L’un avait 16 ans et 8 mois, l’autre 16 ans et 10 mois. À l’âge où la plupart des jeunes sont au lycée et préparent le baccalauréat, ces deux ‘’gamins’’ sont titularisés pour la première fois au plus haut niveau. L’un en Serie A, le 25 octobre 2015 avec le Milan AC face à l’US Sassuolo, et l’autre en Ligue 1 avec le Toulouse FC contre l’OGC Nice le 28 novembre 2015. Auteur d’une performance incroyable ce vendredi face à la Juventus Turin (crédité d’un 8,5 dans nos colonnes malgré la défaite), il est considéré comme le digne successeur de Gianluigi Buffon. Auteur d’un début de saison plus que convaincant, le second réalise une saison plus que solide. Nous parlons bien évidemment de Gianluigi Donnarumma et d’Alban Lafont. Nous allons nous pencher sur leurs parcours : qu’est-ce qui explique une telle précocité ? Sont-ils des gardiens parmi tant d’autres ou tout simplement des exceptions ? Peuvent-ils encore progresser ? Éléments de réponse.
Donnarumma signe au Milan AC en 2013 à l’âge de 14 ans et est surclassé en Primavera, le championnat d’Italie élite U21. Il y progresse et voit les portes de l’équipe première s’ouvrir à lui en octobre 2014 : Pippo Inzaghi est privé de Diego Lopez et Christian Abbiati pour blessure et suspension. Il fait donc appel à Donnarumma, 15 ans, pour s’asseoir sur le banc du Milan AC. Le gardien est si jeune qu’il doit passer une visite médicale spécifique pour recevoir le feu vert de la Lega (Ligue Nationale Professionnelle Série A). En mai 2015, il éblouit l’Europe lors de l’Euro U17 et attire l’attention de clubs comme Chelsea, le Real Madrid, Liverpool ou le PSG. Lors de la saison 2015/2016, Sinisa Mihajlovic (nouvel entraineur des Rossoneri) intègre ‘’Gigio’’ dans l’effectif en tant que 3ème gardien mais cela ne va pas durer. Suite à ses très bonnes prestations – notamment lors du Trofeo Tim – mais aussi ‘’grâce’’ aux contres performances de Diego Lopez qui avait encaissé 14 buts en seulement huit matches de championnat, l’entraineur serbe bouscule la hiérarchie et décide de titulariser le géant italien (1m96) contre l’US Sassuolo (victoire 2-1). Un choix payant qu’il a lui même expliqué à l’issue du match face aux Neroverdi : « C’est un choix technique. Diego est important, mais dans les dernières semaines je ne l’ai pas vu bien. Je ne regarde pas l’âge, je vois seulement si quelqu’un est bon ou pas. Le garçon joue bien, il me donne plus de confiance en ce moment, on verra comment ça se passera pour la suite ». Donnarumma a donc su tirer profit de la méforme de Diego Lopez pour se donner une chance d’exhiber son talent. Il a gagné sa place sur le terrain, au détriment de Diego Lopez donc, mais aussi de Christian Abbiati à qui il a été préféré. Un choix dû à ses performances puisque Abbiati, à ce moment-là gardien n°2 des Rossoneri, n’était ni blessé ni suspendu.
