Volonté, courage, abnégation et détermination, les adjectifs ne manquent pas pour qualifier la carrière de Cédric Carrasso. Une carrière semée d’embûches qui auront permis au natif de d’Avignon de se forger un mental d’acier et de perdurer au haut niveau. De Marseille jusqu’à Bordeaux, le gardien n’aura laissé que des bons souvenirs dans les clubs où il a évolué grâce à son explosivité, sa régularité et son leadership. Touché à deux reprises aux ligaments croisés, victime d’une rupture du tendon d’achille, Carrasso s’est toujours relevé pour repartir de l’avant et surtout, revenir plus fort encore. Portrait d’un gardien, qui impressionne par sa force de caractère.
Né le 30 décembre 1981 en Avignon, Cédric Carrasso effectue ses premiers pas en débutant tout près de chez lui, au Stade Maillanais. Rapidement, les capacités de Cédric sont décelées par l’Olympique Avignonnais, l’un des clubs phares de la région dans lequel il s’engage en poussins. Le talent est déjà perceptible chez cet enfant qui va enchaîner les performances et les bonnes saisons. L’Olympique de Marseille suit de près le jeune garçon, l’intérêt des olympiens ne laisse pas indifférent le portier avignonnais qui rêve déjà de concrétiser son rêve de devenir un jour, joueur professionnel. C’est dire, à l’âge de 11 ans, Carrasso intègre le centre de formation de l’OM pour toucher à son but. Jusqu’à l’âge de 15 ans, quatre fois par semaine, le gardien et sa famille parcourent 200KM aller-retour afin de se rendre aux entraînements et matchs. Un sacrifice qui portera ses fruits puisque le gardien parviendra à s’imposer pas à pas au sein du centre de formation phocéen.
Cédric Carrasso accède enfin à son objectif, signer son premier contrat professionnel. C’est le graal pour ce jeune rempart de 19 ans qui intégrera le groupe professionnel comme 3ème gardien durant la saison 2000-2001, saison durant laquelle Carrasso ne disputera pas la moindre minute sous le maillot marseillais. Lors de l’édition suivante, le portier est prêté à Crystal Palace (D2 anglaise) au mercato hivernal afin de gagner en temps de jeu. Les choses ne se passent pas comme prévu, le rempart marseillais joue seulement 2 petits matchs avec le club londonien, mais ce prêt restera anecdotique dans la carrière de Carrasso qui rêve d’endosser le rôle de numéro 1 dans son club formateur.
De retour à Marseille lors de la saison suivante (2002-2003), l’opportunité pour Cédric Carrasso de se montrer aux yeux du grand public se présente enfin. Le portier marseillais assure l’intérim du gardien croate Vedran Runje pour une courte durée. Son baptême du feu est une rencontre de championnat de Ligue 1 opposant Marseille à Montpellier. Un match concluant puisque le natif d’Avignon va parvenir à garder sa inviolée (2-0) et signer son premier clean-sheet dès son premier match chez les pros. Carrasso va enchaîner avec un second test face à Guingamp. Efficace, le rempart parvient de nouveau à conserver son invincibilité (0-0). Malheureusement pour lui, tout va s’arrêter brusquement…
Le 6 octobre 2003, l’Olympique de Marseille affronte l’équipe de France 98 championne du monde lors d’un match de gala au Vélodrome. Tout semble au beau fixe, le jeune Carrasso est titulaire dans les buts olympiens et va se mesurer aux gratin du football français. C’est en seconde période que le pire survient sur une sortie anodine du numéro 30 marseillais au contact de Ludovic Giuly, lancé en profondeur. Cédric reste au sol, effondré, et comprend rapidement que sa blessure est grave. Son genou est en miette, le bilan est sans appel : rupture des ligaments croisés. Il va devoir désormais entamer une longue et difficile croisade pour revenir à son meilleur niveau et lutter au quotidien pour ne pas tomber dans l’oubli.
La convalescence de Cédric Carrasso s’avère bien plus compliquée que prévu. Le gardien souffre de surpoids et dépasse les 100 kilos sur la balance. Dès lors, les dirigeants de l’OM jouent carte sur table avec l’avignonnais comme en témoigne José Anigo : “Quelques fois on veut protéger les joueurs et ne pas leur dire les choses de manière frontale, avec lui on l’a été et il fallait le faire“. Carrasso comprend rapidement que son corps est inapte au niveau professionnel et qu’il va devoir littéralement se métamorphoser pour de nouveau goûter à la Ligue 1. Un mal pour un bien ? Il témoigne bien des années plus tard : “Pour moi, c’est le jour où ma carrière a commencée, bizarrement…“.
