À quelques heures de l’ouverture des Deaflympics (du 1er au 15 mai 2022), les Jeux Olympiques pour athlètes sourds et malentendants, Main Opposée vous emmène à la rencontre du gardien de but de l’équipe de France de football, Lucas Alexandre. Après avoir découvert la Turquie lors de l’édition 2017 comme remplaçant, celui qui garde habituellement les cages du club des Ecureuils d’Itancourt (Régional 1, Aisne) s’envole pour le Brésil dans le costume de numéro 1, à tout juste 23 ans. Ambitions collectives et personnelles, vision du poste, gestion de sa différence en club… Le jeune itancourtois se livre avec simplicité et authenticité. Entretien.
Main Opposée : Salut Lucas, peux-tu te présenter pour les lecteurs de MO qui te découvriraient, et retracer ton parcours footballistique ?
Lucas Alexandre : Salut à tous, je m’appelle Lucas Alexandre, j’ai 23 ans et je suis gardien de but à Itancourt et en équipe de France sourds/malentendants. J’ai commencé à jouer à l’âge de 3 ans et j’ai connu 4 clubs différents : Proville, Escaudoeuvres, Cambrai et Itancourt. Je suis international français depuis bientôt 7 ans.
Justement, Tu t’apprête à disputer les Deaflympics (Jeux Olympiques pour athlètes sourds/malentendants) au Brésil avec l’équipe de France. J’imagine que c’est une fierté immense…
Une grosse fierté ! Jouer pour la France, quoi de mieux ? J’ai déjà vécu les Deaflympics 2017 en Turquie où nous avions été éliminés en poules, et là j’y retourne pour la deuxième fois, au Brésil !
Tu sors d’un stage de préparation avec les Bleus, le staff a-t-il commencé à vous donner quelques objectifs ?
Oui tout le monde a déjà des objectifs car ce sont les Jeux Olympiques. Tout le monde veut ramener une médaille, mais on doit se concentrer et prendre des points pour d’abord passer en quart de finale. Ensuite, nous verrons.
Pour en revenir à ta situation en club, tu évolues à Itancourt (Régional 1) qui affiche des ambitions de monter en N3. Cela ne devrait pas être pour cette saison, que vous manque-t-il selon toi ?
Travailler plus, être plus sérieux aux entraînements et être encore plus tueurs devant. Notre objectif maintenant, c’est de maintenir le club en R1 pour la saison prochaine. On doit donc prendre le plus de points possibles pour éviter de se faire peur.
Pour avoir eu la chance de te voir jouer, on peut remarquer certains automatismes avec tes joueurs, qui viennent palier à ton handicap. Comment cela s’organise ? Est-ce qu’un travail spécifique est mis en place en début de saison ou à ton arrivée ?
Au niveau de la communication, ça va, je gère vu que j’ai commencé le football à l’âge de 3 ans. J’ai toujours joué avec des entendants donc je sais comment faire pour que les joueurs arrivent à comprendre ce que je veux dire et inversement. Jouer avec des entendants et en équipe de France c’est un peu différent, car en club je dois crier pour qu’ils se retournent pour me voir puis je mime pour leur expliquer ce que j’attends. Alors qu’en EDF, je fais des signes pour qu’ils me voient puis on communique en langue des signes. À Itancourt, je me suis vite adapté avec les joueurs et c’est génial !
Je crois savoir qu’un de tes anciens coéquipiers à Itancourt avait même appris quelques rudiments de la langue des signes…
Oui oui ! Stevy Clary s’est déjà renseigné sur YouTube et est venu me voir en parlant en langue des signes, comme “bonjour, ça va ?”.
A titre personnel, as-tu un plan de carrière en tête ? Des objectifs personnels ?
J’aspire à jouer le plus haut possible. Pourquoi pas devenir le premier joueur sourd/malentendant à évoluer au niveau National. Mais pour cela, je dois travailler encore plus dur et montrer que j’ai le niveau pour jouer à ces niveaux-là.
Quelles sont tes qualités et tes axes d’amélioration selon toi ?
Je pense que j’ai un bon jeu au pied et je peux jouer avec les deux pieds. Je me sens aussi à l’aise dans les face-à-face, car je n’ai peur de rien. Je pense avoir de bons réflexes également. En revanche, je dois progresser dans mes sorties aériennes car j’hésite souvent entre boxer ou capter les ballons.
J’ai pu voir que tu participais à quelques séances spécifiques dans ton club comme éducateur. C’est quelque chose de ponctuel ou une volonté de transmettre aux plus jeunes ?
Une volonté de transmettre d’abord, car j’ai déjà vécu les Jeux Olympiques, l’Euro et je me suis déjà entraîné avec des gardiens pros. Du coup, j’aime partager mon expérience avec les “petits”. Entraîner les jeunes m’a appris à avoir de la patience, car avec eux il faut prendre le temps pour enseigner.
Quelle est la philosophie que tu essaies de transmettre ? Quelles sont les qualités indispensables pour le gardien de but de demain selon toi ?
Un gardien de but moderne ne doit pas avoir peur. La technique de mains est très importante aussi pour rassurer sa défense. Enfin, le jeu au pied est devenu très important, car les gardiens jouent de plus en plus haut et en avançant.
Pour finir, à quelques jours de l’ouverture des Deaflympics, un dernier mot pour MO ?
Un grand merci pour l’interview et bonne continuation ! Je regarde parfois vos émissions (Radio Main Opposée, ndlr) même si je ne comprends pas tout ce que vous dites, mais j’essaye de suivre et c’est vraiment cool.
Quelle est ton idole de jeunesse ?
Steve Mandanda.
Le meilleur gardien du monde ?
Manuel Neuer !
Ton plus bel arrêt ?
J’essaye de m’en rappeler [rires]. Je dirais une belle claquette sur une tentative de lob de 35 mètres en U19 contre Aulnoye.
Ton pire souvenir sur le terrain ?
Une grosse boulette sur corner contre l’Angleterre…
Ton meilleur souvenir ?
Porter le maillot de l’équipe de France pour la première fois.
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Source photo de couverture : Lucas Alexandre