Quand on parle de joueur colombien, on pense tout de suite au coup de génie de Valderama ou à la folie de René Higuita. Faryd Mondragon est lui l’antithèse de ces joueurs. Pragmatique, imposant, robuste, il aura marqué de son empreinte tous les club où il sera passé.
En France, Faryd Mondragon, c’est avant tout une idylle d’une année avec le Football Club de Metz. Adulé par le peuple de Saint-Symphorien, le gardien colombien aura, en l’espace de quelques semaines, éclipsé Lionel Letizi, parti plus tôt au Paris-Saint-Germain. Ce gardien à la carrure impressionnante et aux réflexes de folie a su imposer sa sympathie et son professionnalisme.
Faryd Mondragon est né d’un père colombien et d’une mère libanaise à Cali, en Colombie. Il a commencé sa carrière dans son pays natal en jouant au Deportivo Cali, au Real Cartagena et à Santa Fe en ne cumulant qu’à peine 20 matchs dans l’effectif professionnel. Par la suite, il rejoint le Paraguay et le club de Cerro Porteno où il ne dispute qu’une petite dizaine de matchs. En 1993, changement de pays pour le colombien mais toujours dans le même continent, il débarque finalement au Argentinos Juniors. À peine 5 mois passés sous les couleurs du club argentin, Faryd devient international, à l’âge de 22 ans. Il connaîtra même sa première titularisation lors de son premier rassemblement face au Venezuela (match nul 1-1). Par la suite, il en profitera pour s’imposer en tant que gardien titulaire pendant 4 saisons au CA Independiente.
Faryd et la sélection colombienne, c’est une grande histoire. Il y a connu des grands moments. Tout d’abord lors de la coupe du monde 1998, en donnant du fil à retordre à Michael Owen et à la sélection anglaise lors de la dernière rencontre du groupe G avant de s’incliner finalement 2-0 sur des buts Anderton et un somptueux coup franc de David Beckham. Désireux de faire toujours le maximum lorsqu’il se trouve sur le terrain, le gardien des Cafeteros sortira de la compétition en larmes dans les bras de David Seaman. Par la suite, Mondragon reviendra en sélection quand personne l’attendait, en 2014, pour asseoir un record de longévité.
Après un mondial 1998 tonitruant dans les bois des Cafeteros, les regards se portent sur Mondragon, alors en prêt au Real Saragosse. C’est alors que le président du FC Metz Carlo Molinari s’intéresse au gardien colombien. Manque de chance, le gardien repart en Argentine à l’Independiente. Ce n’est que deux années plus tard que le président messin revient à la charge pour attirer Mondragon dans les filets grenats. En effet, après le départ de Lionel Letizi au PSG, le club à la croix de lorraine se doit de trouver un remplaçant pouvant tenir la baraque. L’armoire colombienne débarque pour 3 années dans la capitale mosellane, et quelle idée de génie de la part de Carlo Molinari et ses recruteurs !
À peine un mois passé en lorraine Mondragon impressionne et devient le premier joueur de la saison à obtenir le trophée de meilleur joueur du mois décerné par un jury de 50 journalistes. Ce début de saison si parfait met en évidence tout le professionnalisme, le sérieux et l’envie d’intégration que le bonhomme met dans son aventure française.
Dès les premiers matchs, il parvient à maîtriser les mots français nécessaires pour replacer sa défense, une des forces pour son ancien entraîneur Joël Muller : “En faisant le forcing pour apprendre le français, il a permis la mise en place rapide d’une défense efficace et ça l’a aussi aidé à gérer la pression du début de saison“.
Grand compétiteur, il arrive avec le FC Metz à se hisser à la 5e place au bout de 6 journées. Pascal Janin, son entraîneur des gardiens de l’époque, est aussi surpris par son rendement: “Il a la compétition chevillée au corps. À l’entraînement c’est un grand pro, mais pour un match, il prend encore une autre dimension“. Désireux de ne rien laisser au hasard, le colombien ne veut rien rater, surtout pas sa première sous le maillot grenat, y compris son image. En effet, il a demandé à ce qu’un salon de coiffure ouvre la veille du match pour être le plus présentable possible. Faryd ne néglige rien!
Le reste de la saison de Faryd Mondragon est du même acabit, il survole les matchs. Arrivé dans une formation messine en reconstruction, il est la pierre angulaire du système défensif mis en place par Joël Muller puis Albert Cartier. L’équipe messine se sauve au prix de matchs de haute volée du colombien, comme lors de la réception de l’OM où il dégoutte Ibrahima Bakayoko (victoire 1-0). À la fin de saison, le club lorrain finit à la 12ème place.
Mais son histoire d’amour avec la France tourne rapidement court. Admirable lors de son premier passage pendant la coupe du monde 1998, Mondragon l’est encore plus lors de son passage en lorraine mais la fin sera encore plus dure. Épinglé pour une (foutue) histoire de faux papiers, il n’aura joué que 31 matchs en Division 1.
