ne plus avoir rien à donner, car la perfection demande tout votre dévouement. Surtout, la perfection de l’arrêt travaillé tellement de fois à l’entraînement que vous le connaissez mieux que votre propre mère. Si la difficulté amène la perfection, c’est que la perfection demande toujours plus, que la prouesse devienne l’us, que la parade l’affront tûsse. Charles de Gaulle disait : “La difficulté attire l’homme de caractère, car c’est en l’étreignant qu’il se réalise lui-même.” Étreindre la difficulté, jusqu’à ce qu’elle suffoque de toute notre abnégation et transcender l’opposition bienfaisante en perfection inatteignable, tel est la devise qui tempère nos coeurs.

Photo de couverture : Varzesch11.com

EDP, Wojciech Szczesny