Le rempart marseillais va s’investir avec détermination dans cette perte de poids provoquée notamment par sa blessure. Il n’a plus le droit à l’erreur. La transition entre l’avant et l’après discussion avec le staff de l’OM est soudaine. Les efforts de Carrasso sont titanesques : “C’est manger 2 yaourts à 0% et 2 tranches de blanc de dinde par jour tout en s’entraînant 4 heures. 2 heures dans la piscine à enchaîner les allers-retours et 2 autres sur le terrain à courir. J’ai dû perdre 25KG en 3 mois, les médecins me disaient que j’étais fou“.
La franchise des dirigeants olympiens n’aura pas été vaine, Cédric Carrasso est de nouveau sur pieds et les stigmates de sa prise de poids ont disparu. Afin de gagner en temps en jeu, le club phocéen lui propose un prêt d’un an à Guingamp en Ligue 2 que le portier accepte. Il dispute 25 matchs avec le club breton et reviens plus fort qu’il ne l’a jamais été dès la fin de saison. Ironie du sort, son retour de prêt coïncidence avec la suspension de Fabien Barthez, suspendu 6 mois pour l’affaire du crachat. Convaincu de son potentiel et conquis par le mental de Carrasso, Pape Diouf lui propose l’interim de l’international français pour les 3 premiers mois de la saison 2005-2006.
Le début de saison de l’Olympique de Marseille est laborieux avec 14 points pris en 10 rencontres et 12 buts concédés lors des 10 premières journées de championnat, mais Carrasso se rèvele malgré tout comme un atout dans le 11 olympien. Les supporters de l’OM se souviendront forcément de sa performance XXL face à l’OGC Nice au stade du Ray où le rempart marseillais s’est montré décisif à plusieurs reprises de fort belle manière (0-1), mais aussi de cette séance de tirs au but en coupe UEFA avec un Carrasso des grands soirs qui permettait aux siens de se qualifier pour les phases de poules. Adopté par le Vélodrome, il se fait rapidement une place dans le coeur des phocéens et se voit même offrir un chant à sa gloire que beaucoup connaissent déjà : “Carrasso, Carrasso, fais-nous la parade , fais-nous la parade…”
Une fois sa suspension purgée, Fabien Barthez retrouve logiquement sa place de numéro 1. Impossible pour Carrasso de pouvoir rivaliser avec l’expérimenté gardien de but de l’équipe de France qui songe à disputer la Coupe du Monde une fois la saison terminée. L’après-coup est difficile pour le jeune gardien (23 ans) qui doit serrer les dents et camoufler sa frustration de revêtir le rôle de doublure une nouvelle fois, mais la concurrence est trop forte pour lui. Néanmoins, il sait se montrer patient, et c’est ce qui lui permettra de s’imposer comme le titulaire indiscutable de l’Olympique de Marseille lors de la saison suivante suite à la décision de Barthez de prendre sa retraite. Il dispute l’intégralité de l’exercice 2006-2007 et l’OM termine à la seconde place du championnat. Le portier marseillais réalise une année et demie plus que correcte et les dirigeants décident de nouveau de lui confier le rôle de numéro 1 lors de la prochaine saison malgré le recrutement d’un certain Steve Mandanda en pleine ascension. Signe de confiance, ils décident également de prolonger Cédric Carrasso de 2 années supplémentaires, mais tout ne va pas se passer comme prévu…
Le portier marseillais s’apprête à disputer sa seconde saison consécutive en tant que titulaire mais le pire survient le 22 août 2007 lors d’un entraînement à la Commanderie. Cédric Carrasso se blesse gravement, rupture du tendon d’Achille gauche. L’indisponibilité pour cette blessure s’estime en moyenne à 6 mois d’absence minimum.
Cette blessure va marquer un véritable tournant dans la carrière de Carrasso qui va se voir subtiliser sa place de titulaire à l’OM par celui qu’on le surnomme déjà au bout de quelques semaines “El fenomeno“. Steve Mandanda réalise des prouesses et accumule les performances de haute volée en l’absence de celui qui devait endosser le costume de numéro 1. Lors de son retour de blessure, la hiérarchie est d’ores et déjà bousculée, Steve Mandanda est maintenu titulaire par Éric Gerets. Reconnaissant et en bon terme avec les dirigeants de l’Olympique de Marseille, Pape Diouf lui accorde un bon de sortie afin de rebondir dans autre club.
