Blog


4 February 2022


Depuis la création du jeu, le gardien est à un poste à part. Tout le monde le sait, en dehors du fait que des règles spécifiques s’appliquent à lui et qu’il peut utiliser ses mains, il est surtout, aux origines, un joueur qui ne participe que peu voire jamais à la création de l’objectif ultime de ce sport : marquer un but. 

Fondamentalement, le gardien n’est pas un créateur. On ne lui demande pas de faire des décalages, des courses, un contrôle, une passe, un tir, tout ce qui permet de mettre un but et de gagner un match, l’objectif de n’importe quelle rencontre de football. L’essence du gardien est tout autre. Elle est même l’inverse de celle de ses coéquipiers. Il n’est pas celui qui permet, il est celui qui empêche. Il n’est pas celui qui délivre, il est celui qui prive. Il n’est pas celui qui fait chavirer, il est celui qui maintient.

Le gardien de but dans son essence est un destructeur, il se satisfait d’empêcher le but adverse. Il est celui qui tue la joie chez l’adversaire, qui climatise tout un stade. Il peut être le monstre, le bourreau d’une équipe, celui qui donnera des cauchemars à l’adversaire et ses supporters. 

L‘émotion de l’arrêt et du but

La satisfaction du gardien réside dans le plaisir de voir le dépit chez son adversaire, de sentir son impact psychologique, surtout sur les attaquants. Pourrait-on qualifier le gardien de sadique ? On est en droit de le penser. En tant que destructeur, il prend un malin plaisir à détruire l’action adverse. Il cherche à dégouter l’adversaire, à prendre sur lui un ascendant psychologique, à le faire déjouer, à le faire douter. En soi, il cherche à rentrer dans sa tête. Les séances vidéos sur les attaquants adverses servent en grande partie à cela : emmagasiner des informations sur les habitudes de l’adversaire pour l’empêcher de marquer, et lui dire qu’on sait qu’il sait que l’on sait. 

Cette émotion positive qui émane de l’arrêt est souvent personnelle, elle n’est que peu partagée avec les coéquipiers, c’est même souvent l’inverse. L’arrêt entraine souvent une réaction plus ou moins contenue à destination de la défense pour pointer et corriger une erreur. Mais alors pourquoi l’émotion d’un arrêt semble-t-elle si étouffée, si faible ? A l’exception d’un pénalty ou d’une séance de tirs au but, l’émotion dégagée par un arrêt n’est jamais aussi forte que celle qui suit le but, pourquoi ? Parce que ce n’est pas l’essence du jeu, contrairement au but qui lui l’est et le sera toujours. Le gardien est-il donc de fait condamné à ne jamais ressentir la joie sur le terrain ? Evidemment que non, mais il ressentira une émotion toujours différente, vivant essentiellement par procuration les buts inscrits par ses coéquipiers. Il célèbre le but souvent seul dans sa cage, communiant parfois avec les supporters mais l’attention, elle, est tournée vers le buteur.

Parfois, dans de rare cas, le gardien est buteur, et c’est toujours une émotion particulière. Le souvenir est fort, car il est rare et très souvent inscrit dans des situations délicates et décisives pour l’équipe. Cette émotion est si forte aussi car le gardien ne connait que trop bien la douleur du but encaissé qu’il vit comme un déchirement, une honte, une faille à son objectif, il se sent responsable. Et cette pression constante d’être le dernier rempart, celui sur lequel est censé se briser toute attaque ennemie, ajoute un peu plus au poids de chaque but encaissé.

Mais dernièrement, un nouvel horizon a permis d’éclaircir la vision qu’a le gardien de son propre poste… 

De destructeur à bâtisseur

Avec l’évolution des règles et particulièrement celle du jeu au pied pour le gardien, progressivement, le rôle du gardien évolue, il doit participer au jeu avec ses pieds, et pas seulement pour faire un 6 mètres. Il se doit de savoir relancer et donc de participer à la mise en place d’une attaque avec son équipe.

A mesure que le jeu et les tactiques se développent depuis ces 30 dernières années, la capacité d’un gardien ayant un bon jeu au pied mais aussi doté d’une bonne vision de jeu, capable de surmonter un pressing afin d’être la rampe de lancement de son équipe devient la norme. Cette nouvelle façon de jouer non seulement modifie le jeu du gardien, mais aussi son implication dans la tactique de l’équipe. De fait le dernier rempart n’est plus un chevalier solitaire devant défendre seul les cages, il est un membre du collectif à part entière, le pionnier de la relance, il est celui qui participe aux circuits de passes et propose des solutions à ses joueurs. 

Cela a permis aux gardiens de devenir des joueurs comme les autres, impliqué dans le jeu et donc de faire partie de la création d’une action et non uniquement de détruire celle de l’adversaire. ENFIN le gardien entrevoit la lumière, celle de faire partie du jeu collectif d’une équipe avec l’objectif d’inscrire un but. Certes il n’est pas buteur, mais il est le premier relanceur. Il est au début de l’action, il en est l’initiateur, il n’en est plus systématiquement l’annihilateur ! 

Et cette nouvelle vision du poste développe un gardien autant satisfait de ses arrêts que de sa participation au jeu, il sait qu’il n’apporte pas seulement par la destruction mais aussi par la création et c’est en cela que le gardien moderne modifie en profondeur l’essence même du gardien de but. Le gardien continuera toujours de détruire mais peut maintenant aussi bâtir et c’est cela qui fera du poste de gardien un poste encore et toujours plus à part. 


photo de couverture : Imago

News Feeds
Rejoins la communauté
Articles récents
Si tu souhaites recevoir du contenu exclusif, souscris à ma newsletter :
Haut de la page
Partages