Alban Lafont, quant à lui, arrive au Toulouse FC au cours de sa première année U17 en provenance du pôle espoir de Castelmaurou. C’est au cours de sa deuxième saison au club que tout change pour lui. Après de bonnes performances en U17, le club le surclasse en U19 où il fait quelques matchs. Fort de prestations plus que correctes, il intègre l’équipe réserve puis l’équipe professionnelle avec laquelle il fait ses débuts face à l’OGC Nice, le 28 novembre 2015. Il devient donc le nouveau plus jeune gardien à ne jamais avoir évolué dans l’élite du football hexagonal. Le club étant dans une mauvaise situation à ce moment de la saison (19ème), il réussit ce que ni Ali Ahamada, ni Mauro Goicoechea n’ont fait jusque là : garder la cage inviolée durant 90 minutes. Il est donc reconduit le week-end suivant face à Troyes et récidive en étant irréprochable. Mais l’histoire aurait pu être différente pour lui … Le 12 novembre 2015, soit deux semaines avant sa première en Ligue 1, Dominique Arribagé (entraineur du TFC de l’époque) titularise Lafont lors d’un match amical contre le SD Eibar. Toulouse s’incline 3-1 et le jeune gardien toulousain n’est pas exempt de tout reproche sur tous les buts espagnols. Malgré cela, l’entraineur toulousain maintient sa confiance en Lafont en le faisant débuter face à Nice en championnat – sans quoi il ne serait probablement pas devenu le gardien qu’il est aujourd’hui. À l’instar de son homologue italien et malgré des débuts ratés, le toulousain est parvenu à gagner sa place de n°1 sur le terrain, par le biais de belles prestations en Ligue 1, montrant une belle force de caractère et permettant à son club de se maintenir dans l’élite du football français.
Tout comme Donnarumma et Lafont, d’autres gardiens ont eu la chance de percer chez les professionnels très jeunes récemment, notamment Thibaut Courtois qui, il ne faut pas l’oublier, a terminé champion de Belgique lors de la saison 2010/2011 avec Genk à l’âge de 18 ans. Mais malheureusement pour certains, débuter tôt à haut niveau ne veut pas dire qu’ils écloront de suite, à l’image de Paul Bernardoni et d’Anthony Maisonnial qui ont joué leurs premiers matchs professionnels respectivement avec Troyes à l’âge de 17 ans et 11 mois et avec Saint Étienne à l’âge de 18 ans. En effet, ils n’ont pas su bousculer la hiérarchie lorsqu’il était temps et sont aujourd’hui gardiens n°3, l’un au Girondins de Bordeaux et l’autre toujours à l’AS Saint Étienne. Débuter tôt n’est pas nécessairement gage de réussite. Il faut surtout confirmer, ce que Donnarumma et Lafont ont su parfaitement faire.
Depuis sa première titularisation, Donnarumma n’a plus quitté la cage milanaise. D’une part parce que le club n’a pas pour objectif de faire jouer une concurrence en sa défaveur mais aussi parce qu’il enchaine les bonnes performances. Celles-ci sont en effet bénéfiques au club et les résultats le prouvent. Après cinq années de disette sur le plan national, le Milan AC regagne enfin un titre le 23 décembre 2016 : la Supercoupe d’Italie. Et ‘’Gigio’’ n’y est pas étranger. En finale, il stoppe le dernier tir au but de Dybala permettant à son équipe de s’imposer lors de la séance de tirs aux buts. Après s’être mis les supporters dans la poche, c’est le président du club, Silvio Berlusconi, qui monte au créneau pour encenser son gardien, en témoigne sa déclaration en janvier 2016 au micro de Mediaset Premium : « C’est vraiment un bon garçon. Très solide au niveau de la mentalité et du caractère. Je pense qu’il peut être un symbole de l’avenir du Milan. À l’âge de 16 ans il est admiré par tous et ne va pas quitter Milan, peu importe l’offre. Il sera le gardien du Milan pour les vingt prochaines années ». De plus, la légende italienne Gigi Buffon y est lui aussi allé de sa déclaration à l’encontre du jeune et talentueux gardien : « Il a débuté un an plus jeune que moi, les signes convergent dans la même direction maintenant c’est à lui de travailler pour y arriver. Ses premiers matchs montrent qu’il peut faire une carrière extraordinaire […]. Si je devais lui donner un conseil ? Il faut chercher à mûrir le plus vite possible pour bien comprendre les bonnes et les mauvaises choses qu’il y a dans ce milieu ». Après de telles déclarations, comment un entraineur pourrait-il se permettre d’écarter Gianluigi Donnarumma ?