Dès les premiers jours du mercato (24 juin 2008), Carrasso s’engage avec le TFC pour 2,5 millions. Nicolas Douchez s’en étant allé au Stade Rennais, le néo-toulousain est clairement recruté pour le remplacer, il n’est plus question de redevenir numéro 2 une nouvelle fois. Son choix va s’avérer être le bon, l’ancien marseillais alors âgé de 27 ans réalise une saison de haut niveau avec à la clé une statistique loin d’être négligable, puisque Toulouse termine le championnat avec la meilleure défense (27 buts encaissés). Le TFC parvient notamment à l’issue de la saison à se qualifier pour la Ligue Europa et Carrasso est récompensé de ses performances, Raymond Domenech le sélectionne en équipe de France le 11 février 2009 en tant que troisième gardien derrière Hugo Lloris et… Steve Mandanda. Une belle revanche sur les aléas du passé.
La saison 2008-2009 terminée, ce sont cette fois les Girondins de Bordeaux qui, désireux de pallier la succession de l’emblématique capitaine bordelais Ulrich Ramé, souhaite recruter Cédric Carasso. Actuel champion de France, Bordeaux est directement qualifié pour la Ligue des Champions. Une aubaine pour Carrasso qui n’en demandait pas tant, l’avignonnais paraphe avec le club girondins un contrat de 4 ans. Dès son premier match, il remporte son premier trophée face à Guingamp lors du Trophée des Champions (2-0). Il participe activement à l’excellent parcours de Bordeaux en phase de poules de la Ligue des Champions avec une première place décrochée devant le Bayern Munich et la Juventus Turin, battus tout deux par les girondins. Le club accède aux quarts de finale en éliminant l’Olympiakos, mais sera éliminé face à l’Olympique Lyonnais. Le club terminera 6ème de Ligue 1 mais qu’importe, ce parcours en coupe d’Europe restera gravé dans les mémoires girondines.
Récompensé de sa solidité dans les cages bordelaises, Raymond Domenech prend la décision d’emmener avec lui Carrasso au mondial se disputant en Afrique du Sud. Il est hiérarchiquement troisième gardien derrière l’indéboulonnable Hugo Lloris et son ancien partenaire, Steve Mandanda. Peu importe, c’est une fierté pour lui : “Représenter son pays, c’est magnifique. Je ne me focalise pas sur ma place dans la hiérarchie des gardiens, mais pourquoi pas s’il y a une opportunité de jouer un jour. Quand je vois mon nom s’afficher sur une liste, c’est à chaque fois un grand bonheur“.
De nouveau, le destin ne vas pas basculer en faveur du portier girondins qui se blesse à la cuisse gauche lors d’un entraînement avec les Bleus. Le staff français constate rapidement une lésion haute des ischio-jambiers, la blessure est bénigne mais assez importante pour le priver du mondial. C’est un coup dur pour Carrasso mais l’international français est costaud mentalement, il s’est relevé de bien pire… Pour preuve, Cédric Carrasso va multiplier les performances dans les cages girondines durant les deux saisons suivantes, ce qui l’amènera notamment à disputer, le 9 juin 2011, son premier mais aussi dernier match sous le maillot bleu face à la Pologne, sous l’ère de Laurent Blanc (victoire 1-0).
Véritablement ancré dans l’effectif bordelais, l’avignonnais décide de prolonger son contrat de deux années supplémentaires, soit jusqu’en juin 2015. Cédric Carrasso est épanoui en Gironde, son choix de rester au club n’est pas anodin. Il croit véritablement en cette équipe qui va l’amener à disputer la Ligue Europa à l’issue de la saison 2011-2012 suite à la cinquième place décrochée par Bordeaux. Leur parcours restera anecdotique malgré une première place acquise en phase de groupes mais cette fois-ci, le club s’arrêtera en huitièmes de finale face au Benfica Lisbonne.
Une nouvelle prolongation de contrat surviendra deux mois avant l’élimination de Bordeaux en Coupe d’Europe, les dirigeants étant pleinement satisfait du travail de l’international français. Il annonce lui-même la bonne nouvelle sur l’écran géant du Stade Chaban-Delmas, il est désormais lié au club jusqu’en 2017. Le capitaine girondins décrochera en fin de saison le second trophée de sa carrière à l’âge de 33 ans, les bordelais ayant battu Evian Thonon Gaillard 3 buts à 2 en finale de Coupe de France (31 mai 2013). Une ligne de plus à ajouter à son palmarès.
