Romane Munich, qui a 23 ans aujourd’hui, joue dans les buts depuis l’âge de huit ans. Après avoir connu toutes les sélections nationales en catégories jeunes, elle joue actuellement en équipe de France B. Titulaire en D1 à l’AJ Soyaux, elle revient, pour Main Opposée, sur sa carrière et sur sa vision du football féminin.
Main Opposée : Bonjour Romane, à quel âge as-tu commencé à jouer au football et as-tu toujours été gardienne ?
Romane Munich : J’ai commencé à l’âge de 6 ans, je jouais sur le terrain. Puis un jour le gardien était absent, j’ai mis les gants, j’ai arrêté un penalty, et depuis je suis restée dans les buts. J’avais 8 ans.
MO : Quels souvenirs gardes-tu de ces catégories jeunes ? Y avait-il d’autres filles avec toi ?
RM : J’en garde un excellent souvenir. Ma famille me suivait avec plaisir. Mon père m’entraînait et mon frère jouait aussi au foot. Dans ces catégories jeunes, j’étais un peu la “chouchou”, mes coéquipiers me protégeaient, j’étais capitaine de l’équipe. Les adversaires se moquaient : “ça va être facile, on va gagner, c’est une fille dans les buts ! ” puis ils étaient dégoûtés à la fin du match quand ils voyaient que j’étais forte ! (rires). Je n’ai joué en féminine qu’à partir de l’âge de 14 ans. La plupart des filles le disent : “il faut jouer le plus longtemps possible avec les garçons, ça nous permet de progresser plus rapidement”.
MO : A 16 ans, tu pars en Allemagne, au FSV Jägersburg puis au FC Sarrebruck. Pourquoi ce choix et comment cela se passe-t-il ?
RM : J’habitais près de la frontière. Les équipes allemandes avaient de bien meilleurs résultats, j’ai voulu tenter l’expérience. La semaine, je m’entraînais au centre de formation de Clairefontaine avec Angélique Roujas et Franck Raviot. J’ai effectué toutes mes années de lycée là bas. Je rentrais le vendredi soir chez mes parents pour repartir le samedi matin jouer le match du week-end avec mon club en Allemagne.
MO : Quelles différences observes-tu avec le football féminin français ?
RM : En Allemagne, c’était beaucoup mieux structuré, plus professionnel. Il y avait davantage de budget pour les transferts et les terrains ; même en quatrième division ils sont entretenus et il y en a plusieurs à disposition. Il y a plus de suivi au niveau soins, médecine, kiné etc…
MO : Pourtant, à 18 ans, tu décides de revenir jouer en France en D1 à Vendenheim. Pourquoi ce choix ?
RM : J’avais fini mes études lycéennes et malgré le fait que je parle très bien allemand, la langue était quand même un frein. J’ai donc continué mes études en IUT à Nancy et j’ai découvert la D1 dans ce club Vendenheim qui me voulait depuis un moment déjà… À 18 ans, c’est pas mal ! Mais c’est un petit club familial, on était “le petit poucet” du championnat. Il y a de grandes différences de niveau entre les équipes, nous n’avions pas les armes et nous sommes descendues.
MO : Tu tentes ensuite ta chance à Nancy toujours en D2. Y a t-il des différences dans ce club plus renommé ?
RM : Contrairement au club de Vendenheim, on côtoie les garçons à Nancy. Nous ne sommes pas professionnelles, mais nous bénéficions tout de même des infrastructures du club. C’est très agréable ! Malheureusement, nous n’arrivons pas à franchir le cap de la D2.
MO : Puis en 2016, tu signes dans un club emblématique de D1 : Soyaux, club avec lequel tu fais une belle saison. As-tu un contrat pro ou travailles-tu en dehors ?
RM : Oui, je souhaitais retrouver l’élite et Soyaux m’a proposé un challenge intéressant. J’ai été très bien accueilli, c’est un club familial qui a une très grande expérience de la D1. Nous terminons 7ème au classement en assurant notre maintien dès la 17ème journée. Je n’ai pas de contrat pro, je suis assistante d’éducation dans un collège à 3/4 temps. Je me sens bien ici.
MO : Ça ne doit pas être évident de concilier le travail et les entraînements d’une équipe de haut niveau ? As-tu des spécifiques gardien ?
RM : C’est vrai, cette saison nous avions toutes un emploi, alors c’était compliqué de s’entraîner la journée. Il y avait entraînement tous les soirs de la semaine après notre journée de travail. C’était musculation le lundi puis séances de terrains les autres soirs. Avec les matchs le week-end nous ne sommes pas souvent chez nous ! Je faisais des spécifiques pendant deux heures tous les mardis soir et jeudis matin avec Thomas Mounier, mais cela risque de changer cette année en fonction de mes horaires de travail.
MO : Lors de cette saison 2016-2017 vous avez perdu 9-0 contre Lyon et 10-0 contre Montpellier. Comment expliquer une telle différence ?
RM : Lyon est vraiment au-dessus. Elles ont un gros budget et peuvent recruter les meilleures joueuses étrangères. Elles ont gagné 21 matchs sur 22. Elles sont toutes professionnelles, on ne peut pas rivaliser. Mais nous avons aussi fait de bonnes prestations contre le Paris SG (deux défaites 2-0 ndlr), on a tenu tête à Juvisy et nous avons battu l’Olympique de Marseille, qui est en plein développement. Personnellement, c’est vrai qu’au bout d’un moment, prendre autant de buts gâche un peu le plaisir.
MO : Tu as joué titulaire les 22 matchs de championnat. Quels sont les ingrédients de cette régularité et quelles sont tes qualités pour y parvenir ?