Il lui est reproché de joué avec un faux passeport grec pour détourner la loi Bosman. En effet, selon la loi Bosman, il n’y aucune restriction sur les joueurs ayant la nationalité d’un pays de l’Union Européenne, mais les clubs sont par contre limités à 3 joueurs extracommunautaires (joueurs provenant de pays hors Union Européenne). Six joueurs auront eu recours à cette fraude : José Aloisio, Alex Dias de Almeida, Maxym Levytsky (ASSE), Diego Garay (Strasbourg), Pablo Contrenas (Monaco), Fary Mondragon (Metz). Il sera finalement interdit de séjour en France pendant deux ans, l’obligeant à trouver un nouveau point de chute pour la saison suivante.
Pour le groupe grenat, c’est une sacré perte. “C’est dommage qu’il ne soit pas resté plus longtemps à Metz. Mais il a laissé ici une marque très forte de par sa stature et sa générosité” se souvient Sylvain Kastendeuch ancien capitaine des grenats, “Il avait un style peu orthodoxe et arrêtait des ballons dans toutes les positions”. Ce passage en lorraine nous laisse sur notre faim… Preuve de son importance au sein du collectif, le FC Metz tombe en Division 2 à l’issue de la saison suivante.
Comme un symbole de son passage et de son importance, lors d’un vote sur les joueurs ayant le plus marqué la décennie de 2000 à 2010, il finit 4ème derrière les fulgurances de Franck Ribéry, resté une demi-saison, et la fidélité des joueurs que son Kastendeuch et Proment, respectivement 525 et 293 matchs sous le maillot grenat. Le colombien devance des joueurs tels que Pjanic, Obraniak ou Meyrieu qui était de réel joyaux du côté messin !
Dans l’obligation de partir de France suite à une interdiction de territoire pendant deux ans, Faryd Mondragon trouve un nouveau point de chute : il est prêté un an avec option d’achat par le club grenat à Galatasaray. Il y effectuera 6 saisons, 185 matchs championnats et 30 de Champions League sous le maillot du club d’Istanbul. Sous la tunique des jaunes et rouges, il continue sur sa lancée messine et sera vainqueur du championnat turcs à deux reprises (2002 et 2006) et de la coupe de Turquie (2005).
Dès ses débuts, il s’attire les louanges des supporters “Impossible pour moi d’oublier le Cimbom“, déclare Mondragón. “J’ai passé les six plus belles années de ma vie à Istanbul. Le jaune et le rouge occupent une place particulière dans ma vie.” Après six années en Turquie, le colombien prend la direction de la deuxième division allemande du côté de Cologne. “Lorsque Cologne m’a fait une offre, il me restait un an à faire avec Galatasaray. J’y aurais sûrement fini ma carrière, mais sortir du vestiaire et voir un stade bondé, je ne peux pas m’en passer.”
Après seulement une saison et 31 matchs, Faryd Mondragon et le FC Cologne profitent de la personnalité et de l’expérience du colombien pour monter en Bundesliga. Enchaînant les matchs, il découvre la première division allemande où il joue pendant 2 saisons et demi. Sur la fin, le gardien colombien, tient à bout de bras une formation du FC Cologne qui joue le maintien. Michael Maier, directeur sportif de l’époque met en évidence le bon rendement du Cafetero : “Il a été longtemps contesté par quelques soi-disant experts, mais aujourd’hui, il fait une magnifique saison et nous est d’un grand soutien. Farid a du charisme et est un leader sur le terrain. Sur la manière dont il agit sur l’équipe, je le vois dans la même catégorie de gardien que Toni Schumacher” (Harald Schumacher).
Lors de sa dernière saison, le gardien colombien, aura un accrochage avec son coach, Zvonimir Soldo. En effet, le club de Cologne avait demandé à Faryd de rentrer plus tôt d’une tournée aux Etat-Unis avec sa sélection. Le gardien et la fédération ayant refusé, Soldo annonce lors de la mise au vert que le gardien, trop court physiquement à son goût, sera remplaçant lors du déplacement à Dortmund, laissant l’inexpérimenté Marko Vardovic sous les bois.
L’ancien messin parvient à obtenir un accord pour finalement quitter le club en cours de saison et file tout droit vers son 8e pays en 11 clubs, et vit le rêve américain. À l’age de 40 ans, Faryd Mondragon arrive du côté de Philadelphie et y reste pour seulement une saison, abandonnant l’idée de continuer son aventure dans le nord de l’Amérique pour venir aider son club qui l’a vu grandir, le Deportivo Cali. C’est la première fois qu’il refoulait les terrains colombiens depuis 1995, soit 17 ans après.
“Je suis un privilégié de pouvoir être à un Mondial à 43 ans.”