Nous sommes à présent en janvier 2016, Cédric Carrasso est encore et toujours titulaire dans les buts bordelais qui affrontent en ce jour le FC Nantes à la Beaujoire. Bordeaux est mené 2 buts à 0 à vingt minutes de la fin quand Carrasso s’effondre au sol. Le portier semble s’être blessé tout seul sur une sortie des plus ordinaires afin de se saisir du ballon. Il quitte le terrain en pleurs et comprend rapidement la gravité de sa blessure qu’il a malheureusement déjà connu. À 35 ans, il va être désormais très difficile de se remettre d’une nouvelle rupture des ligaments croisés du genou qui met irrémédiablement un terme à sa saison.
La saison 2016-2017 débute, Cédric Carrasso est remis de sa blessure, mais ce n’est pourtant pas lui qui garde les buts des Girondins de Bordeaux. En effet, le choix de Jocelyn Gourvennec se porte sur le jeune Jérôme Prior âgé de 21 ans seulement, mais la hiérarchie ne va pas facilement être inversée. L’international français retrouve sa place de titulaire dès la seconde journée de championnat et entend bien démontrer qu’il n’est pas sur le déclin. Carrasso impressionne par sa force de caractère mais le 18 novembre 2016, nouveau coup de froid, il se blesse à l’entraînement suite à un arrêt. Les examens médicaux révèlent une entorse du genou gauche associée à une lésion méniscale, son absence est estimée à quelques semaines. Pas question de lâcher pour le natif d’Avignon, Carrasso récupère sa place de titulaire dès sa période de convalescence terminée, place qu’il va conserver jusqu’à la fin de saison mais les dirigeants pensent le gardien en fin de carrière et veulent préparer l’avenir, son genou devenant de plus en plus fragile. En fin de contrat, le portier girondins de ne sera pas prolongé malgré sa volonté de rester au club et c’est ainsi qu’au mois de mai 2017, le club officialisera son départ à la fin de la saison. Une page se tourne pour le club bordelais et Carrasso, qui aura passé plus de 8 ans à défendre les couleurs bleues marines malgré toutes les embûches.
Pas encore prêt à raccrocher les gants, Cédric Carrasso s’engage en faveur de Galatasaray le 8 septembre 2017. Âgé de 36 ans, le choix de l’ancien marseillais surprend mais il justifie cette décision : “Je voulais passer à autre chose, j’en avais besoin, mais je ne suis pas en vacances […] Je me suis investi dans un rôle de remplaçant. Je suis sorti d’une situation, à Bordeaux où tout s’est passé très vite et où je ne m’attendais pas à cette conclusion […] j’ai pris le temps de bien réfléchir et j’ai décidé d’aller dans un club où je suis bien, où je travaille comme jamais, où je prends énormément de plaisir. C’est une toute autre vie, et ça m’a fait complètement oublier les derniers mois à Bordeaux“.
Désormais cantonné à un rôle de doublure, Carrasso est pleinement satisfait de sa situation et trouve l’épanouissement dans le club stambouliote. Le portier s’entraîne quotidiennement avec l’international uruguayen, Fernando Muslera, sous la houlette de Cláudio Taffarel, entraîneur des gardiens de Galatasaray. L’ancien capitaine bordelais disputera une seule petite rencontre de championnat avant d’être libéré à l’issue de son contrat en fin de saison. Leader du championnat turque, Cédric Carrasso devient champion de Turquie pour sa dernière saison dans un club professionnel.
– Cédric est le grand frère Johann Carrasso (de six ans et demi son cadet), gardien de but professionnel évoluant au Stade de Reims. Passé notamment par Montpellier, Rennes, Monaco et Metz, il comptabilise une trentaine de matchs joués en Ligue 1.
– En novembre 2018, Carrasso rejoint la chaîne Eurosport en tant que consultant, chaîne sur laquelle il commente notamment plusieurs matchs de Coupe de France.
“On m’a toujours dit étant jeune : ‘Regarde les grands gardiens, ils n’ont pas des trajectoires normales, il se passe toujours quelque chose, c’est jamais tout beau tout rose.’ Je me sers de ça pour avancer.”
Cédric Carrasso
Palmarès
– Vainqueur du Trophée des Champions avec Bordeaux (2009)
– 1 Coupe de France avec Bordeaux (2013)
– 1 titre de champion de Turquie avec Galatasaray (2018)
Distinction personnelle
– Étoile d’or France Football 2009
Photo de couverture : Eurosport