À l’instar de Donnarumma, Alban Lafont n’a lui non plus jamais quitté sa place de titulaire dans les buts du Toulouse Football Club depuis ce fameux 28 novembre 2015 (sauf coupes nationales). Comme nous l’avons dit plus haut, il est l’un des acteurs principaux du maintien miracle du TFC en Ligue 1. Arrivé dans les buts toulousains alors que le club était 19ème du championnat, il parvient à être efficace permettant au club de remonter à la 17ème place. Outre le fait que ses deux coéquipiers (Ahamada et Goicoechea) n’aient pas apporté satisfaction aux dirigeants du club, c’est aussi sa faculté à ne pas se soumettre à la pression malgré la situation du club et son jeune âge qui l’installe en tête de la hiérarchie des gardiens à Toulouse. Une qualité qui n’échappe pas à Mickaël Landreau, consultant pour le Canal Football Club : « Déjà, j’aime sa tranquillité, sa sérénité par rapport aux événements. Pour moi, sa première très grosse performance, c’était face à Troyes (0-3). Il a su faire des arrêts importants et il a dégagé de la confiance » ensuite, Landreau poursuit par : « Si Alban travaille, et sauf blessure, il a des caractéristiques monstrueuses. Il doit savoir que pour durer, il devra avoir la faculté de rebondir. Alban, on ne va pas lui proposer de faire une carrière : on va lui demander de faire une grande carrière. » Des propos qui ont du sens venant de la part de l’ex-international français qui, plusieurs décennies auparavant était à la place du gardien toulousain. Depuis, Alban Lafont a appuyé les dires de Mickaël Landreau, en performant notamment lors des grands rendez-vous qui l’attendaient en Ligue 1, en témoigne son énorme performance contre le PSG le 23 septembre dernier et la victoire du TFC 2-0.
Mais Alban Lafont et Gianluigi Donnarumma font-ils office d’exceptions ? Sont-ils les seuls à avoir été titulaires indiscutables dès le plus jeune âge ? Et bien non ! Au cours des trente dernières années, cela est arrivé plusieurs fois … Nous avons tous en tête Gianluigi Buffon et Mickaël Landreau ayant fait leur première apparition chez les professionnels à l’âge de 17 ans. Mais d’autres, ont aussi réussi cette entreprise à l’image de Peter Shilton qui a débuté chez les professionnels à Leicester à l’âge de 16 ans avant d’en devenir le gardien n°1 à 19 ans. Shilton détient d’ailleurs le record de sélections avec l’équipe d’Angleterre avec 125 capes entre 1970 et 1990. Et comment ne pas parler d’Iker Casillas ? Appelé pour la première fois chez les professionnels à 16ans. À 19 ans, il est titulaire en finale de Ligue des Champions face à Valence. Nous connaissons la suite…
Régulièrement supervisés par les plus grand clubs européens, ‘’Gigio’’ Donnarumma et Alban Lafont sont promis à un bel avenir. Les deux jeunes gardiens n’auront en effet que l’embarras du choix lorsqu’ils voudront quitter leurs clubs respectifs. Malgré leur talent qui n’est plus à prouver, les deux jeunes gardiens devront cependant gommer les petites imperfections qui existent dans leur jeu pour atteindre le top niveau. Pour Donnarumma, il s’agit essentiellement de son jeu au pied et du fait que, comme beaucoup de gardiens italiens, il sort très peu malgré son gabarit avantageux. Concernant Lafont, celui-ci présente des petites lacunes dans son placement et notamment la gestion de la profondeur. On peut aussi remarquer de temps en temps un léger problème de concentration qui pourraient lui coûter cher sur les matchs sans beaucoup d’enjeu. Enfin, on peut encore percevoir qu’il est jeune notamment dans son rapport au leadership dans une équipe de Toulouse relativement jeune, elle aussi. Mais à n’en pas douter, ils incarnent le futur des gardiens de but européens. Ils devront cependant faire attention à leurs choix de carrière afin de toujours évoluer au plus haut niveau.
Photo de couverture : Icon Sport et AC Milan.com