Alors que sa carrière semblait se finir paisiblement dans son club d’enfance, Pekerman, le sélectionneur colombien, le convoque pour les qualifications de la coupe du monde au Brésil. “Il m’a expliqué que le titulaire était David Ospina, mais que les qualifications étaient longues et qu’il avait besoin de gens d’expérience. J’ai répondu que j’irais avec plaisir. Pour moi, ce fut une renaissance, une bouffée d’oxygène qui m’a redonné vie” se rappelle le gardien remplaçant des Cafeteros.
Conscient de son rôle de numéro 2, il sera un soutien de taille pour Ospina, l’aidant à tirer le maximum de son potentiel en le protégeant le plus possible. “Ospina est très important pour la Colombie. En qualifications, il n’a commis qu’une seule erreur contre le Paraguay. Après le match, je suis allé au vestiaire pour lui parler, il m’a vu et des larmes ont commencé à couler parce qu’il avait accumulé beaucoup de stress. Je lui ai dit : Je suis heureux que tu ais fais une erreur, parce que c’était un bon moyen de prouver que tu restes un humain. Tu n’avais pas fait d’erreur depuis cinq ans“.
Finalement, Mondragon ne joua aucune minute lors de ces qualifications mais sa sélection finit par se qualifier. Sa convocation lors de l’édition brésilienne fera de lui le détenteur de plusieurs records, notamment du joueur avec le plus grand nombre d’années entre deux participations qu’il portera à 16 (entre 1998 et 2014), mais aussi celui du plus grand nombre d’années entre la première et la dernière participation qu’il amènera à 20 ans (entre 1994 et 2014).
Mais l’immensité de ce gardien ne s’arrêtera pas à ça. En rentrant face au Japon à la 85ème minute pour le compte de la troisième journée de la phase de groupe, il devient, devant Roger Mila, le joueur le plus vieux à jouer une coupe du monde, record battu en 2018 par El-Hadary. Il l’assure cependant, il ne venait pas au Brésil pour faire tomber des records mais pour aider sa sélection : “On ne va pas à une Coupe du Monde pour battre un record. Si je n’avais pas été au niveau adéquat pour être prêt en cas de besoin, je n’y serais pas allé” assurait-il.
Bien entendu, l’intéressé avait tout de même profiter au maximum de ce dernier moment que le football lui proposait qu’il raconte si bien lui-même : “Nous venions tout juste de marquer le troisième but et Pekerman me dit : ‘Allez, dépêche-toi, tu entres !’. Immédiatement, j’enfile le survêtement et les gants. Dans ce genre de moment, l’émotion et l’adrénaline vous donnent des ailes”. Il s’était même permis une accolade avec un baiser à son coach avant d’entrée en jeu, des gestes pleins de reconnaissance et qui caractérise la dimension humaine que Faryd a mis à disposition de sa sélection.
“Je ne m’attendais pas aux cris ‘Faryd, Faryd’ qui descendaient des tribunes. Ce fut quelque chose de très beau car pouvoir vivre une chose comme ça à la toute fin de votre carrière, c’est très émouvant …” se remémore-t-il. “Ce n’est pas un record pour Faryd Mondragon, mais pour tout le football colombien et le pays dans son ensemble. Je suis très honoré qu’il me soit revenu de représenter la Colombie dans cette statistique.”
Ces record battus ne sont pas anodins et prouvent la longévité du gardien colombien qui aura réussi à s’imposer partout, et à tout âge. Mais comment a-t-il pu se maintenir à ce niveau? Lui-même pourrait vous dire que “chaque année, vous gagnez en sagesse. Vous sentez les choses avant qu’elles arrivent”. Très fier de ce parcours, le colombien se retire à la fin de la coupe du monde 2014 après une défaite des Cafeteros face à l’hôte brésilien : “ C’était l’ultime étape de ma carrière en tant que joueur. Je me retire du football actif avec les meilleurs souvenirs, avec la fierté et l’orgueil d’appartenir à ce groupe merveilleux de guerriers qui ont honoré le maillot de cette sélection avec dignité. ”
Retraité depuis la coupe du monde 2014, Faryd Mondragon est actuellement actionnaire du Deportivo Cali. En janvier 2016, il fait une tentative de suicide. Selon la presse colombienne, l’ancien gardien messin aurait ingurgité une forte dose d’anti-depresseurs suite à des problèmes sentimentaux. Quelques jours avant, il avait laissé un message sur son compte Instagram : “Il n’y a que moi qui peux juger mon existence, et je suis las d’être jugé par les autres sans possibilité de me défendre”, message supprimé assez rapidement. Bien heureusement, le colombien s’en sort indemne et peut vivre de beaux jours au près des siens.
En 1997, lors du tournoi Apetura (tournoi d’ouverture du championnat), Faryd Mondragon a marqué son seul but en professionnel sur pénalty avec l’Independiente face au Velez Sarsfield dont les cages était gardé par … José Luis Chilavert, l’un des meilleurs buteurs au poste de gardien de but.
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photo de couverture : Ouest France