RM : Le travail, toujours le travail. Avec la confiance, on enchaîne les bonnes prestations et on joue le match suivant…. J’ai de bons réflexes, je suis bonne sur ma ligne de but. Je suis dynamique, ça me permet de remporter beaucoup de face-à-face et j’ai un bon jeu au pied. Dans le domaine aérien, je ne suis pas encore assez constante, je dois gagner en régularité.
MO : La nouvelle saison débute le 10 septembre, comment se déroule votre préparation au niveau collectif et personnel ?
RM : Tout se passe très bien. Je suis satisfaite de la préparation, nous avons effectués deux stages : un pour la cohésion de l’équipe avec des activités hors football (course d’orientation, accrobranche, VTT), puis un second, footballistique, avec un match contre Juvisy. Nous avons débuté en travaillant beaucoup l’endurance avec des séances physiques dès 7 heures du matin. Durant les spécifiques, qui se déroulent maintenant avec Amandine Guérin , nous avons commencé par travailler les appuis et les plongeons avant d’enchaîner avec des exercices de poussées, de sorties dans les pieds et aériennes ainsi que le jeu au pied. Nous travaillons les mêmes aspects que les hommes, seules changent la puissance et l’intensité.
MO : Tu as joué en équipe de France dans les catégories jeunes, puis maintenant en équipe de France B. Quelles compétitions joue cette équipe et ambitionnes-tu l’équipe A ?
RM : Bien sûr ! Je suis compétitrice et je vise le plus haut ! Pour l’instant, je suis 5ème dans la hiérarchie. Cette équipe de France B est l’antichambre de l’équipe A. On fait uniquement des rencontres amicales pour être prête si on fait appelle à nous en A. C’est très agréable de faire partie de cet effectif. J’ai aussi participé au championnat d’Europe U19. On a fini vice-championne ! C’est une bonne chose pour le football féminin.
Romane Munich en équipe de France
MO : Justement, cette équipe de France A vient de participer au championnat d’Europe durant lequel plusieurs gardiennes n’ont pas été épargnées par les critiques. Qu’en penses-tu ?
RM : C’est vrai qu’il y a eu pas mal d’erreurs du côté des gardiennes mais je pense qu’il est un peu dommage de s’acharner sur leur sort. On peut dire que cela arrive aux plus grands ! (et même chez les hommes !).
MO : Quelles sont les gardiennes que tu apprécies ?
RM : J’aime beaucoup Méline Gérard qui vient de signer à Montpellier. Pour moi, la meilleure gardienne du championnat est Katarzyna Kiedrzynek qui joue au PSG. Elle est complète, fait très très peu d’erreurs. Elle a de la prestance, elle est très forte dans les duels. Son jeu au pied est top et dans les airs, elle rassure.
MO : Y a-t-il encore des préjugés envers le football féminin qui t’énervent ?
RM : Il reste toujours les vieux clichés du style “les filles qui font du foot sont des garçons manqués, elles ne sont pas du tout féminines !”, ce qui est complètement faux. Le foot c’est notre passion, notre sport ! Cela ne nous empêche pas d’être féminines, nous sommes des femmes avant tout ! Il doit y en avoir d’autres, mais je dois avouer que je m’en fiche, je suis totalement hermétique à ça.
MO : Tu joues au foot depuis plus de 15 ans, observes-tu une évolution positive autour du foot féminin ?
RM : Oui bien sûr. Quand j’ai commencé, on ne voyait pas de matchs féminins à la télé, aucune interview de joueuses et aujourd’hui, il y a même des Lyonnaises qui font des pubs… Maintenant, il y a davantage de matchs télévisés, et pas seulement pendant les grandes compétitions internationales. Quand on joue contre les grosses équipes du championnat, on fait de la communication, on touche un public plus large, on va au stade Lebon à Angoulème car il y a une plus grande capacité d’accueil.
MO : Quel futur envisages-tu pour ton sport ?
RM : Je pense qu’on est sur le bon chemin, ça va être de plus en plus médiatisé. Des clubs comme Paris, Montpellier et Juvisy montrent l’exemple. Les budgets des clubs augmentent, ils vont donc attirer des nouvelles joueuses. Depuis peu, les clubs professionnels sont obligés d’avoir une équipe féminine. Marseille par exemple est un club ambitieux qui est monté cette année. Quand on voit qu’ils ont été en discussion avec Hope Solo (championne du monde et double championne olympique, ndlr), on sent bien que ça bouge positivement pour notre championnat.
MO : Le club de Soyaux qui vient de faire signer plusieurs joueuses, notamment deux jeunes de 20 ans de Paris et de Barcelone, est ambitieux lui aussi. Que peut-on te souhaiter pour cette année individuellement et collectivement ?
RM : Oui bien sûr, on a toujours pour ambition d’aller plus haut, d’aller plus loin, alors ça passe forcément par un recrutement intéressant. Je pense qu’il y a moyen de terminer à la cinquième place. Personnellement, je souhaite encore progresser, prendre de moins en moins de buts et être de plus en plus performante.
MO : Un dernier mot pour les lecteurs de MO, que leur dirais-tu pour valoriser ton sport et leur donner envie de venir ?
RM : C’est sûr c’est différent des garçons, on fait beaucoup moins de cinéma ! (rires) Pour les passionnés de foot, venez voir jouer les filles vous ne serez pas déçus ! C’est vrai, on n’a pas les mêmes qualités athlétiques, mais nous sommes très techniques. Et puis, faut pas croire qu’on a peur d’aller au contact ! Parfois on reçoit un bon parpaing mais on repart de plus belle !
Toute l’équipe de Main Opposée remercie Romane pour sa gentillesse et sa disponibilité et lui souhaite le meilleur pour la suite de sa carrière.