Le Roi est mort. Edson Arantes do Nascimento, dit Pelé, s’est éteint ce jeudi 29 décembre à l’âge de 82 ans des suites d’un cancer du côlon. Légende absolue de la petite balle ronde, 37 titres collectifs dont 3 Coupes du Monde, 2 victoires en Copa Libertadores et 6 championnats du Brésil, 1281 buts marqués d’après la FIFA dont 92 triplés et 30 quadruplés, personne n’aura autant martyrisé les gardiens dans la grande Histoire du football. Et pour cause, le Roi Pelé connaissait bien le poste de gardien. Il lui vouait en effet une certaine affection.
« Bien que je ne sois pas si grand, j’ai toujours été un bon gardien de but à cause de mon saut. Avec Santos et l’équipe nationale, j’ai toujours été le gardien de réserve.»
À une époque où les entraîneurs ne peuvent effectuer qu’un seul et unique changement par match, il arrivait parfois qu’il faille finir à 10 pour remplacer au pied levé un portier blessé ou expulsé. Quand beaucoup de joueurs préféraient alors se cacher par peur d’être ainsi exposés, le Roi faisait lui partie de ceux qui, pour le collectif et pour l’amour du jeu, était prêt à se sacrifier et changeait de tunique lorsque le sort l’imposait.
Quatre fois lors de son immense carrière, le réserviste Pelé se dressa devant les buts de Santos pour en défendre les filets. Quatre fois, Pelé garda sa cage inviolée. Quatre fois, Santos s’imposa, y compris lorsque le Roi dû changer de surface à 25 minutes de la fin en demi-finale retour du Championnat du Brésil en 1964. Imaginez Mbappé, Neymar ou Messi performant dans les buts du PSG en demi-finale de la Coupe de France… Inconcevable, sauf pour le Roi !
Bien des joueurs se sont depuis essayés à ce périlleux exercice, mais aucun n’a jamais réussi à le faire avec tant de classe et d’efficacité que Pelé. Inarrêtable dans la surface adverse et infranchissable dans celle de Santos lorsqu’il devait la faire sienne, Pelé est unique.
Si le Roi était attaquant et savait jouer dans les buts, son fils Edinho, né le 27 août 1970, fut lui directement gardien de but. 200 matchs professionnels au compteur, mais également 7 buts inscrits en carrière, celui qui dirige aujourd’hui les moins de 20 ans du club de Londrina (Brésil) savait, comme son père, aussi bien faire trembler les filets de ses homologues portiers que préserver ceux de ses coéquipiers. Comme l’affirme le dicton populaire : la pomme ne tombe jamais loin de l’arbre…
Entré dans la légende le 29 juin 1958 en soulevant le trophée Jules Rimet à l’âge de 17 ans, Pelé n’a pas marqué l’Histoire du football, il l’a écrite. Chaque recoin du terrain n’était autre que son jardin et les surfaces de réparation sa maison. Il est parti à la conquête du Paradis, là où l’attendent entre autres Maradona, Cruyff, Kopa et Di Stefano.
Il y retrouvera également un certain Gordon Banks, l’homme qui, le 7 juin 1970, arrêta un but du Roi en Coupe du Monde : « Mon latéral (Alan Mullery) me cachait la vue… Jairzinho avait poussé son ballon en avant et je savais qu’il ne pouvait pas centrer car il lui aurait fallu trois foulées pour le récupérer. Soudain, je vois Pelé, courant à toute vitesse vers la surface. Mais dans le même temps, je garde un œil sur Jairzinho. Et je vois Pelé plus près encore ! Je dois suivre le ballon mais ne le vois plus… Ce que je savais, c’était qu’une fois la passe faite, le ballon atteindrait Pelé. Je ne pouvais plus aller au-devant de lui, car il m’était impossible de changer de position si vite. Il fallait que je m’attende à n’importe quoi de la part de Pelé : un tir, n’importe quoi. Ce fut une tête… La partie la plus difficile de l’arrêt venait du rebond. Face à Pelé, je n’ai pas anticipé, j’ai attendu qu’il donne son coup de tête. Une fois partie, je savais sa tête cadrée, et elle allait vite ! Le ballon était extrêmement difficile à capter car il n’a pas atterri à mes côtés mais il a rebondi cinq mètres devant moi… À ce moment-là, je ne peux pas plonger vers l’avant, je dois au contraire reculer à cause de la vitesse du ballon. Et il faut aussi que j’estime la hauteur du rebond. Quand j’atteins la balle, je la touche avec le haut de ma main, le ballon tourne et part vers l’arrière… Ç’aurait pu être un but ! ».
Amis depuis lors, les deux hommes auront tout le loisir de rejouer cette action de légende. Peut-être même inverseront-ils les rôles pour l’occasion, permettant ainsi à Pelé de s’illustrer une dernière fois sous les bois.
Le gardien de but est avant tout un joueur de champ, il l’avait compris avant tout le monde, il y a bien des années. Reposez en Paix ô Roi Pelé, votre héritage est inscrit dans l’Histoire pour l’éternité.
photo de couverture : Planet Football